
Après les années Oudéa, Slawomir Krupa met la Société Générale au régime sec

Il ne compte pas vendre du rêve, mais se montrer «réaliste». Slawomir Krupa, qui a pris les rênes de la Société Générale en mai, a passé son grand oral devant les analystes et les investisseurs ce lundi 18 septembre à Londres. Son plan stratégique pour 2026, qui met l’accent sur une «croissance disciplinée» et des économies de coûts de 1,7 milliard d’euros sur la période, a reçu un accueil très froid du marché. Dans le rouge toute la journée, l’action a finalement abandonné 12%, à 23,28 euros en clôture. De quoi effacer l’ensemble des gains depuis le début de l’année
Plusieurs analystes avaient parié depuis le printemps sur un «effet Krupa» pour doper le cours de Bourse. Ils s’attendaient notamment à ce que le directeur général relève plusieurs objectifs annoncés par son prédécesseur Frédéric Oudéa. A leur grande surprise, Slawomir Krupa a préféré une approche plus conservatrice. La Société Générale vise une croissance de ses revenus comprise entre 0 et 2% sur les trois prochaines années et une rentabilité de ses fonds propres (ROTE) de 9% à 10% en 2026. Ces objectifs sont jugés «décevants» par les analystes de Jefferies, qui s’attendaient à ce que la Société Générale profite de son modèle diversifié pour dégager «plus de revenus que ses pairs» à compter de 2024.
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Un plan «crédible» mais peu accrocheur
Rompant avec son prédécesseur, Slawomir Krupa préfère être jugé sur sa capacité à délivrer. Le temps des promesses non tenues, qui ont émaillé l’histoire de la banque au cours de la décennie passée, est révolu. «Ce plan est crédible», a-t-il insisté devant la presse en amont de sa présentation. Et de rappeler : «la Société Générale a souvent raté des rendez-vous avec le marché dans sa capacité à délivrer». «Un plan basé sur les économies de coûts peut être perçu par les investisseurs comme ayant davantage de chances de succès», concèdent les analystes de Jefferies.
Pur produit de la Société Générale, Slawomir Krupa préfère s’atteler à restaurer la «profitabilité structurelle» de la banque qui reste «insuffisante», explique-t-il. Il compte, de cette manière, assurer une plus grande régularité des résultats dégagés et donc du retour total aux actionnaires. «La création de valeur nette est notre priorité numéro un», a-t-il encore martelé devant les analystes.
Des efforts collectifs
Cela passera d’abord par l’amélioration de l’efficacité opérationnelle de la banque. La fusion de ses réseaux Société Générale et Crédit du Nord dans l’Hexagone doit permettre de dégager 450 millions d’euros d’économies, a-t-elle déjà annoncé. Slawomir Krupa compte également activer «tous les leviers» à sa disposition, notamment sur le plan informatique, mais aussi en réduisant drastiquement le recours aux prestataires externes.
«Les métiers du groupe devront supporter les coûts de leur transformation», souligne le directeur général. Les rémunérations, elles, seront indexées sur la performance et la rentabilité. La banque renoue aussi avec la tradition d’un plan d’actionnariat salarié annuel. Dans ce contexte d’efforts collectifs, la politique de distribution aux actionnaires se veut, elle aussi, «prudente». La Société Générale compte distribuer entre 40 et 50% de son résultat net publié, dont près de la moitié sous forme de rachats d’actions.
Boursorama comme relais de croissance
Comme attendu, Slawomir Krupa met l’accent sur le capital et sur son allocation plus efficace. Il promet de renforcer les fonds propres pour atteindre un ratio de capital CET 1 de 13% en 2026, après l’entrée en vigueur des règles dites de «Bâle 4». Ceci aura d’ailleurs un impact évalué à 90 points de base sur le rendement des fonds propres (ROTE) de la Société Générale. L’important n’est pas là, défend son directeur général. Ce dernier veut «une banque solide», a-t-il martelé à plusieurs reprises devant les analystes. Renforcer le capital permettra d’être «en mesure d’absorber les chocs» et de «saisir des opportunités».
«Nous allons capturer la croissance différemment», explique Slawomir Krupa aux analystes. Seules ALD, son activité de leasing automobile qui vient d’absorber son concurrent Leaseplan, et Boursorama, se verront allouer du capital organique. Le groupe entend ainsi financer la conquête de 3 millions de clients supplémentaires dans sa banque en ligne, tout en continuant à les multi-équiper. Boursorama devrait dégager 300 millions d’euros de résultat net en 2026. «Nous choisissons de soutenir ces deux métiers, car c’est le bon moment. Les autres métiers doivent se montrer plus agiles», a précisé Slawomir Krupa à la presse. La banque de financement et d’investissement, qui a déjà fait l’objet d’un sérieux rééquilibrage, ne se verra accorder aucun capital supplémentaire sur la période.
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Un recentrage sur les activités stratégiques
Alors que le marché bruisse de rumeurs sur de potentielles cessions d’actifs, Slawomir Krupa entend aussi «simplifier» le portefeuille de la Société Générale. Contrairement à son prédécesseur, dont l’entêtement en Russie s’est soldé par une lourde perte, de 3 milliards d’euros, au printemps 2022, le directeur général ne poursuivra plus d’activités si leur rentabilité n’est pas satisfaisante et si elles ne génèrent pas de synergies avec le reste du groupe. «Nous ne faisons pas de la recherche médicale avancée, mais de la banque. Lorsqu’on attend qu’un investissement produise un retour pendant quinze ans, ce n’est plus un investissement, mais un pari !», grince-t-il.
La revue stratégique a débuté en Afrique où le groupe a déjà annoncé la cession de quatre filiales. Le directeur général, qui s’est refusé à dresser la liste des activités pouvant être vendues, poursuivra ce recentrage «sans aucun tabou». Il ne paraît pas exclu que le groupe se sépare du Bénin et du Ghana où l’activité reste de petite taille. Selon des informations de presse, la Société Générale réfléchirait également à céder son métier de conservation de titres, Société Générale Securities Services. Celui-ci présente toutefois «une rentabilité correcte et des synergies avec le reste du groupe», admet Slawomir Krupa. «Il n’y a pas de réponse simpliste en matière de cessions d’actifs», conclut-il. S’il veut remettre de l’ordre à la Société Générale, Slawomir Krupa devra attendre avant de convaincre les marchés qu’il a pris «les bonnes décisions pour la banque». A l’issue de son grand oral, le titre de la Société Générale a encore creusé ses pertes.
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