Le paiement fractionné se cherche une rentabilité

Acteur majeur du «buy now pay later», Klarna a triplé ses pertes au premier semestre, soulevant des questions sur la viabilité du modèle économique.
Aurélie Abadie
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La fintech a opté pour un partenariat étroit avec les e-commerçants, où elle peut apporter sa connaissance des clients et de leurs données.  -  Adobe stock

Dopé par la croissance du e-commerce pendant la crise du Covid, le paiement fractionné, ou «buy now pay later» (BNPL), qui permet au consommateur d’étaler ses paiements dans le temps, a le vent en poupe. Mais les récents déboires du pure player Klarna, dont la valorisation a chuté, en un an, de 45,6 milliards de dollars à 6,7 milliards de dollars, suscitent des questions sur son modèle.

La fintech suédoise vient ainsi de publier une perte avant impôt de 581 millions de dollars sur les six premiers mois de l’année, soit plus du triple par rapport à la même période l’an dernier. Le prix de sa course effrénée à la croissance. Au cours des derniers mois, Klarna s’est lancée à l’assaut des marchés britannique et américain, nécessitant des investissements massifs et générant donc une hausse des dépenses, se défend-elle. La masse salariale pèse tout particulièrement dans ses dépenses, raison pour laquelle la start-up a annoncé, au cours de l’été, vouloir réduire ses effectifs de 10%.

Il lui faudra surtout convaincre de son avenir sur ce marché, à la frontière entre paiement et crédit à la consommation, où se bousculent des acteurs bancaires traditionnels, des nouveaux entrants… et des géants de la Tech, comme Apple. «Au cours des dernières années, la croissance a été lourdement privilégiée par les investisseurs. Maintenant, et c’est compréhensible, ils veulent voir la rentabilité», a déclaré le directeur général de Klarna, Sebastian Siemiatkowski, dans un communiqué.

Une rentabilité liée aux volumes

«Il faut distinguer la valorisation de Klarna – qui a suivi, à tort, celle des entreprises de la Tech et a été victime d’une surchauffe – de sa rentabilité. Le paiement fractionné peut être rentable si on engrange une certaine volumétrie de clients», explique à L’Agefi Christian Heinis, partner au sein du cabinet Roland Berger, et auteur d’une étude sur «le nouveau crédit».

Le modèle du BNPL repose, en effet, sur des commissions, qui, dans le cas de Klarna, sont facturées aux commerçants partenaires, ou peuvent être répercutées sur le client final sous forme d’une échéance majorée. Les montants concernés sur les sites de e-commerce restant faibles, les acteurs du paiement fractionné doivent réaliser beaucoup de volumes pour rentabiliser leurs frais d’acquisition et leurs coûts fixes.

Alors que les acteurs bancaires traditionnels – comme BNP Paribas, qui a racheté la fintech Floa, ou BPCE, avec Oney – misent plutôt sur les revenus générés par les ventes croisées autour du crédit à la consommation, Klarna a opté pour un modèle de partenariat étroit avec les e-commerçants, dans lequel il pourra se positionner comme apporteur d’affaires en utilisant les données et la connaissance des clients. «Klarna a le modèle le plus mature du marché aujourd’hui grâce à sa relation avec le client final et à ses multiples partenariats avec les commerçants. Il se pose en galerie commerciale virtuelle», souligne Nicolas Taufflieb, managing director du cabinet Alvarez&Marsal.

Modèle fragilisé par la hausse des taux

Deux obstacles risquent, toutefois, d’enrayer la trajectoire financière promise aux acteurs du BNPL. Le premier réside dans la hausse des taux, qui renchérira le coût de l’argent prêté et devra se répercuter in fine sur le commerçant partenaire ou sur le consommateur final. «La question est : qui va payer ? Le consommateur doit être gagnant pour avoir intérêt à recourir au BNPL. La hausse des taux va peut-être limiter le marché adressable», analyse Christian Heinis.

L’autre ombre qui plane sur l’avenir du BNPL est l’attention accrue des régulateurs, notamment au Royaume-Uni, où il est accusé d’encourager le surendettement des ménages, et dans l’Union européenne, où la Commission s’est saisie du sujet. «La pression réglementaire accrue risque de freiner la croissance de cette activité et d’engendrer des coûts supplémentaires que seuls certains acteurs seront de taille à supporter», relève Nicolas Taufflieb. De quoi encourager une sélection naturelle sur ce marché.

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