Scor s’enfonce dans les crises de gouvernance

Le réassureur français a annoncé le départ surprise de son directeur général Laurent Rousseau, en poste depuis moins de deux ans.
Bertrand De Meyer
Bureaux du réassureur Scor
Le directeur général de Scor, Laurent Rousseau, vient de démissionner.  -  Photo Scor.

Le conseil d’administration qui s’est tenu jeudi 26 janvier au matin chez Scor n’a finalement rien eu d’ordinaire. Le groupe de réassurance français a annoncé quelques heures plus tard la nomination de Thierry Léger, directeur de la souscription du réassureur suisse Swiss Re, au poste de directeur général à compter du 1er mai 2023 et le départ de Laurent Rousseau, qui occupait le poste depuis le 30 juin 2021, «pour poursuivre d’autres opportunités professionnelles». Si le groupe précise, dans un communiqué, que Laurent Rousseau «a remis sa démission de son mandat de directeur général et de son mandat d’administrateur», laissant suggérer une décision prise dans le calme, la réalité est plus compliquée. Plusieurs sources confirment à L’Agefi que le dirigeant a bien été poussé à la sortie par le conseil, sur qui plane l’ombre de Denis Kessler, qui n’a pas souhaité accorder plus de temps à Laurent Rousseau face aux défis que rencontre Scor.

Une situation qui empirait

Les relations entre Denis Kessler, président-directeur général du groupe pendant presque 19 ans et «seulement» président depuis juillet 2021, et Laurent Rousseau, qui avait finalement été préféré à Benoît Ribadeau-Dumas pour occuper le poste de directeur général, ne sont pas bonnes. «Le torchon brûlait entre les deux et la situation ne faisait qu’empirer, c’était presque à couteaux tirés et c’était devenu ingérable», décrit une source proche. Le premier n’a pas manqué de mettre la pression sur le second lors des résultats du troisième trimestre, qui a vu le groupe afficher des pertes de 270 millions d’euros. «Le conseil d’administration a demandé au management d’accélérer la mise en œuvre de mesures fortes pour renforcer la rentabilité technique de Scor et améliorer sa performance opérationnelle. Le conseil veillera à ce que leur mise en œuvre soit poursuivie avec détermination», déclarait alors Denis Kessler.

En interne et sur la place, au contraire, celui qui est entré chez Scor en 2010 en tant que conseiller du patron historique jouissait d’une certaine crédibilité. La décision, qui n’a pas été communiquée en amont aux collaborateurs, a d’ailleurs surpris. «Nous étions repartis sur des bases saines, bien que les mauvaises relations entre les deux hommes étaient connues de tous», confie une source. Après avoir dégringolé et être même passé sous les 14 euros fin octobre 2022, le titre Scor s’est ainsi repris. Il a clôturé à 23,80 euros jeudi à la Bourse de Paris. La même source s’inquiète : «il est clair qu’il s’agit d’une reprise en main de Denis Kessler. Le cordon ombilical était prévu pour être coupé, ça n’est pas du tout ce qui semble se dessiner».

Intérim confié à un fidèle

Dès 2016, pourtant, Denis Kessler avait annoncé prévoir sa suite à la demande de son conseil d‘administration. Mais en mai dernier, les actionnaires ont voté à plus de 77% pour porter la limite de l’âge du président du conseil d’administration à 72 ans, lui permettant de rester à son poste jusqu’en 2024. Certes, Scor a bien enclenché la recherche de son successeur, en s’appuyant sur le cabinet Egon Zehnder, et devrait dévoiler son nom fin 2023. Mais les craintes qu’il reste en place gagnent même certains de ses proches, a appris L’Agefi de sources concordantes.

En attendant, l’intérim a été confié à l’un de ses fidèles : François de Varenne, membre du comité exécutif en charge des investissements, des technologies, du budget de la transformation et du corporate finance pour le groupe. Denis Kessler le connaît depuis longtemps puisqu’il était directeur de sa thèse, soutenue en 1996. Aucun doute, donc, qu’il remplira la mission confiée par le conseil d’administration : «apporter son soutien et son appui à François de Varenne puis à Thierry Léger pour assurer le bon déroulement de ce changement de directeur général». D’autant qu’en tant que membre du comité des nominations, il a eu son mot à dire pour proposer le nouvel arrivant.

Les défis du nouveau DG

Thierry Léger, de son côté, sait où il met les pieds. Au 30 septembre 2022, le ratio de solvabilité de Scor s’élevait à 270% et les capitaux propres, en baisse de 15%, à 5,43 milliards d’euros après trois trimestres consécutifs de pertes. Fort de 25 ans d’expérience dans la réassurance, il aura pour principale mission de restaurer la profitabilité d’un groupe qui a souffert en Bourse et vu ses notes dégradées par les agences de notation. Pour cela, «il a charge d’élaborer un nouveau plan stratégique engageant et ambitieux pour Scor, dont il esquissera les orientations et les principaux axes à l’assemblée générale de 2023». Scor, qui a revu ses engagements en catastrophes naturelles, a déjà lancé un plan d’urgence fin 2022 et compte sur des gains d’efficacité annuels de 125 millions d’euros d’ici 2025 grâce à «une organisation agile et allégée». Allégée, elle l’est déjà de Laurent Rousseau.

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