
Joël Prohin : l’amour du long terme

« La gestion et le financement à long terme ont été finalement le fil rouge de ma carrière ». C’est ainsi que Joël Prohin, 57 ans et directeur du département de gestion des placements à la Caisse des Dépôts, aime à résumer son parcours professionnel.
Durant ses 35 années de carrière il en effet travaillé pour trois établissements dont les activités sont tournées vers un horizon relativement lointain : le Crédit National, où il débute en 1988, les AGF devenu Allianz, qu’il quittera en 2011 et la Caisse des dépôts au sein de laquelle il pilote la gestion d’environ 240 milliards d’euros.
Né à Nîmes où il a vécu pendant 17 ans, d’un père qui a fait toute sa carrière comme agent immobilier, rien ne le prédestinait vraiment à se plonger dans l’univers de la finance. Pourtant, il l’affirme, « dès la classe de première, je savais que je voulais faire l’Ensae ». « Les statistiques m’ont toujours passionné car je trouve qu’elles fournissent une forme d’explication sur le monde ». Ce sera donc chose faite après une prépa à Montpellier. Une fois à Paris en 1985, il fera même en parallèle de l’Ensae, un DEA de Monnaie, finance, banque à Paris I qui lui permet « d’allier les chiffres avec une prise directe sur l’économie » en écoutant avec délectation les cours de Christian de Boissieu, son prof principal.
C’est après avoir postulé à une annonce que Joël Prohin entre en 1988 au Crédit National, un organisme chargé d’attribuer des crédits bonifiés par l’État à des PME industrielles. Au début, il réalise des études économiques sur les entreprises, puis il est chargé de lancer la gestion actif-passif de la banque. Mais ce dont il se rappelle le plus concerne un tout autre travail pour l’établissement : « J’ai eu le privilège très jeune de participer à l’enquête des 50 où le groupe interrogeait ses 50 plus grands clients industriels ». Chargé de faire un rapport sur les discussions en direct de ces patrons avec ses dirigeants, il a l’occasion de croiser, et surtout d’écouter, Jean-Louis Beffa, Didier Pineau Valencienne, et d’autres personnages qui ont marqué l’économie française. A l’occasion du rendu officiel, il arpente les salons du ministère de l’économie des Finances, encore situé rue de Rivoli à l’époque.
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C’est le rachat par le Crédit National de la Banque française du commerce extérieur (BFCE) qui lui fera quitter la banque. Les dirigeants de la BFCE ont pris le pouvoir et les affinités avec ses nouveaux dirigeants sont moindres. Il est alors approché pour rejoindre un groupe d’assurance, les AGF, qui vient tout juste d’être privatisé. A peine 18 mois plus tard, les AGF sont rachetées par l’allemand Allianz, et Joël Prohin s’attelle à diriger la politique d’investissement de la filiale française. Il passera près de 18 ans dans l’entreprise. Il faut dire qu’Allianz renforce la fonction investissement avec la mise en place de Solvabilité 2. Joël Prohin a l’occasion de travailler en réseau au niveau mondial. La France, par exemple, pilote depuis Paris les filiales belge et néerlandaise sur le plan des investissements. Quand arrive la crise de 2008, il est heureux de travailler « dans un groupe solide ».
Mes engagements spirituels en dehors de la CDC me donnent une certaine sérénité de vie
Reste que peu de temps après, une fois les choses normalisées, il a l’impression d’avoir fait le tour de son poste. Le seul moyen d’évoluer est de partir au siège à Munich, mais difficile de déménager vis-à-vis de son épouse et leurs deux filles. Il choisira donc la Caisse des dépôts. « Lorsque j’ai passé mon premier entretien d’embauche pour la CDC en 2010, j’ai vu à l’entrée un calicot sur le plan à… 2020 ! Cela m’a tout de suite plu », sourit-il, faisant allusion à son accointance pour le long terme. Il rejoint donc Olivier Mareuse, son actuel dirigeant, qu’il a déjà eu l’occasion de croiser par le passé pour prendre la direction des actifs de la section générale. Sous l’impulsion de Pierre René Lemas, le directeur général, et confirmé par son successeur Eric Lombard en 2018, la Caisse réorganise son activité d’investissement et rapproche les deux équipes historiques de la section générale et de l’épargne pour affirmer la gestion d’actifs comme une activité à part entière.
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Depuis cette date, Joël Prohin a sous sa supervision une centaine de gérants et analystes sur les marchés financiers. Face à des personnalités fortes, à des marchés financiers qui n’en font parfois qu’à leur tête, face à la pression de gérer l’argent des Français et d’être au centre des attentions, Joël Prohin trouve refuge dans la spiritualité religieuse. « Mes engagements spirituels en dehors de la CDC me donnent une certaine sérénité de vie. Au niveau professionnel, je pense que cela me permet de faire descendre moins de pression sur mon équipe que je n’en reçois moi-même », explique-t-il.
Son engagement se traduit le soir et le week-end, dans le cadre son église, où il donne des conférences sur des thèmes bibliques ou théologiques et participe à la rédaction d’une revue de réflexion biblique qui s’appelle Promesses. Il se veut discret sur cette deuxième vie, conscient de la laïcité « qu’il doit » à l’établissement public où il travaille et n’en parle quasiment jamais. Mais avec Google, difficile de rester caché…
Cette deuxième vie s’équilibre aussi avec les propres engagements de son épouse à laquelle Joël Prohin est marié depuis 29 ans. Celle-ci est ainsi présidente bénévole d’une association laïque d’accueil des étrangers à Viroflay (l’APIV) et professeure bénévole de Français-langue étrangère (FLE) dans une autre association humanitaire chrétienne. Cet engagement lui donne l’occasion des côtoyer des migrants qui ont des parcours de vie terrible et pas un centime en poche, lui qui manie les milliards d’euros. De quoi rester les pieds sur terre...
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