
BFI FRANCAISES - Toujours plus de sélectivité

Les banques de financement et d’investissement (BFI) françaises, qui ont considérablement fait évoluer leur modèle depuis la crise, cherchent désormais à sortir du lot en misant sur des expertises spécifiques. « Dans le paysage mondial de la BFI, il y a des acteurs de niche (Lazard, MarketAxess…) ou des acteurs américains très diversifiés en termes de produits et de géographies (JPMorgan, Citigroup, Bank of America…) qui génèrent une rentabilité supérieure à celle d’un autre groupe composé de BNP Paribas, la Société Générale ou HSBC, typiquement des acteurs qui privilégient une offre plus ciblée à un groupe de clients plus restreint et qui ne bénéficient pas d’une position forte sur le principal marché des capitaux, les Etats-Unis », replace Olivier Panis, vice president chez Moody’s. « Les banques françaises proposent l’ensemble de la palette d’activité de la BFI, mais avec des pondérations plus ou moins marquées, et restent loin derrière leurs concurrentes américaines à l’échelle mondiale », précise Sam Theodore, analyste chez Scope Insights.
Continuant à réduire drastiquement certaines activités historiques devenues peu rentables (trading pour compte propre, matières premières OTC…), les banques françaises cherchent à préserver leurs activités client classiques de financement structuré mais aussi de marché de capitaux. « Et ce malgré la forte volatilité et la faible rentabilité de ces activités ces deux dernières années causée en partie par les contraintes réglementaires fortes et le maintien des taux bas de la BCE », précise François Berteloot, senior manager chez Sia Partners (Sia). Selon Sopra Banking Software, si la part des activités de marché des principales banques françaises dans la BFI reste majoritaire, elle s’est toutefois réduite de 51 % à 45 % en moyenne entre 2012 et 2019, avec des revenus en hausse de 2,4 %. Dans la banque de financement, dont le poids a été porté de 25 % à 27 % sur la période, les revenus ont crû de 23 %. « Bien que coûteuses en capital, ces activités permettent aux banques françaises, qui ont un modèle universel, de générer des revenus dans un environnement difficile en banque de détail », estime Jean-Marc Velasque, expert Sopra Banking Software.
Spécialisation
Dans ces activités consommatrices en fonds propres, les banques optent pour la sélectivité. Le Crédit Agricole a ainsi choisi de se concentrer sur l’un de ses principaux domaines d’expertise dans les cinq prochaines années : le financement structuré. « Bien que BNP Paribas et la Société Générale continuent à être présentes sur ce segment, elles semblent également privilégier des spécialisations fortes sur leurs activités de marché historiques notamment en profitant du rachat des activités de banques concurrentes », illustre François Berteloot. La Société Générale a ainsi racheté en 2018 les activités Equity Market & Commodities de Commerzbank, dont le transfert ne sera achevé qu’en 2020. BNP Paribas a de son côté repris l’an passé le prime services de Deutsche Bank. « BNP Paribas consolide ses positions dans la BFI, en Europe et au-delà », souligne Olivier Panis, ajoutant que l’accord avec Deutsche Bank fera de BNP Paribas le quatrième prime broker mondial auprès des hedge funds, développant ainsi sa capacité de cession des actifs de son bilan. « BNP Paribas affirme au fil du temps sa position de première BFI française, avec des positions fortes dans des domaines tels que le ‘fixed income’. La Société Générale et le Crédit Agricole, qui est monté en puissance sur des expertises telles que les services aux institutions financières et la finance verte, se disputent la deuxième place. Natixis arrive derrière », résume Sam Theodore (voir le graphique). Dans les financements verts, le Crédit Agricole entend doubler la taille de son portefeuille, à 13 milliards d’euros d’ici à 2022.
Afin de maintenir un certain niveau de rentabilité dans ces activités, les BFI continuent à chercher des leviers d’optimisation de leurs fonds propres en maintenant leurs modèles « originate to distribute » dans les activités de financement. Elles adoptent également une approche plus sélective et différenciée de leurs clients, selon leur profil de risque, mais aussi plus récemment de leur impact carbone. « Cette dernière approche est notamment soutenue par le développement des initiatives de finance durable lancées par l’ensemble des BFI du marché », commente François Berteloot. Natixis a notamment déployé le concept de « green weighting factor », consistant à mettre en place un système de bonus/malus qui s’appliquera aux encours pondérés des opérations de financement sur quatre secteurs pilotes (automobile, immobilier, électrique et minier).
Elargissement
Parallèlement, les BFI continuent à trouver de nouveaux débouchés en élargissant leurs offres vers les métiers peu consommateurs en fonds propres (mais très concurrentiels) comme les activités de transaction (cash management, trade finance). « Ces activités pourront représenter 25 % à 40 % de leur PNB dans les années à venir (contre 15-20 % actuellement, NDLR) », projette François Berteloot. Selon le professionnel, la Société Générale et BNP Paribas tirent particulièrement leur épingle du jeu, bénéficiant de leurs fortes empreintes à l’étranger et de la mise en œuvre de programmes de transformation digitaux ambitieux. Crédit Agricole SA mise également sur la banque transactionnelle, qui devrait contribuer pour 25 % à la croissance des revenus de la BFI à horizon 2022. « Les banques françaises montent par ailleurs en puissance dans la gestion d’actifs. Cette activité, peu coûteuse en capital, a vu ses revenus croître de 36 % en moyenne entre 2012 et 2019 au sein des grandes banques françaises et son poids dans la BFI passer de 24 % à 28 %. Cela est particulièrement vrai chez les banques mutualistes, dont les revenus dans cette activité ont crû de 98 % chez BPCE et 56 % chez le Crédit Agricole », détaille Jean-Marc Velasque.
L’adaptation des BFI françaises est appelée à se poursuivre. « Les banques doivent joindre leurs forces et créer des plates-formes communes avec leurs concurrentes pour répondre aux enjeux technologiques et de désintermédiation », estime Sam Theodore. « Elles se concentrent davantage aujourd’hui sur leur évolution digitale, notamment en améliorant le parcours client et la gestion quotidienne de leur cycle de vie, via la mise en place de plates-formes permettant de centraliser les documents importants, comme les contrats et/ou la documentation KYC », développe François Berteloot.
Les BFI françaises continuent parallèlement la course à l’optimisation de leurs modèles de risque. « L’objectif est d’améliorer et/ou de transférer leurs modèles actuels vers des modèles avancés plus performants afin d’obtenir une analyse plus fine du risque permettant ainsi de réduire la mobilisation de capitaux », explique François Berteloot. Face aux multiples enjeux, les BFI semblent désormais devoir adapter leur modèle de façon continue.

Transfert de compétences
Si les BFI françaises réduisent la voilure dans certains domaines, d’autres activités continuent de croître ou de s’améliorer via l’automatisation et la digitalisation, nécessitant de maintenir un niveau élevé de collaborateurs internes. Dès lors, contrairement à leurs homologues allemandes ou suisses, « nous n’anticipons pas une baisse à court terme des effectifs des BFI françaises au niveau mondial mais plutôt de leur masse salariale, via la création des pôles d’expertises européens ou mondiaux spécialisés au sein d’autres pays de l’Union européenne ayant un niveau de formation élevé et un coût de travail plus compétitif à compétences égales », prévoit François Berteloot, senior manager chez Sia Partners. BNP Paribas dispose notamment d’un pôle à Lisbonne et Natixis continue d’agrandir le sien à Porto. « Ce phénomène va s’accélérer dans les années à venir via la pérennisation de ces modèles de ‘servicing companies’ (qui ne nécessitent pas toutes une licence bancaire) », estime François Berteloot.
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