
Les assureurs vie se préparent au nouveau cycle de taux élevés

Les assureurs vie pourraient bien tirer leur épingle du jeu parmi les gagnants de la remontée des taux. «En tant qu’investisseur institutionnel, je vois la situation actuelle plutôt comme une opportunité», décrivait Jean-Sébastien Lyonnaz, directeur actifs, trésorerie et financement d’Aesio Mutuelle au Cercles de L’Agefi à Lyon le 16 juin. Les fonds euros, qui sont composés de presque 80% d’obligations et qui représentent encore environ 80% des 1.847 milliards d’euros d’encours des placements en assurance vie à fin avril 2022, peuvent désormais investir sur des obligations mieux rémunérées. A l’image de l’OAT française à 10 ans qui est passée de 0,35% début mars 2022 à 2,20% en fin de semaine dernière. En 2021, la rémunération moyenne des fonds euros atteignait 1,30%, selon France Assureurs.
«La hausse des taux est un fait dans un premier temps très positif pour faire remonter les ratios de solvabilité», abonde Guillaume Pierron, directeur général adjoint chez Groupama Gan Vie. Sous la directive européenne Solvabilité 2, qui encadre le régime prudentiel des assureurs, l’évolution des taux affecte d’abord l’actif en diminuant la valeur des placements à revenu fixe dans le cadre d’une hausse des taux, comme les obligations. Mais aussi le passif, constitué en grande partie des provisions techniques de l’assureur, dont la valeur, actualisée à des taux plus importants, diminue. Toutefois, l’écart de duration est négatif pour les assureurs vie: en France par exemple, la duration moyenne des passifs est de 11,8 ans contre 6,3 ans pour les actifs, selon une étude de 2019 de l’Eiopa.
Risque de rachats et moins-values latentes
«Pour les assureurs dont l'écart de duration est négatif, en cas d’augmentation des taux d’intérêt, la diminution de la valeur de marché des actifs est plus que compensée par la diminution des provisions techniques, qui améliorent l’excédent des actifs par rapport aux passifs, ce qui améliore à son tour le capital disponible», jugent les analystes de Natixis dans une note. «Nous venons de recommencer à acheter des emprunts d’Etat sur l’obligataire avec la hausse des taux. Avoir du 3% sur certains Etats européens et sur des durations pas forcément très longues, ça nous va bien», illustrait aux Cercles de L’Agefi Jérémie Garrot, directeur général adjoint de L’Auxiliaire.
«Attention toutefois que la bonne nouvelle de la conséquence de la remontée des taux sur les passifs ne soit pas contrebalancée par différents aspects», tempère Norbert Gautron, président de Galea. Trois éléments, liés à la concurrence de supports plus rémunérateurs comme les livrets réglementés, sont particulièrement pointés du doigt : un risque de rachat, une situation dans laquelle les assurés rachèteraient leur contrat en masse pour délaisser l’assurance vie, une attente de revalorisation des prestations par les assurés et un risque d’arbitrage dans lequel les assurés partiraient sur d’autres supports. «Le sujet m’inquiète», interpelle le président de Facts & Figures Cyrille Chartier-Kastler qui craint le risque systémique lié aux moins-values latentes sur la poche obligataire actuelle en cas de mouvement de panique de rachat. Selon l’ACPR, ces rachats, qui devraient donc augmenter, ont atteint 68,1 milliards d’euros en 2021, soit un niveau «bas» et proche de la moyenne de long terme entre 2011 et 2019 (68,6 milliards d’euros).
Prudence
«Ce qui fait racheter les clients, ce n’est pas la moindre performance, mais l’incertitude sur la capacité à récupérer son argent. La moindre performance va jouer sur les flux, oui, mais pas sur le stock», veut croire Guillaume Pierron, rappelant la garantie en capital des fonds en euro. «De plus, les assureurs se sont engagés dans une évolution de leur offre dans des dimensions qui peuvent permettre de capter les opportunités liées à cette remontée des taux», analyse le dirigeant. D’autant que les actifs alternatifs pour les épargnants restent peu attirants : «Les pénalités de rachats, liées à la fiscalité des contrats d’assurance-vie de moins de huit ans, dissuadent les épargnants de racheter leurs contrats d’assurance-vie», rajoute l’ACPR.
Les assureurs jouent toutefois la prudence. Les analystes de Natixis rappellent le résultat des derniers stress tests menés par l’autorité européenne (Eiopa) sous un scénario défavorable avec beaucoup de rachats : «les liquidités ne seront pas suffisantes pour compenser les sorties nettes massives» mais ces sorties pourraient «être couvertes par la vente d’actifs liquides détenus par les assureurs». Coté opérationnel, ils devront aussi se lancer dans le défi de l’adaptation de l’offre :«Nous devons être vigilants sur le pilotage de nos flux et effectuer un véritable travail de communication auprès des clients pour diriger vers les produits qui permettent de valoriser cette remontée des taux», reconnaît Guillaume Pierron, chez Groupama.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse