
Les banques françaises doivent convaincre après un trimestre de tous les dangers

Le printemps a-t-il été meurtrier pour les banques françaises ? Après des résultats à fin mars marqués par les deux premières semaines de confinement, ceux du deuxième trimestre risquent de creuser le fossé entre établissements. La Société Générale et Natixis devraient être à peine rentables, voire dans le rouge, après leurs pertes du premier trimestre, anticipe le consensus FactSet des analystes. A l’inverse, BNP Paribas et Crédit Agricole SA (CASA) devraient rester profitables, tout en encaissant une baisse de leurs profits liée à des charges exceptionnelles. La première pourrait annoncer un bénéfice de 1,5 milliard d’euros au deuxième trimestre, en recul de 40% sur un an, et la deuxième un résultat net divisé par deux et proche de celui à fin mars, soit 600 millions d’euros, selon le consensus des analystes.
Si ces prévisions se vérifiaient, elles pourraient accentuer les écarts boursiers. Depuis le début de l’année, le cours de BNP Paribas a reculé de 31% et celui de CASA de 32%, un recul légèrement inférieur à celui de l’indice du secteur en Europe (-34%). En revanche, Natixis et la Société Générale ont décroché de 46% et de 54% respectivement. La Société Générale capitalise seulement 12 milliards d’euros, soit quatre fois moins que BNP Paribas.
Pour remonter la pente, cette dernière est montée en première ligne pour que la Banque centrale européenne permette aux banques les plus solides de verser des dividendes au dernier trimestre, selon Bloomberg, alors que l’interdiction actuelle court jusqu’au 1er octobre. La décision de Francfort est imminente, Deutsche Bank et Santander devant présenter leurs résultats ce mercredi. En France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a déjà prolongé sa recommandation de non-rémunération des actionnaires des banques de plus petite taille et des assureurs jusqu’au 1er janvier 2021, pour préserver leur capital face à la crise du Covid-19.
Au total, les quatre banques cotées françaises pourraient annoncer plus de 4 milliards d’euros de nouvelles provisions selon FactSet, après les 3 milliards d’euros de coût du risque du premier trimestre destinés à face à la hausse attendue des impayés sur leurs portefeuilles de prêts. «Si la hausse des provisions au deuxième trimestre est largement anticipée, nous voyons des risques de ralentissement par rapport aux attentes sur les revenus et le capital, estiment les analystes de JPMorgan dans une note récente sur les banques tricolores.
Des ratés à la SocGen et chez Natixis
Le consensus anticipe un recul de 14% du produit net bancaire (PNB) de la Société Générale, à 5,4 milliards d’euros, et une chute de 24% chez Natixis, à 1,7 milliard. «La tendance dans la banque de financement et d’investissement (BFI) est favorable, mais les activités actions respectives de SocGen et Natixis semblent avoir été sévèrement touchées au deuxième trimestre par la hausse des coûts de couverture et de nouvelles annulations de dividende (d’entreprises cotées qui ont entraîné de pertes sur des produits structurés, ndlr)», anticipe Lorraine Quoirez, analyste chez UBS. La Société Générale n’a pas caché ses difficultés, dans une présentation aux analystes le 9 juin dernier. La banque de La Défense reconnaît avoir raté le rebond du trading, pourtant galvanisé par le krach boursier du mois de mars et la forte volatilité. Elle a décidé de mener une «revue approfondie» de son activité de produits structurés pour limiter les risques en cas de disclocation des marchés. L’effort de simplification de ses produits complexes, déjà annoncé dans le passé, n’avait visiblement pas été mené jusqu’au bout…
Du côté de Natixis, l’incertitude demeure sur le devenir des activités actions et le sort d’un autre pôle de la BFI, le financement des matières premières, est en passe d’être scellé. Après des pertes et des fraudes dans les crédits aux producteurs et aux négociants de pétrole, Natixis va scinder ses équipes dédiées aux ressources naturelles et réduire son exposition au financements «bruns», au profit des énergies renouvelables. L’état-major de Natixis et de sa maison mère BPCE sera aussi interrogé début août sur l’avenir de la banque elle-même, après les déboires de ses deux principaux moteurs de performance, la BFI et la gestion d’actifs, dont la boutique star H2O connaît des difficultés.
Pour l’ensemble des BFI françaises, le trimestre pourrait être moins porteur que dans les banques américaines, où Morgan Stanley et Goldman Sachs ont atteint des revenus record. Mais les performances devraient rester solides dans les divisons de taux, change et matières premières (fixed income) après un premier trimestre intense, marqué par des baisses de taux et les mesures ultra-accommodantes des banques centrales. BNP Paribas, leader sur le marché de la dette en euros, pourrait afficher une progression de 50% sur un an dans le fixed income, estiment les analystes de JPMorgan.
Vents contraires en banque de détail
Sur le front de la banque de détail, ces derniers font le pari des performances bien plus faibles qu’attendu (-12% contre -2% pour le consensus), en raison de trois facteurs. D’abord la «baisse des volumes de prêts, en particulier dans les crédits immobiliers et à la consommation, l’activité étant principalement centrée sur les prêts garantis par l’Etat (PGE)», avec 113 milliards d’euros accordés en France, selon les chiffres de Bercy au 17 juillet. Deuxième explication : «la pression accrue sur les marges avec des taux plus bas sur les PGE et de nouvelles baisses de taux dans certaines régions (par exemple aux Etats-Unis, en Pologne et en Europe centrale pour BNP Paribas)». Enfin, «la baisse des activités bancaires quotidiennes durant les périodes de confinement pèse sur les frais et commissions», rappelle JPMorgan.
Dans ce contexte morose, les bases de coûts seront scrutées de près. Début mai, la Société Générale a déjà annoncé 600 à 700 millions d’euros d’économies supplémentaires cette année, et BNP Paribas 400 millions. Cette dernière anticipait alors un recul de 15% à 20% de son résultat net 2020. Les investisseurs veulent désormais savoir si les scénarios économiques des banques se sont encore dégradés.
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Sydney - Un «grand requin» a tué un surfeur samedi sur une plage populaire de Sydney, a annoncé la police, une attaque mortelle rare qui a entraîné la fermeture de plusieurs plages en Australie. La victime, un habitant de 57 ans, surfait avec cinq ou six amis dans les eaux du Pacifique, au large des plages voisines de Long Reef et Dee Why, au nord de Sydney, ont précisé les autorités. Ce surfeur expérimenté, marié et père d’une jeune fille, a perdu «plusieurs membres», a déclaré le responsable de la police de l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud, John Duncan, lors d’une conférence de presse. «D’après ce que je comprends, lui et sa planche ont disparu sous l’eau», a-t-il ajouté. «Le corps a été retrouvé flottant dans les vagues» et «la planche du surfeur a été brisée en deux». Deux surfeurs l’ont aperçu dans l’eau et l’ont ramené à terre. «Malheureusement, à ce moment-là, il avait déjà perdu énormément de sang, et les tentatives de réanimation ont échoué», a poursuivi M. Duncan. Des témoins ont vu le squale, a indiqué la police, qui avait évoqué auparavant un «grand requin». Des experts gouvernementaux examineront les restes de la planche et le corps de la victime afin de déterminer l’espèce du requin, a indiqué la police. La plupart des morsures graves en Australie proviennent de grands requins blancs, de requins-bouledogues et de requins-tigres. Des images diffusées par les médias locaux montraient des policiers rassemblés sur le rivage et des ambulances garées à proximité. Les plages situées entre les quartiers nord de Manly et Narrabeen ont été fermées pour au moins 24 heures, a indiqué Surf Life Saving NSW, branche locale d’un réseau de clubs de sauveteurs bénévoles et professionnels. «Terrible tragédie» «Pour le moment, merci de rester hors de l’eau sur les plages environnantes et de suivre les consignes des maîtres-nageurs et sauveteurs», a déclaré le directeur général de l’organisation, Steven Pearce. «Nous adressons nos plus sincères condoléances à la famille de l’homme touchée par cette terrible tragédie». Les clubs de sauvetage voisins ont annulé toutes les activités et entraînements nautiques pour le week-end. Des drones et des sauveteurs sur des jets skis surveillaient les plages à la recherche de la présence de requins. Il s’agit de la première attaque mortelle de requin à Sydney depuis 2022, lorsque Simon Nellist, un moniteur de plongée britannique de 35 ans, avait été tué au large de Little Bay. La précédente attaque fatale dans la ville remontait à 1963. Un surfeur anonyme a déclaré au Sydney Daily Telegraph avoir été témoin des suites de l’attaque : «Quatre ou cinq surfeurs l’ont sorti de l’eau et il semblait qu’une partie importante de la partie inférieure de son corps avait été attaquée», a-t-il dit. Les gens ont été sommés de sortir de l’eau, a-t-il raconté. «Il y avait un sauveteur qui agitait un drapeau rouge. Je ne savais pas ce que cela signifiait... mais j’ai pensé que je devais probablement rentrer à terre». La dernière attaque mortelle en Australie remonte à mars, lorsqu’un surfeur avait été tué au large de la plage isolée de Wharton Beach, en Australie-Occidentale. Depuis 1791, plus de 1.280 incidents impliquant des requins ont été recensés en Australie, dont plus de 250 mortels, selon une base de données sur les rencontres entre ces squales et les humains. David WILLIAMS © Agence France-Presse -
Anthropic règle un litige majeur sur le droit d’auteur en IA avec un accord à 1,5 milliard de dollars
New York - La start-up américaine d’intelligence artificielle (IA) Anthropic a accepté de verser au moins 1,5 milliard de dollars à un fonds d’indemnisation d’auteurs, ayants droit et éditeurs qui poursuivaient l’entreprise pour avoir téléchargé illégalement des millions de livres, selon un document de justice publié vendredi. Cet accord à l’amiable, d’un montant colossal, constitue une étape marquante dans le débat sur l’utilisation de données pour développer et entraîner les grands modèles d’IA générative. «Cet accord historique est le plus élevé pour une affaire de droits d’auteur», a commenté auprès de l’AFP l’avocat des détenteurs de droits, Justin Nelson, du cabinet Susman Godfrey. «C’est le premier de son genre dans l'ère de l’IA». Fin juin, le juge californien saisi du dossier avait néanmoins estimé que le fait d’alimenter un logiciel d’IA générative avec des oeuvres en théorie protégées par le droit d’auteur ne constituait pas une infraction. Il avait seulement retenu contre Anthropic le téléchargement et le stockage de livres issus de librairies pirates en ligne, reconnaissant la société californienne coupable de ne pas avoir acheté ces ouvrages. «Nous sommes en désaccord avec l’opinion du tribunal selon laquelle on peut séparer le téléchargement d’une oeuvre de son utilisation», a indiqué une porte-parole d’Anthropic. Mais «nous pensons que cet accord va nous permettre de nous concentrer sur notre mission essentielle, plutôt que sur un long contentieux», a-t-elle ajouté. Le montant sur lequel se sont accordées les parties sera au minimum de 1,5 milliard de dollars et pourrait augmenter si la liste définitive des livres concernés, qui n’est pas encore arrêtée, dépassait 500.000, auquel cas Anthropic verserait 3.000 dollars de plus par ouvrage. L’accord doit encore être homologué par le juge William Alsup. Une audience est prévue lundi au tribunal fédéral de San Francisco. «Un début» Cette transaction permet à Anthropic d'éviter un procès, qui devait démarrer début décembre pour déterminer le montant des dommages et intérêts. La start-up risquait d'être condamnée à débourser une somme bien supérieure à celle décidée avec les détenteurs de droit, au point de mettre en péril son existence même. L’accord «va assurer à chaque (plaignant) une indemnisation significative», a fait valoir Justin Nelson, «et il établit un précédent en matière de paiement des détenteurs de droits.» De nombreux autres dossiers sont encore en cours devant des tribunaux américains, initiés par des écrivains, musiciens ou éditeurs de presse pour utilisation non autorisée de leur production. Vendredi, deux écrivains ont lancé un recours, qu’ils souhaitent collectif, contre Apple, accusant le géant de la Silicon Valley d’avoir utilisé des oeuvres contenues dans des bibliothèques pirates pour entraîner les modèles d’IA intégrés dans ses appareils. La plupart des grands acteurs de l’IA générative s’appuient sur la notion juridique d’utilisation équitable («fair use» en anglais), susceptible de limiter l’application du droit de propriété intellectuelle. Dans sa décision de juin, le juge Alsup avait estimé qu’en entraînant ses modèles d’IA, baptisés Claude, avec des milliers de livres, Anthropic s’inscrivait dans le cadre de l’utilisation équitable. «Le principe juridique selon lequel le développement de l’IA sur des oeuvres protégées relève d’une utilisation équitable demeure intact», a souligné la porte-parole d’Anthropic. Cet accord «ne fait que régler un différend sur la façon dont certains documents ont été obtenus», a-t-elle poursuivi. En juin, dans une autre affaire de ce type, concernant Meta, devant la même juridiction, un autre magistrat fédéral avait donné raison au géant des réseaux sociaux, mais tout en expliquant que les plaignants auraient pu soulever des arguments recevables. Les créateurs de contenu, qu’il s’agisse de musique, de livres ou d’articles, s’inquiètent de voir la valeur marchande de leur travail s’effondrer avec l'émergence des interfaces d’IA générative. «Nous espérons qu’il s’agisse du premier exemple d’une longue série de sociétés d’IA à qui on demande des comptes pour le vol de contenu créatif», a réagi l’organisation Human Artistry Campaign, qui milite pour un développement responsable de l’IA. «Ce n’est qu’un début», a écrit l’association sur X, «mais il est marquant et historique.» Thomas URBAIN © Agence France-Presse -
Donald Trump rebaptise le Pentagone en « ministère de la Guerre » pour afficher la puissance américaine
Washington - Donald Trump a signé vendredi un décret visant à rebaptiser le ministère américain de la Défense en «ministère de la Guerre», ajoutant qu’il voulait par là envoyer un «message de victoire» et «de force» au reste du monde. Le président américain a laissé entendre qu’il pouvait se passer d’un vote du Congrès pour procéder à ce changement d’appellation. «Les mots comptent», a dit le chef du Pentagone Pete Hegseth, présent aux côtés de Donald Trump dans le Bureau ovale, assurant que cette nouvelle appellation devait permettre de «restaurer une éthique guerrière». Formellement, il s’agit pour l’instant d’une appellation «supplémentaire», selon un document distribué dès jeudi par la Maison Blanche. Un haut responsable du ministère a indiqué que le coût de cette opération, potentiellement très dispendieuse, deviendrait «plus clair» au fur et à mesure de sa mise en place. Peu après la signature du décret présidentiel, les mots «ministère de la Défense» ont été immédiatement retirés d’un mur dans le Pentagone, devant des caméras de télévision. Le site du ministère a été renommé et Pete Hegseth se présente désormais comme «ministre de la Guerre» sur X. «Nous allons soumettre (ce changement de nom) au Congrès», a prévenu Donald Trump. «Je ne sais pas (si les parlementaires voteront en ma faveur, ndlr), nous verrons bien, mais je ne suis pas sûre qu’ils aient besoin de le faire». «Trop défensif» Ce n’est pas la première fois que le républicain de 79 ans impose ses idées sans passer par la case législative. Son second mandat est marqué par une volonté assumée d'étendre le pouvoir présidentiel, à coups de décrets et de décisions empiétant sur les prérogatives du Congrès. Il a signé vendredi son 200e décret depuis son retour à la Maison Blanche en janvier. Le président des Etats-Unis avait déjà fait part de ce projet qui restaurerait une appellation ayant existé de 1789 à 1947. «Défense, c’est trop défensif, et nous voulons aussi être offensifs», avait-il déclaré. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a mobilisé l’armée pour imposer une image de puissance spectaculaire et combler son appétit de fastes militaires. Il a organisé un rare défilé le jour de son anniversaire, déployé la Garde nationale dans des villes dirigées par ses opposants, et ordonné une frappe exceptionnelle sur un bateau dans les Caraïbes dans le cadre de la lutte affichée contre le narcotrafic. Les démocrates dénoncent régulièrement ce recours aux militaires, révélateur selon eux d’une dérive autoritaire. Contre le «politiquement correct» Le président américain avait eu pendant son premier mandat une relation plutôt contrariée avec l’armée. Son ancien chef d'état-major, le général Marc Milley, l’a qualifié d’"aspirant dictateur». Des articles de presse avaient également attribué à Donald Trump des propos méprisants pour des militaires américains morts au combat. Cette fois, le dirigeant républicain a remanié l'état-major américain pour s’entourer de hauts gradés choisis par ses soins, et a nommé en la personne de Pete Hegseth un ministre à la loyauté farouche. Le chef du Pentagone, adepte d’un discours viriliste et d’opérations de communication musculeuses, a dit vendredi que l’objectif de l’armée américaine était d’atteindre «une létalité maximale, pas une létalité tiède». Il a dit vouloir aller à l’encontre du «politiquement correct». Aurélia END © Agence France-Presse