
Credit Suisse fait face aux conséquences de ses défaillances

Je l’espère et je le pense.» C’est par ces mots que Thomas Gottstein, PDG de Credit Suisse, a voulu défendre l’idée que la débâcle du fonds Archegos n’était qu’un cas isolé dans sa gestion du risque. Devant les analystes réunis pour les résultats du premier trimestre 2021, il n’a pas caché que l'épisode coûte cher à la banque. Celle-ci a comptabilisé une charge de 4,4 milliards de francs suisses (4 milliards d’euros) au premier trimestre 2021, menant à une perte de 252 millions de francs suisses qualifiée «d’inacceptable». Sans cette affaire, le bénéfice avant impôt se serait inscrit en hausse de 280% sur un an à 3,59 milliards de francs.
Au 21 avril, Credit Suisse avait débouclé 97% de ses positions liées au family office. Il s’attend en conséquence à une perte supplémentaire de 600 millions de francs suisses au deuxième trimestre en relation avec «l’affaire d’un hedge fund basé aux Etats-Unis». En outre, le remboursement des investisseurs dans l’affaire Greensill n’est pas encore terminé. «Nous ne sommes pas au bout du tunnel», a admis Thomas Gottstein.
Amélioration des fonds propres
Surtout, le superviseur suisse (Finma) a indiqué dans un communiqué avoir ouvert «une procédure d’enforcement» sur cette affaire et confirmé une autre procédure visant la banque dans le dossier Greensill. Fait rare, l’autorité n’informe d’une telle ouverture que sur «les cas qui présentent un intérêt particulier en matière de surveillance». Dans ce cadre, elle «analysera en particulier les indices de manquement dans la gestion du risque».
Déjà, la banque a été sommée de renforcer ses fonds propres, provoquant l'émission d’obligations convertibles en actions (plus de 203 millions de titres) dans 6 mois pour 1,9 milliard de francs suisses. «Cette recapitalisation intervient sans doute plus tôt que le prévoyait le marché, même si nous considérons que la situation de capitaux de Credit Suisse était tendue avant une révision probable de sa stratégie», estiment les analystes d’UBS dans une note.
De l’ordre de 12,2% au premier trimestre, le ratio de solvabilité CET1 est en baisse de 0,7 point (70 points de base) par rapport au quatrième trimestre, les 4,4 milliards de francs suisses de provision expliquant à eux seuls une diminution de 20 points de base (pb). L’augmentation de capital devrait permettre d’augmenter de 55 à 60 pb ce ratio que Credit Suisse a l’intention de monter à 13%.
Pour cela, il veut aussi réduire la voilure dans ses activités de marché, avec une baisse du niveau d’actifs pondérés par le risque (RWA) : «Nous planifions de réduire d’ici à la fin 2021 l’exposition à l’effet de levier dans notre banque d’investissement d’au moins 35 milliards de dollars et d’aligner les actifs pondérés en fonction du risque sur les niveaux de fin 2020 au maximum.» L’objectif est d’en tirer une hausse de 40 à 50 points de base sur le ratio.
Retour des dividendes prévu en 2021
Plus globalement, face à sa gestion du risque pointée du doigt avec ces deux affaires, Credit Suisse a tenté de rassurer. La banque a modifié son équipe dans le domaine et mené un examen des risques, notamment dans le prime brokerage, qui fait aussi l’objet d’évaluations externes. Depuis le premier avril, la gestion d’actifs est par exemple une division séparée dirigée par Ulrich Körner qui rend compte directement au PDG. Enfin, «sous réserve des résultats financiers 2021, le conseil d’administration aurait l’intention de rétablir le dividende en 2021 avant toute reprise de rachats d’actions», a tenu à préciser la banque dans sa présentation.
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Italie : face à la baisse des ventes, les vignerons d'Asti baissent leur production
Castel Boglione - De bonnes vendanges se terminent et les feuilles commencent à jaunir autour d’Asti, dans le nord de l’Italie, mais cette année des raisins resteront dans les rangs: les vignerons ont décidé de produire moins face à la baisse des ventes en Russie et en Amérique. Après deux années compliquées, l’Italie devrait se classer cette année premier producteur mondial de vin, devant la France, selon les estimations publiées début septembre par les vignerons. Mais «c’est une médaille en chocolat», regrette le secrétaire général de l’Union italienne des vins, Paolo Castelletti. «La consommation de vin baisse, surtout sur notre principal marché à l’export, aux Etats-Unis. Les baby boomers, en vieillissant, réduisent leur consommation». Sans compter les droits de douane américains, qui rendent les exportations moins profitables et pourrait porter les vins italiens au-dessus de la «barre psychologique» de 20 dollars la bouteille, selon M. Castelletti. Les vins d’Asti sont aussi particulièrement appréciés en Russie, mais la demande a baissé depuis le début de la guerre contre l’Ukraine. Quelque 17 millions de bouteilles s’y étaient encore écoulées en 2023, puis 12 en 2024, et l’objectif pour 2025 est de surnager à 10 millions. Au total, la demande à l’export pour les vins italiens a ralenti de 4% sur les cinq premiers mois de 2025. Il s’agit alors de miser toujours plus sur la qualité plutôt que sur la quantité, selon M. Castelletti. Mais alors que certains vignobles en France ont décidé d’arracher des vignes, et que la Commission européenne pousse dans ce sens, l’Union italienne des vins milite plutôt pour une production qui s’adapte aux fluctuations du marché, «en accordéon». Vins légers Autour d’Asti (Piémont, nord), les vignerons ont ainsi décidé de produire moins de vin pétillant cette année, passant de 10 à 9 tonnes de muscat blanc par hectare de vigne. Dans son domaine entouré de vignes à perte de vue, la Ca’ dei Mandorli (la maison des amandiers), Stefano Ricagno analyse ses premiers jus avec un oenologue français. Au-dessus de la cave, sous un soleil de plomb, des vendangeurs indiens donnent les derniers coups de sécateur dans les vignes. Les vendanges ne se sont jamais terminées aussi tôt, remarque le viticulteur en baskets blanches: «on pensait produire beaucoup, mais il a fait très chaud. La récolte du muscat est presque en ligne avec nos objectifs (abaissés)». Héritier de six générations de vignerons, Stefano Ricagno, 46 ans, préside l’appellation d’origine contrôlée «Asti», qui couvre près de 10.000 hectares de collines inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. Asti s’est fait un nom avec des mousseux dorés à faible teneur en alcool, généralement autour de 7% pour l’"Asti» et de 5% pour le «Moscato», dont la quasi-totalité de la production est vendue aux Etats-Unis. Les ventes de l’AOC «Asti», de 100 millions de bouteilles en 2023 et 90 en 2024, devraient tomber à 85 millions en 2025, et les vignerons voient augmenter leurs stocks. «On verra en 2026 si les guerres se terminent, et que les marchés se reprennent», lance Stefano Ricagno. D’autres appellations italiennes comme la Valpolicella en Vénétie ont aussi réduit les volumes cette année face à ce marché incertain. - Artisanaux - D’autres vignerons ne veulent pas entendre parler de ces quotas et appellations. A quelques kilomètres d’Asti, à Nizza Monferrato, Francesco Pozzobon, 35 ans, a repris des vignes abandonnées et les laisse vivre sans produits phytosanitaires, semant entre les rangs des trèfles et des fèves. «On a trop produit et mal produit», regrette le jeune viticulteur. «Avec la baisse de la demande, il y aura un écrémage naturel». Et si le rendement de sa Tenuta Foresto est bien plus irrégulier et faible que celui de ses voisins, à 3 tonnes de l’hectare, il vend cher et jusqu’en Chine ses vins «artisanaux». Pour rebondir, l’appellation Asti veut que ses bulles conquièrent l’apéritif, alors qu’elles sont cantonnées au dessert en Italie, en surfant sur le nouveau goût des clients pour des vins moins forts en alcool, souligne Stefano Ricagno. Taimaz SZIRNIKS © Agence France-Presse