Le métavers prêt à accueillir les banques

L’avis d’expert de... Romain Willmann, security & shared services manager, La Fabrique by CA
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Romain Willmann, security & shared services manager, La Fabrique by CA

Après plus de trois décennies d’existence, le concept de métavers est en train de s’imposer. Mark Zuckerberg en a fait depuis octobre 2021 le cœur de la stratégie de Meta – le nouveau nom de la maison mère Facebook –, y voyant le « futur des connexions sociales ».

Le métavers est essentiellement une réplique du monde physique, sans les nombreuses limitations liées au temps et à l’espace. La plupart des tentatives de définition s’accordent sur trois caractéristiques essentielles :

-le métavers est un monde ouvert, tout le monde peut y avoir accès. Il peut donc être consommé par les particuliers mais aussi par les entreprises. Le métavers est un monde durable dans lequel les actions d’un participant ont un impact persistant sur l’écosystème. Il continue d’exister et d’évoluer même lorsque le participant se déconnecte ;

-il est immersif : les utilisateurs sont plongés dans l’univers et peuvent y vivre. L’objectif est de proposer des interactions qui dépassent un simple clic sur un écran. Oubliez les frontières du réel : les acteurs d’un métavers évoluent dans des univers vastes et sans limite de temps et d’espace et dans des économies virtuelles. Bien entendu, les marques et entreprises du « vrai monde » restent bien présentes ;

-‍le métavers est surtout une vision holistique de la technologie. Il n’existe pas une seule manière de créer un métavers et toutes les technologies d’aujourd’hui et de demain (5G, réalité augmentée ou virtuelle, blockchain…) sont les bienvenues et peuvent potentiellement y trouver leur place.

Les premiers métavers dignes de ce nom remontent d’ailleurs à 2003, avec Entropia Universe par exemple, un jeu d’exploration spatiale. Second Life, un autre pionnier du métavers qui fait toujours partie de l’écosystème, dessine un monde ouvert, sans ligne directrice et qui intègre un système de scripts et de création 3D. La plateforme a aussi su attirer des entreprises. En 2007, L’Oréal, Coca-Cola ou encore IBM y étaient déjà présents. Les possibilités offertes par les métavers ont naturellement évolué depuis les années 2000.

Le premier cas d’usage consiste à faire du métavers une toile sur laquelle une entreprise peut projeter son image de marque, en y créant par exemple des objets virtuels ou des événements exclusifs. Ce cas d’usage est particulièrement pertinent lorsque la relation avec le public et les clients est stratégique, notamment dans les mondes de l’art, du luxe ou du divertissement. On le retrouve ainsi derrière l’acquisition du studio de mode virtuel RTFKT par Nike en décembre 2021 ou dans le concert virtuel du rappeur Travis Scott aux quelque deux cents millions d’inscrits en avril 2020.

Néanmoins, être simplement présent dans le métavers ne saurait être suffisant pour créer de la valeur et la faire percevoir. Même si le sujet est largement médiatisé, il reste très spécifique et ne se prête pas nécessairement à une consommation de masse. En décembre 2021, Meta avait ainsi organisé trois concerts virtuels qui n’ont pas su convaincre malgré une programmation musicale ambitieuse.

Les entreprises pionnières du métavers ont bien conscience de cet écueil et s’intéressent à un deuxième sujet : intégrer dans leurs offres et services des actifs numériques. Si le métavers est effectivement antérieur à des innovations comme les NFT (non-fungible tokens) ou les cryptomonnaies, elles pourraient bien y occuper une place prépondérante. Le secteur financier suit en effet le sujet de très près. Une étude de février 2022 de PwC Luxembourg montre en effet que près de 60 % des gestionnaires d’actifs ont indiqué que leurs clients souhaitaient se voir offrir une exposition directe ou indirecte à des actifs numériques. Pour ces investisseurs, le métavers représente une opportunité car il permettrait de diversifier leur portefeuille (75 % des répondants), de se protéger de l’inflation (38 %) ou encore de produire un retour sur investissement supérieur à des actifs plus conventionnels (23%).

Pas moins de 41 % des gérants interrogés dans l’étude citée précédemment estiment que les actifs numériques feront partie intégrante de leur métier d’ici à deux ans. En 2022, le chiffre d’affaires généré par la gestion d’actifs numériques devrait dépasser 60 milliards de dollars par trimestre, pour une valorisation de tous les actifs virtuels estimée à près de 3.000 milliards.

Signe des temps, même les régulateurs suivent le sujet de près. Depuis septembre 2020, la Commission européenne prépare un cadre de référence – le règlement MiCA – pour définir et normaliser les règles fiscales ou encore comptables qui s’appliqueront à ces nouveaux produits d’investissement. Qu’on le veuille ou non, l’intégration du métavers dans le paysage financier n’est qu’une question de temps, et les banques devraient bien finir par y trouver leur place.

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