L’Autorité de la concurrence est sur tous les fronts

Son stock de dossiers est au plus bas. Les transactions montent en puissance. Les conclusions de son enquête sur les médicaments sont attendues fin 2018.
Bruno de Roulhac
Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, lors de la conférence de presse de présentation du rapport d'activité 2017.
Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, lors de la conférence de presse de présentation du rapport d'activité 2017.  -  photo AdlC.

A l’occasion de la publication de son rapport annuel, l’Autorité de la concurrence a dressé le tableau de ses dossiers à venir. Sur le front des concentrations, le gendarme de la rue de l’Echelle examine actuellement le rachat de Jardilandpar InVivo (Gamm vert). Viendront ensuite les fusions annoncées, notamment le rapprochement de Triskalia et d’Aucy (coopératives agricoles), le rachat de Worex (Esso) par TMF (Total) dans la distribution de fioul, ou encore le rachat du chantier naval STX par Fincantieri. Et peut-être de futurs dossiers… «Nous avons des contacts réguliers avec les opérateurs télécoms, confie Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité. On nous a parlé de beaucoup de schémas différents [de rapprochements]». Alors que le passage de quatre à trois opérateurs télécoms en France est de nouveau évoqué après les récentes déclarations du président de l’Arcep, l’Autorité veillera à l’absence d’effets négatifs sur les consommateurs et sur l’innovation.

Avis sur les prix outre-mer

Par ailleurs, l’Autorité vient d’être saisie par le gouvernement d’une demande d’avis sur la structure des prix dans la grande distribution outre-mer et affirme sa «volonté de dépasser les idées reçues et de voir la réalité», précise Isabelle de Silva.

Saisie par la commission culturelle de l’Assemblée nationale, l’Autorité rendra un avis sur l’audiovisuel, notamment le numérique. L’Autorité a déjà commencé à se pencher sur le sujet. D’une part, en lançant une consultation sur un contrôle «ex-post» pour ces sociétés fortement valorisées mais ne dégageant pas de chiffre d’affaires. D’autre part, en réalisant avec son homologue allemand une étude sur les algorithmes et leurs enjeux en matière de concurrence.

En décembre 2018 ou janvier 2019, l’Autorité dévoilera les conclusions de son enquête sectorielle sur la santé. Notamment sur le rôle des grossistes et de toute la chaîne de distribution, mais aussi sur la vente en ligne de médicaments. Plus globalement, le monopole officinal sera au cœur des discussions, en étudiant les possibilités de modifier le cadre réglementaire pour renforcer la concurrence. Une consultation publique sera lancée cet automne. Dans un second temps, l’Autorité se penchera sur la constitution du prix du médicament et sur les laboratoires médicaux, avant de dévoiler ses propositions.

De nouveaux pouvoirs

Sur le plan législatif, Isabelle de Silva se félicite de l’accord trouvé sur la directive ECN+ (réseau européen de concurrence), qui permettra de doter toutes les autorités de concurrence européennes d’un socle commun de compétences. L’adoption formelle est attendue avant la fin de l’année, avec une transposition dans les deux ans en droit national. L’Autorité française aura ainsi l’opportunité des poursuites et pourra rejeter la saisine d’une entreprise si elle n’entre pas dans ses priorités. Elle pourra aussi s’auto-saisir en matière de mesures conservatoires. Par ailleurs, le projet de loi EGA (issu des états-généraux de l’alimentation) permet également à l’Autorité de prononcer des mesures conservatoires en auto-saisine, et de dresser un bilan concurrentiel ex-post des alliances à l’achat dans la grande distribution.

Autre volet de l’Autorité, la poursuite de la réforme des professions réglementées. L’objectif de 1.650 nouveaux notairesen septembre 2018 dans le délai de deux ans sera atteint. Et dès cet été, l’Autorité donnera son avis sur les modalités de la deuxième phase.

Après la forte activité de 2017, l’Autorité de la concurrence ne compte pas s’arrêter en si bon chemin ! D’autant que le stock d’affaires (hors concentrations) est au plus bas historique à 132, contre plus de 400 en 2000. Une des priorités de l’Autorité. Après 236 décisions de concentrations en 2017, le gendarme français de la concurrence devrait poursuivre au même rythme cette année. Les sanctions ont donné lieu à près de 500 millions d’euros d’amende, contre 200 millions en 2016 et 1,2 milliard en 2015. Sur les neuf sanctions de l’an dernier, cinq sont en réalité des transactions (pour plus de 400 millions). La procédure de transaction, permise par la loi Macron, séduit de plus en plus d’entreprises. Cinq ont été signés l’an dernier, contre trois en 2016, la première année. Et ce rythme devrait s’accélérer cette année. A l’issue de la consultation en cours, l’Autorité présentera à l’automne le communiqué de procédure (document-cadre) afin de donner plus de visibilité aux entreprises et aux avocats.

En revanche, les demandes de clémence sont de plus en plus rares. «Probablement en raison du développement des actions indemnitaires», explique Isabelle de Silva, précisant que l’amende prononcée par l’Autorité peut être multipliée par quatre ou cinq devant les tribunaux. Depuis l’an dernier, une entreprise qui a pâti d’une pratique anticoncurrentielle n’a plus à prouver la faute, mais seulement le dommage subi.

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