
Les banques espagnoles se rebiffent contre la surtaxe de leurs résultats

Depuis la révélation fin juillet de détails de la taxe bancaire décidée par le gouvernement de Pedro Sanchez, les mastodontes de la banque espagnole ne décolèrent pas. En cause : le traitement des activités espagnoles des banques étrangères qui plonge le secteur dans la confusion la plus totale. « Le texte de la proposition législative actuelle ne précise pas le domaine d’application », explique Chiara Romano, directrice associée chez Scope Ratings, « il ne mentionne que les établissements de crédit. Mais dans l’introduction, il fait référence aux grands établissements de crédit espagnols. Il semblerait donc que les opérations des banques étrangères en Espagne en soient exclues ».
Danel Izqueaga, associate director dans l'équipe banques de Fitch Ratings, propose une autre interprétation : « selon le projet de loi, toute banque ayant des opérations en Espagne et ayant enregistré plus de 800 millions d’euros de revenus nets d’intérêts et de frais et commissions nets en 2019 sera soumise à la taxe », explique-t-il, « de nombreux doutes subsistent néanmoins sur la situation de certaines banques étrangères car on ne sait pas encore comment sera calculée cette taxe : les revenus nets d’intérêts et les frais et commissions de certaines entités dépassent le seuil de 800 millions d’euros sur une base consolidée (y compris certaines filiales) mais pas sur une base individuelle. Par ailleurs, d’autres banques, qui ont enregistré un montant légèrement inférieur à 800 millions d’euros de revenus nets d’intérêts et de commissions en 2019, pourraient dépasser ce seuil en 2022. Or, en principe, elles ne devraient pas être soumises à la taxe. Sur ce point, le texte manque aussi de clarté ».
Le cas BNP Paribas est décortiqué
Le cas de BNP Paribas a ainsi piqué la curiosité de la presse espagnole : présente en Espagne au travers d’un vaste éventail d’activités - activités bancaires, crédit à la consommation (Cetelem), activités de titres (Securities Services) etc..-, la première capitalisation bancaire française pourrait ainsi être contrainte de s’acquitter de cette taxe sur une base consolidée. «D’un point de vue purement numérique, BNP Paribas a réalisé environ 1,2 milliard d’euros de revenus en Espagne en 2019, de sorte que ses revenus d’intérêts et de commissions seraient probablement au-dessus du seuil de 800 millions d’euros si elle était éligible à cette taxe », estime Chiara Romano. Selon des calculs de El Confidencial, le leader français pourrait ainsi faire face à une facture de quelque 40 millions d’euros d’impôts. Contactée, BNP Paribas n’était pas en mesure de répondre à nos questions, avant bouclage.
Des voix bancaires se font aussi entendre pour inclure d’autres établissements étrangers à l’image d’ING, qui a réalisé l’an dernier des revenus de 776 millions d’euros en Espagne ou encore Deutsche Bank. Contactés, ces deux établissements n’ont pas souhaité faire de commentaires.
Un impôt estimé à 3 milliards pour deux ans
Dans ce climat de confusion, les banques espagnoles feraient ainsi actuellement pression pour que la proposition de loi sur la taxe bancaire, qui doit encore être débattue au Parlement, soit amendée de façon à garantir l’inclusion des banques étrangères dans l’équation. Ce nouvel équilibre permettrait ainsi de répartir cet impôt, qui doit rapporter 3 milliards d’euros sur deux ans, plus équitablement entre tous les acteurs présents sur le sol espagnol. A l’heure actuelle, on estime que la taxe devrait entraîner une réduction de 25,5% du bénéfice attendu de Sabadell cette année et de 30,7% en 2023, selon Jefferies. CaixaBank devrait aussi payer le plus lourd tribut fiscal, avec un impôt de 461 millions d’euros cette année, soit 16,4 % du bénéfice annuel, selon Expansion.
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Pesticides : une étude nationale révèle une forte exposition des riverains des vignobles
Paris - Une photographie de l’exposition aux pesticides: les riverains des vignes sont plus imprégnés que les autres Français, démontre une étude nationale inédite, dévoilée lundi par deux agences sanitaires, sans déterminer à ce stade les impacts potentiels sur la santé. Très attendue, dans un contexte d’inquiétudes croissantes mais aussi de tensions avec une partie du monde agricole, l'étude PestiRiv a mesuré la présence de 56 substances dans l’urine et les cheveux de 1.946 adultes et 742 enfants, ainsi que dans l’air extérieur, les poussières et l’air des habitations, plus quelques potagers. D’une ampleur inédite, elle a porté en 2021-2022 sur 265 sites dans six régions viticoles (Grand Ouest, Bourgogne Franche-Comté, Auvergne Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine). Ce travail de Santé publique France et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a aussi recherché d’autres sources d’exposition potentielles (alimentation, modes de vie). «Cohérents» avec ceux d'études aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, selon les deux agences, les résultats montrent que les riverains des vignobles «sont plus exposés aux produits phytopharmaceutiques (fongicides, herbicides, insecticides ndlr) que ce(ux) vivant loin de toute culture». Ils ont été communiqués aux parties prenantes (exploitants, élus locaux, ONG...) La majorité des substances, spécifiques à cette culture (folpel, métirame) ou pas (glyphosate, fosétyl-aluminium, spiroxamine...), ont été retrouvées près des vignes - culture choisie pour sa forte consommation de ces produits et sa proximité des habitations. Enfants plus imprégnés Dans les zones viticoles (à moins de 500 mètres) ont été retrouvés des niveaux de contamination parfois supérieurs de «45% dans les urines», «plus de 1.000% dans les poussières», «12 fois» plus grands dans l’air ambiant, comparé aux zones à plus d’un kilomètre de toute culture, a détaillé à la presse Clémence Fillol (SpF). En période de traitement des cultures, les «niveaux de contamination pouvaient augmenter de jusqu'à 60% dans les urines ou selon les pesticides mesurés», de «plus de 700% dans les poussières, jusqu'à «45 fois dans l’air ambiant», a-t-elle poursuivi. Deux facteurs principaux sont apparus dans cette exposition: elle augmente avec la quantité de pesticides épandue et diminue avec l'éloignement des vignes, a précisé Ohri Yamada (Anses). La durée d’aération du logement et du temps passé à l’extérieur jouent aussi, dans une moindre mesure. Les enfants de 3 à 6 ans étaient plus imprégnés, car «davantage en contact avec le sol» ou portant les mains à leur bouche, «par leur apport alimentaire aussi», a précisé Mme Fillol. Les moins de trois ans n’ont pas été inclus, les scientifiques invoquant des difficultés concrètes (recueil d’urine...). Et trop peu de viticulteurs et ouvriers agricoles ont participé pour établir une imprégnation spécifique. Autre limite: les chercheurs n’ont pas pu accéder aux «données réelles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques», et ont dû employer «une méthode très complexe et très chronophage» pour reconstituer les quantités de pesticides épandues. Surtout, cette photographie n'évalue pas les effets de ces expositions sur la santé. «Nous ne disposons pas aujourd’hui de lien entre les niveaux d’imprégnation retrouvés et des éléments cliniques en santé humaine», notamment sur des cancers, a résumé Benoît Vallet, directeur général de l’Anses. D’autant que d’autres expositions environnementales (métaux lourds, particules fines, etc) peuvent influer. Cette étude «ne prétend pas répondre à toutes les questions», a souligné Caroline Semaille, directrice générale de SpF, et «d’autres grandes enquêtes avec l’Anses viendront compléter ses premiers résultats». Même si les niveaux d’exposition ne dépassent pas ceux anticipés dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) de pesticides, les agences recommandent, par précaution, de «réduire au strict nécessaire le recours aux produits phytopharmaceutiques», avec notamment une application «ambitieuse» de la stratégie Ecophyto. Autre préconisation: informer les habitants avant les traitements pour qu’ils puissent adapter leur comportement: se déchausser en rentrant chez soi, nettoyer le sol, sécher le linge à l’intérieur, etc. «Cette étude confirme nos craintes», a commenté à l’AFP François Veillerette, porte-parole de Générations futures, inquiet du «peu d’empressement (de l’Etat ndlr) à relancer le plan Ecophyto», qui prévoit de diminuer par deux l’usage des pesticides d’ici 2030. L’ONG appelle à élargir les zones sans traitement (actuellement 10 mètres pour la vigne) et à accélérer la conversion au bio. Le Comité national des interprofessions des vins (CNIV) a insisté sur une amélioration des pratiques du secteur depuis dix ans, appelant aussi les fabricants de pesticides à faire évoluer leurs produits. Rébecca FRASQUET © Agence France-Presse