
Les avocats d’affaires en ordre de bataille

A l’annonce du confinement, les entreprises se sont mises au télétravail à marche forcée. Certains cabinets d’avocats d’affaires parisiens ont cependant vu la vague déferler et pris les devants, à l’instar de la firme Herbert Smith Freehills. « Comme nous avons des bureaux en Chine, en Espagne ou encore en Italie, qui avaient déjà été confrontés à cette situation, nous avons vu très vite la problématique se profiler en France, témoigne Frédéric Bouvet, managing partner du bureau parisien. Nous avons donc créé une ‘task force Covid-19’ à Paris avant même l’annonce du confinement, et nous avons fait en sorte de mettre le bureau en mode ‘remote’ en 24 heures. Dès le dimanche 15 mars, nous avons donc prévenu les équipes afin qu’elles puissent passer prendre ce dont elles avaient besoin au cabinet, et nous sommes officiellement passés en télétravail le lundi soir. »
Présents, même à distance
Le déploiement du dispositif hors les murs s’est également déroulé de manière fluide. « Dès la semaine précédant l’annonce du confinement, nous avons pris des mesures pour faciliter le travail à distance d’une grande partie de nos effectifs, et avons assuré la transition avec seulement quelques personnes sur place, explique Vincent Desoubries, associé. La structuration de notre comité de management autour de quatre grands pôles – finances, RH, transformation et ’risk management’ – nous a permis d’anticiper et de nous rendre opérationnels à distance de manière quasi immédiate. » « Notre réorganisation interne par groupes, plus pertinente pour assurer un management de proximité, est un véritable atout actuellement, complète Mirouna Verban, associée. Cela permet un suivi plus direct, combiné à des cercles de discussion transverses. »
Depuis le début de la crise sanitaire, des closings ont été réalisés de manière totalement dématérialisée. Le bureau de Paris du cabinet McDermott Will & Emery en a notamment réalisé plusieurs via la plate-forme de vidéoconférence Zoom. « Cela nous a demandé beaucoup de préparation en amont car la plate-forme Docusign, sur laquelle nous devions signer, nécessite de suivre un ordre très précis dans les documents, qui sont horodatés, souligne Grégoire Andrieux, managing partner. Mais avec tous les acteurs concentrés derrière leur écran, le gain de temps a finalement été considérable. A tel point que l’on envisage de tenter à nouveau l’expérience post-confinement. »
De quoi permettre aux avocats d’affaires de rester malgré tout opérationnels. Et de continuer ainsi à répondre aux besoins de leurs clients, notamment bancaires et financiers, eux-mêmes en première ligne pour remplir leurs missions auprès de leurs propres clients dans un environnement mouvant et incertain. Entre « task forces » dédiées et publication d’e-bulletins, de notes et de newsletters, les cabinets ont redoublé d’efforts et d’initiatives pour les rassurer et maintenir le lien. « Les choses bougent très vite et cela génère du stress chez nos clients, constate Sami Toutounji, associé chez Shearman & Sterling. Le défi pour nous n’est pas tant de leur faire comprendre qu’ils ont besoin de nous, mais de rendre les sujets abordables et de répondre à leurs questions de la manière la plus efficace possible. »
Besoin d’éclairage
La cascade d’ordonnances prises en application de la loi d’urgence du 23 mars 2020 a notamment donné du fil à retordre aux établissements financiers, qui ont énormément sollicité leurs avocats à ce sujet. « Ces nouvelles règles ont été adoptées rapidement. Un fort sentiment d’urgence relatif à ces changements s’est donc greffé sur tout le suivi classique des opérations », relate Hervé Letréguilly, associé chez Shearman & Sterling. Du côté de McDermott, qui traite essentiellement avec des investisseurs et des fonds de dette, ce sentiment d’urgence s’est également fait ressentir. « Nous avons dû répondre immédiatement à des problématiques nouvelles pour nos clients, glisse Grégoire Andrieux. Les questions ont été nombreuses, notamment en ce qui concerne le mise en place du chômage partiel et des prêts garantis de l’État, la trésorerie, le portefeuille… »
Outre cet éclairage relatif aux mesures d’urgence, les banques ont également sollicité leurs avocats pour la revue d’un certain nombre de contrats avec leurs clients existants, ou pour la distribution des dividendes. « Cet environnement qui change tous les jours préoccupe nos clients, confirme Mirouna Verban. Nous savons par ailleurs que nous allons très vite être mobilisés sur des questions fiscales liées à des opérations de restructuration et de recapitalisation. » « Nous recevons beaucoup de demandes portant sur les tenues d’assemblées au sein des groupes bancaires cotés, ajoute pour sa part Hervé Letréguilly. De manière générale, les banques cherchent également à comprendre les contraintes qui pèsent sur leurs clients ‘corporate’. Cela va donc au-delà des sujets qui les concernent directement. Il y a un vrai souci d’obtenir de l’information et de la comprendre. »
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Munich - Acheter une voiture chinoise sur les Terres de Volkswagen, BMW et Mercedes? «Et pourquoi pas?», sourit la designeuse allemande Tayo Osobu, 59 ans, déambulant dans la vieille ville de Munich, devenue vitrine géante du salon automobile. Venue de Francfort, elle découvre les plus de 700 exposants, dont 14 constructeurs chinois contre 10 européens, qui tentent de séduire le public avec des modèles high-tech dans toutes les gammes de prix. Sur la Ludwigstrasse, deux mondes se font face. D’un côté, le géant chinois BYD, dont les ventes en Europe ont bondi de 250% au premier semestre, expose ses modèles phares, dont l’un, une citadine électrique, se vend à partir de 20.000 euros. De l’autre, Volkswagen, numéro 1 européen en crise, tente de défendre son territoire malgré la chute des livraisons et un plan social historique. Tayo est impressionnée par les finitions des coutures à l’intérieur d’une voiture BYD. Sur la sécurité, aucun doute: «si elles sont vendues ici, c’est qu’elles respectent les normes européennes», répond-t-elle sans hésiter. Qualité au «même niveau» Les marques chinoises maîtrisent une grande partie de leur chaîne de valeur, des batteries électriques aux logiciels embarqués. De plus, elles bénéficient d’une main d'œuvre moins chère et d’économies d'échelle grâce au marché chinois gigantesque. Et fini la réputation de la mauvaise qualité. «Ce qui a changé en cinq ans, c’est qu'à prix inférieur, les Chinois sont désormais au même niveau sur la technologie et la qualité à bien des égards», résume l’expert du secteur Stefan Bratzel. Pour contenir cette offensive, la Commission européenne a ajouté l’an dernier une surtaxe pouvant atteindre 35% sur certaines marques chinoises, en plus des 10% de droits de douane existants. Objectifs visés: protéger l’emploi sur le Vieux continent, limiter la dépendance technologique et préserver l’image des constructeurs européens. Mais BYD contournera bientôt la mesure: sa première usine européenne en Hongrie doit démarrer sa production dès cet hiver. Il est encore «trop tôt» pour parler d’invasion, estime M. Bratzel. Les marques chinoises doivent encore établir «une relation de confiance» avec le public européen, développer des réseaux de concessionnaires et de service après-vente, explique-t-il. Des acheteurs potentiels le disent aussi: «Si on conduit une voiture chinoise, dans quel garage va-t-on en cas de problème?», s’interroge Pamina Lohrmann, allemande de 22 ans, devant le stand Volkswagen où est exposé un ancien modèle de l’iconique Polo. «J’ai grandi avec les marques allemandes, elles me parlent plus», confie cette jeune propriétaire d’une Opel décapotable, dont la famille roule plutôt en «BMW, Porsche ou Mercedes». «Image de marque» L’image des véhicules reste un point faible, mais déjà une certaine clientèle, jeune et technophile, se montre plus ouverte. Cette dernière est convoitée par la marque premium XPeng, lancée en Chine en 2014 : «Nous visons la première vague d’enthousiastes de la technologie», explique son président Brian Gu sur le salon. Loin de baisser les bras, les constructeurs allemands continuent de «renforcer leur image de marque européenne» avec «un héritage» échappant encore aux entrants chinois, explique Matthias Schmidt, un autre expert. Volkswagen a ainsi rebaptisé son futur modèle électrique d’entrée de gamme «ID.Polo», attendu en 2026 autour de 25.000 euros, pour capitaliser sur la notoriété de sa citadine. Et les Européens imitent les Chinois sur l’intégration du numérique, comme le nouveau système d’affichage par projecteur de BMW, et dans la course à la recharge rapide. Ils adoptent aussi les batteries lithium-fer-phosphate (LFP), moins coûteuses, et intègrent de plus en plus de pièces standards chinoises, afin de réduire les coûts et de combler l'écart technologique, note M. Schmidt. «Ce qui compte, c’est que les fonctionnalités et le prix soient convaincants», note Martin Koppenborg, consultant automobile de 65 ans, bravant la pluie sur un stand de BYD, visiblement séduit. Léa PERNELLE © Agence France-Presse