
La réforme de l’assurance récolte continue de diviser le secteur

Les images du Premier ministre Jean Castex promettant de secourir les agriculteurs durement touchés par la vague de gel printanière ont comme un goût de déjà-vu. Et pour cause : l’an dernier, à la même époque,un épisode de gel tardifmettait à genoux la «ferme France», générant une sinistralité estimée à 400 millions d’euros. Mesurant le caractère d’urgence, le gouvernement avait décidé d’accélérer surla réforme de l’assurance récolte en vue de boucler celle-ci avant la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. La loi du 2 mars 2022 n’est pourtant que la première pierre de l’édifice.
Elle prévoit la création d’un pool d’assureurs par une ordonnance du gouvernement dans les six mois suivant sa promulgation. Selon nos informations, deux réunions interministérielles se sont déjà tenues avec l’ensemble des parties prenantes, assureurs, réassureurs et représentants du monde agricole. L’hypothèse de travail présentée par Bercy est celle d’un pool de co-réassurance, par lequel les assureurs mettraient en commun leurs primes en vue de les réassurer. Poussée notamment par Groupama, plus gros acteur de ce marché, cette idée est encore loin de faire l’unanimité.
Si le groupe d’assurance mutualiste se partage près de 80% du gâteau avec le Crédit Agricole (Pacifica), des compagnies à agents généraux, aux portefeuilles plus petits et plus rentables, sont également présentes sur ce marché. Et, dans leurs réseaux, l’inquiétude est palpable. « L’assurance récolte est distribuée par près de 30% de notre réseau », rappelle à L’Agefi Cédrick Rougeron, président du Snaga, le syndicat des agents généraux Abeille assurances (ex-Aviva France). « Nous ne voulons pas être évincés de ce marché et participons de manière active aux discussions sur le pool. Nous ignorons encore quelles seront ses modalités, mais il ne doit pas se résumer à un outil de partage des pertes ! », poursuit-il. Contactée par L’Agefi, la direction de Abeille Assurances n’a pas souhaité s’exprimer.
Redresser la rentabilité technique
« Partager des pertes n’est pas le sujet ! », réagit Delphine Létendart, directrice assurances groupe de Groupama. « Le pré-requis pour que la réforme puisse porter ses fruits est de redresser la rentabilité technique de la branche. Nous avons déjà engagé des actions en vue de retrouver un équilibre. Personne ne peut se projeter sur cette hypothèse de pertes », ajoute-t-elle. Les réassureurs privés, qui ont longtemps soutenu une branche agricole déficitaire, sont d’accord. « Avec un ratio sinistres à primes de 120%, nous avons perdu 200 millions d’euros au cours des six dernières années. Avant toute chose, il faut restaurer l’équilibre financier de la branche », martèle Nicolas Boudias, délégué général del’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref) associée aux discussions de place.
Toutefois, « nous ne sommes pas certains que le pool soit la solution miracle pour y parvenir. Nous allons mutualiser les risques, certes, mais nous allons y inclure également l’arboriculture et les prairies qui n’étaient pas ou peu assurées jusqu’ici », précise Nicolas Boudias. La réforme doit, en effet, faire progresser à 30% les surfaces assurées pour l’arboriculture et les prairies (contre moins de 3% aujourd’hui). Delphine Létendart juge, au contraire, que « disposer d’un outil de mutualisation des risques est indispensable si on veut pouvoir inclure ces filières fragiles. L’épisode de gel que nous vivons actuellement nous le rappelle : il touche quasi-exclusivement l’arboriculture. »
Les réassureurs souhaitent, par ailleurs, s’inspirer de l’exemple du Gareat, le pool créé à la suite des attentats du World Trade Center pour assurer les dommages causés par le terrorisme. «S’il en existe un, les réassureurs privés souhaitent avoir la possibilité de participer à la gouvernance du pool», explique Nicolas Boudias. La place réservée à la Caisse centrale de réassurance dans ce montage reste à ce jour incertaine. Avant de voir le jour, le pool devra également passer sous les fourches caudines de l’Autorité de la concurrence. Le secteur s’alarme, par ailleurs, de «délais très courts» pour finaliser les différents textes réglementaires qui complètent la loi. «Si on veut être prêts au 1er janvier 2023 (ndlr : date d’entrée en vigueur prévue de la réforme), il ne faut pas relâcher le rythme actuel des discussions», insiste Delphine Létendart.
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L'armée israélienne appelle à l’évacuation de la ville de Gaza avant un assaut terrestre d’ampleur
Gaza - L’armée israélienne a appelé samedi matin les habitants de la ville de Gaza à l'évacuer vers une zone déclarée «humanitaire» plus au sud, en prévision d’un assaut au sol sur cette agglomération, la plus grande du territoire palestinien dévasté par près de 23 mois de guerre. Le colonel Avichay Adraee, porte-parole arabophone de l’armée, a lancé cet appel sur les réseaux sociaux alors que l’ONU, qui estime à environ un million les résidents de la région, a averti d’un «désastre» à venir en cas d’expansion de l’offensive sur Gaza-ville. L’armée israélienne, qui dit contrôler environ 75% de la bande de Gaza et 40% de cette agglomération, affirme vouloir s’en emparer pour venir à bout du Hamas et libérer les otages qu’il retient encore. L’appel à évacuer intervient après que le président américain, Donald Trump, a affirmé vendredi que les Etats-Unis étaient «en négociation approfondie avec le Hamas», dont l’attaque sans précédent en Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre. «Nous leur disons: +Libérez-les (otages NDLR) tous immédiatement», sinon «ça va être terrible», a-t-il dit. M. Trump a également avancé que certains des otages pourraient être «morts récemment». L’armée israélienne estime à ce stade que 25 des 47 captifs restants à Gaza - sur 251 enlevés le 7-Octobre - sont morts. Le mouvement islamiste palestinien avait donné son accord en août à une proposition de trêve et libération des otages présentée par les médiateurs (Egypte, Etats-Unis et Qatar). Le gouvernement de Benjamin Netanyahu exige qu’il rende les armes et dit vouloir prendre le contrôle sécuritaire de la bande de Gaza. «L’armée ment» Dans son message, le colonel Adraee précise que pour «faciliter le départ des habitants» de la ville de Gaza, le secteur côtier d’Al-Mawasi, dans le sud du territoire, est déclaré «zone humanitaire». Selon l’armée, cette zone comprend des «infrastructures humanitaires essentielles», et est approvisionnée «en nourriture, tentes, médicaments et équipements médicaux». Depuis le début de la guerre, qui a ravagé la bande de Gaza, désormais en proie à la famine sur 20% du territoire selon l’ONU, l’armée a souvent bombardé des zones déclarées «humanitaires» et «sûres», affirmant y viser des combattants du Hamas. «L’armée ment aux gens, quand nous allons chercher de l’aide (...) ils ouvrent le feu», s’indigne Abdelnasser Muchtaha, 48 ans, déplacé à l’ouest de la ville de Gaza après avoir quitté son quartier pilonné de Zeitoun. Il affirme vouloir «pour l’instant» rester sur place. Déja déplacé à Al-Mawasi, avec sa famille, Bassam al-Astal, 52 ans, assène que la zone n’est «ni humanitaire ni sûre». «C’est là qu’il y a chaque jour le plus de martyrs, il n’y a pas de place pour les tentes, pas de services humanitaires, pas d’eau, pas d’assainissement, pas d’aide alimentaire», dit-il. Vendredi, l’armée israélienne a encore intensifié ses opérations dans la ville de Gaza bombardant, après un appel à évacuer, une tour d’immeuble dans le centre, qui s’est écroulée comme un château de cartes. Selon l’armée, le Hamas y avait installé «des infrastructures» pour «préparer et mener des attaques» la visant. Elle avait auparavant prévenu qu’elle ciblerait «dans les jours qui viennent» des «infrastructures terroristes», en particulier dans des tours d’immeubles. Le Hamas a rejeté comme «des prétextes fallacieux et des mensonges éhontés» les affirmations d’Israël selon lesquelles il utilisait ces bâtiments. «Propagande diabolique» La Défense civile du territoire palestinien, où le Hamas a pris le pouvoir en 2007, a fait état de 42 personnes tuées vendredi par des tirs ou bombardements israéliens, dont la moitié dans la ville de Gaza. Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d’accès sur le terrain, l’AFP n’est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans de la Défense civile. Le Hamas a dans le même temps diffusé une vidéo montrant deux otages - Guy Gilboa-Dalal et Alon Ohel - au moment où les proches et soutiens de ces captifs se mobilisaient à travers Israël pour marquer leurs 700 jours de détention et réclamer leur retour. La séquence montre M. Gilboa-Dalal demandant à M. Netanyahu de ne pas mener d’offensive dans la ville de Gaza. «Aucune vidéo de propagande diabolique ne nous affaiblira ni n'émoussera notre détermination», a réagi le Premier ministre israélien, après s'être entretenu avec les parents des deux hommes, selon son bureau. L’attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles. Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.300 morts à Gaza, en majorité des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l’autorité du Hamas, dont les chiffres sont jugés fiables par l’ONU. Equipe de l’AFP dans la bande de Gaza © Agence France-Presse -
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