
Pourquoi les banques restent mal aimées du marché

Les analystes s’attendaient à voir un fléchissement du secteur bancaire européen au deuxième trimestre 2023. L’inflexion n’a pas eu lieu. Mieux, pour la 10ᵉ fois consécutive, le secteur a affiché des résultats trimestriels supérieurs aux attentes, en hausse par rapport aux anticipations des consensus des analystes.
Or, pour quelles raisons les investisseurs ne parient-ils pas sur les banques en Bourse ? Malgré un rendement des fonds propres (RoE) qui s'établit à près de 11%, le secteur se négocie avec une décote persistante, actuellement de l’ordre de 35%. « En termes de rythme de progression, c’est du jamais-vu. Chaque trimestre apporte son lot de révisions à la hausse depuis 2021, déclare Antonio Roman, gérant de portefeuille chez Axiom Alternative Investments. Or, on assiste à un rare découplage entre la dynamique des bénéfices, bien meilleurs qu’attendu, et les performances boursières des banques de la zone euro. »
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Pourquoi tant de frilosité ?
Les analystes d’Axiom Alternative Investments qui se sont penchés sur les raisons de ce pessimisme extrême ne manquent pas de s'étonner de ce désamour persistant. Non seulement les facteurs positifs pour le secteur bancaire se font plus nombreux, mais les facteurs négatifs les plus pesants, lesquels pouvaient nourrir ce manque d’attractivité, semblent désormais en passe d'être résolus, s’ils ne le sont déjà. Ainsi, la redistribution des résultats aux actionnaires, bridée en mars 2020 par la Banque centrale européenne en raison du Covid, a laissé place à des plans généreux. «Certaines banques distribuent plus de 100% de leur profit, appuie Antonio Roman. De même, la période de crise souveraine est dépassée, même si, bien sûr, on ne peut jamais écarter totalement ce risque.»
Les résultats des tests de résistance suggèrent que le coût du risque sera contenu en cas de récession.
Parmi les autres éléments conjoncturels, les taux d’intérêts trop bas ou négatifs ne sont plus un sujet puisqu’ils se sont normalisés dans tous les segments du marché obligataire.
Le scénario d’un épisode de récession en Europe, s’il ne peut être complètement écarté, apparaît peu probable. «Et quand bien même cela arriverait, les provisions de précaution et les résultats des tests de résistance suggèrent que le coût du risque sera contenu en cas de récession», annonce David Benamou, associé gérant, directeur des investissements chez Axiom Alternative Investments. Quant au risque de défaut sur trois ans, il est peu élevé.
Une perte de confiance perdure suite au sauvetage du Credit Suisse par UBS. Toutefois, pour les analystes, il s’agissait d’une particularité suisse isolée, et il paraît peu probable de voir se reproduire un tel scénario concernant les banques classiques dont les dépôts sont garantis.
Si le contexte réglementaire et fiscal, toujours source d’inquiétude avec la réforme du cadre Bâle 3 ou le risque de voir apparaître des taxes sur les «superprofits» peuvent expliquer en partie la prudence des marchés, celle-ci semble exagérée. «La réglementation est largement stabilisée en Europe, indique David Benamou. La mise en œuvre de la version finale de Bâle 3 est bien anticipée et sera de toute façon graduelle.»
Quant aux taxes éventuelles sur les «superprofits», même si l’Italie rejoint le club des pays sujets à la super taxe bancaire, les banques européennes sont déjà très lourdement taxées dans de nombreuses juridictions et sont donc relativement habituées à gérer d’importants niveaux de taxation.
Enfin, si le risque géopolitique reste fort et la situation énergétique pour l’hiver 2023-2024 un sujet de préoccupation, jusqu’ici les impacts directs ont été «gérables».
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Le secteur a le vent en poupe
En effet, le secteur s’en sort plutôt très bien en moyenne. Il affiche des marges nettes d’intérêts en hausse de 35% par rapport au deuxième trimestre 2022 par un effet profitable de la hausse des taux et de la hausse des primes de risque sur les prêts aux entreprises - la performance est moins brillante pour les banques françaises, pénalisées par des actifs à taux fixe et le coût de l'épargne réglementée. Outre le niveau à deux chiffres de la rentabilité des fonds propres, la fermeté des dépôts en zone euro et le coût du risque maîtrisé chassent, du moins jusqu’ici, tout signe de vents contraires inquiétants. «On constate même une solidité croissante du secteur», précise Antonio Roman. Les banques européennes devraient donc au contraire continuer à profiter de ces vents favorables et rester sur cette tendance jusqu’à la fin de l’année.
Face à ces bonnes performances, le jugement des marchés apparaît plutôt sévère. Pour un autre analyste financier, Sam Theodore de Scope Rating, «de nombreux investisseurs brossent le secteur bancaire européen à gros traits, négligeant les différences souvent significatives de qualité et de perspectives entre diverses banques ou systèmes bancaires nationaux et ancrant leurs opinions dans les performances des valeurs négatives du secteur au fil des ans», écrit-il dans une note.
Pour Antonio Roman d’Axiom Alternative Investments, «les marchés sont excessivement pessimistes et pénalisent le secteur essentiellement par réflexe à la lumière des récessions déflationnistes passées.» Sans doute l’un des passifs bancaires les plus lourds à assumer pour les banques cotées.
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