
Le nouveau directeur général de Scor fait ses premiers pas dans l’ombre de Denis Kessler

La question était sur toutes les lèvres et c’est un actionnaire qui a osé la poser ce jeudi 25 mai. «La rumeur dit que Denis Kessler a des ennuis de santé.» L’emblématique président de Scor, qui n’a cédé son siège à la direction générale que l’an dernier, doit quitter ses fonctions à l’issue de l’assemblée générale du printemps 2024, après avoir fait repousser l’âge limite à 72 ans dans les statuts du groupe. Il l’assure : il est en mesure d’occuper cette fonction jusqu’à cette date – «il ne faut pas croire les rumeurs» – et ne procédera pas à un nouveau changement de statuts.
Dans la phase de transition, il compte «accompagner» le nouveau directeur général, Thierry Léger, fraîchement débarqué de Zurich où il pilotait la souscription chez le concurrent Swiss Re. Une nomination qui fait suite à un rocambolesque feuilleton de succession à la tête du réassureur français. Après l’éviction de Benoît Ribadeau-Dumas, ex-directeur de cabinet d’Edouard Philippe à Matignon, qui n’a officiellement pas obtenu le coup de tampon superviseur de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), c’est Laurent Rousseau, pourtant fin connaisseur de l’entreprise et de son président, dont il fut le conseiller, qui a tenu moins de deux ans à la direction générale.
Maintenir Scor dans le peloton de tête
Peinant à se détacher de l’ancien président pour imprimer sa marque, ce dernier avait tardé à présenter sa feuille de route et avait repoussé plusieurs fois sa présentation. Le nouveau plan stratégique, qui sera présenté par Thierry Léger à la journée investisseurs du 7 septembre, juste avant les Rendez-Vous de Septembre de Monte-Carlo, devra permettre au réassureur de réaffirmer son statut «dans le peloton de tête des réassureurs mondiaux». «C’est la lourde tâche de Thierry Léger et j’ai toute confiance en lui», a martelé Denis Kessler. Le premier défi reste la profitabilité, alors que l’année 2022 a été marquée par une perte nette de 301 millions d’euros ainsi que la dégradation de la note de Scor, de AA à A+. Très importante pour un réassureur, qui doit disposer d’un capital suffisant pour amortir les chocs, celle-ci reflète la qualité de sa signature.
Chargé d’esquisser les grandes lignes de ce plan pour donner un avant-goût aux actionnaires, Thierry Léger a pris la parole après une longue introduction de cinquante minutes de son président. Denis Kessler, qui n’a rien perdu de son verbe, a défendu avec fougue le bilan du groupe, soulignant que les difficultés rencontrées par Scor n’étaient que passagères. «Le métier de réassurance s’apprécie sur le temps long», a-t-il rappelé en préambule.
Un cycle favorable en 2023
Après une année 2022 marquée par la guerre en Ukraine, l’inflation ainsi que de fortes catastrophes naturelles, Scor a déjà redressé la tête, comme en témoigne son bénéfice net de 311 millions d’euros au premier trimestre 2023. Le président oublie tout de même de préciser que les débuts d’année dans l’activité de réassurance sont traditionnellement plus porteurs, la saison des ouragans aux Etats-Unis débutant au second semestre. Reste que l’environnement de 2023, marqué par la hausse des prix de la réassurance, dans un contexte où la demande est plus forte que l’offre, ainsi que par la remontée des taux d’intérêt, est particulièrement favorable à l’activité du groupe. «Scor entend profiter de ces vents porteurs», a souligné Denis Kessler.
Ardent défenseur d’IFRS 17, à contre-courant du secteur de l’assurance, comme il l’avait été sur Solvabilité 2, Denis Kessler a entrepris d’expliquer aux actionnaires en quoi ce changement comptable leur est bénéfique. Cette norme reflétera la valeur économique du réassureur, et notamment celle des portefeuilles de réassurance-vie en tenant compte des cash-flows futurs qu’ils génèrent. Son entrée en vigueur vient ainsi valider le choix stratégique de Scor, qui maintient l’équilibre de son activité entre les dommages (près de 60%) et la vie (près de 40%).
A lire aussi: Pour les assureurs, le grand chamboule-tout comptable d’IFRS 17
Thierry Léger entend, bien sûr, défendre cette diversification, qui permet également de réaliser un gain sous Solvabilité 2. Le ratio de solvabilité de Scor est remonté à 219% à l’issue du premier trimestre 2023, après avoir chuté de 13 points en fin d’année, à 213%, sous l’effet de la guerre en Ukraine et des grosses catastrophes naturelles qui ont mangé du capital. Il reste toutefois dans la plage optimale définie par le groupe.
Diversification et meilleure allocation du capital
Si les actionnaires s’étaient vu promettre «un plat de résistance», ils n’ont eu droit qu’à un apéritif. Thierry Léger s’est contenté d’esquisser deux grands axes pour le futur plan 2024-2026. Le premier consistera à «maximiser la création de valeur tout en maintenant une solvabilité élevée», et le deuxième, à «faire évoluer le modèle pour le rendre plus compétitif». Outre le redressement des prix en dommages, qui constitue «l’environnement le plus porteur en vingt ans», il estime que la remontée des taux sera «positive sur la durée du plan». Scor bénéficie notamment de durations courtes à l’actif. Il s’attend également à ce que l’activité d’investissements du groupe génère des cash-flows financiers de 9,3 milliards d’euros.
Au chapitre de la transformation, il s’agira d’opérer «un pilotage plus fin de l’allocation du capital», de profiter de la granularité des données dont il dispose depuis IFRS 17 pour mieux piloter la gestion actif/passif, de recentrer le groupe sur la donnée et de renforcer son rôle sur le marché de la rétrocession, avec des partenariats de long terme qui lui permettront de «dégager des revenus supplémentaires».
Et le cours de Bourse ?
Thierry Léger, dont la nomination en tant qu’administrateur a été approuvée à 98,07%, devra aussi prouver aux actionnaires qu’il peut restaurer une politique de distribution attractive. Le réassureur versera au titre de 2022 un dividende de 1,40 euro, contre 1,80 euro l’an dernier. Le cours de Bourse, légèrement dans le vert à la suite de cette assemblée générale, oscille autour de 25 euros par action. Le groupe d’assurances Covéa avait proposé 43 euros par action à l’été 2018, avant que son offre de rachat ne soit rejetée en bloc par le conseil d’administration et n’entraîne le groupe dans un feuilleton judiciaire de deux ans.◆
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