
Coup de froid sur l’emploi à la City

A 23 ans, Laura Demajean, sortie de l’advanced master en finance de l’ESCP Europe, s’apprête à effectuer un summer internship à Londres dans une grande banque anglo-saxonne. La perspective du Brexit n’a rien changé à ses projets : « Au début, j’avais un doute, confie-t-elle, mais des échanges avec de nombreux professionnels de la banque en début de master m’ont rassurée : la plupart ont indiqué qu’il y aurait sans doute un impact sur l’emploi, mais qu’il ne se ferait pas sentir tout de suite . » Jérôme*, l’un de ses camarades de classe, vient quant à lui de démarrer un off cycle (stage de césure) de trois mois au sein d’une banque américaine de la City. Il ne s’est pas plus inquiété : « Il est important d’avoir une expérience internationale et beaucoup d’établissements disposent de leur siège à Londres, d’où l’intérêt d’y vivre une expérience professionnelle. » « Londres reste encore et toujours le premier choix d’emploi pour les jeunes diplômés, résume Philippe Thomas, professeur de finance à l’ESCP Europe. C’est un mythe. D’autant qu’il n’y a pas vraiment matière à s’inquiéter : le taux de placement des étudiants au sein des banques est identique à celui enregistré avant le Brexit. »
Projets de transferts
Pourtant, chez les salariés en poste à Londres, le moral n’est pas au beau fixe. « Mon supérieur hiérarchique martèle que l’on est dans la plus grande des incertitudes concernant le Brexit, raconte Laure*, responsable de projet dans une banque française à Londres. Le seul conseil que l’on nous donne pour le moment est de déposer notre dossier de candidature pour un permis de résidence au cas où la question de l’immigration ne serait pas réglée. » Certains n’ont pas attendu la fin des négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni pour prendre leurs décisions. « Certains de nos anciens élèves, âgés de 30 à 35 ans, sont rentrés en France », indique Philippe Thomas. Ailleurs, ce cadre anglophone, s’inquiète que son poste en back-office au sein d’une grande banque américaine puisse être relocalisé à Dublin. « Après plus de 20 ans passés dans la capitale britannique, nous sommes, ma famille et moi-même, de vrais Londoniens. Pas sûr que si l’on devait partir, on retrouverait la même qualité de vie… » Or les projets des banques internationales situées à la City se précisent. Chacune a jeté son dévolu sur l’un ou plusieurs hubs d’Europe continentale : Citi, Nomura, Daiwa, UBS, Morgan Stanley et Goldman Sachs, pour ne citer qu’elles, ont choisi Francfort comme hub post-Brexit. Pour Barclays, ce sera Dublin. Paris n’est pas en reste : HSBC a évoqué la relocalisation de 1.000 emplois dans la capitale alors même que JP Morgan, Morgan Stanley, Goldman Sachs, Citi et Bank of America devraient aussi y relocaliser un certain nombre de banquiers. Ces institutions devront néanmoins parvenir à convaincre leurs salariés. Selon une étude publiée début mai par le cabinet de recrutement Morgan McKinley, portant sur le témoignage de 7.000 salariés britanniques, 18 % des sondés souhaiteraient être relocalisés aux Etats-Unis, et le même pourcentage à Dublin. En comparaison, Francfort et Paris ne sont plébiscités respectivement que par 8 % et 9 % des sondés.
Pour ceux qui ne veulent pas quitter Londres, retrouver un emploi dans la capitale britannique ne s’annonce pas si simple. Selon le dernier baromètre publié début mai par Morgan McKinley, les offres d’emplois dans la finance ont reculé de 26 % en avril sur une année. Parallèlement, le nombre de candidats à l’emploi a aussi chuté de 25 % sur la même période. « Nous avons connu un début d’année beaucoup plus calme qu’attendu, explique James Murray, directeur au sein du cabinet de recrutement Robert Walters. Ce qui est d’autant plus étonnant que les performances des banques sont plutôt positives. » Pour ce professionnel, l’impact des interrogations liées au Brexit produit naturellement un effet sur le dynamisme du recrutement des services financiers. « Mais la santé générale du secteur de la finance internationale a beaucoup plus d’importance qu’un événement isolé comme le Brexit », souligne-t-il. La popularité de certaines fonctions ne se dément d’ailleurs pas : la gestion du risque et la conformité continuent à attirer des talents. Les profils fintech ont aussi le vent en poupe. Mais dans ce secteur, la concurrence avec les Gafa est rude. « A rémunérations égales, les candidats préféreront rejoindre une entreprise technologique à la marque puissante qui leur offrira des profils de poste plus attractifs, constate James Murray. De façon générale, si les profils tech restent les mieux rémunérés dans des entreprises comme Google, ce n’est toujours pas le cas dans les banques où ce sont toujours les rainmakers qui continuent à bénéficier des packages les plus lucratifs. »
* Les prénoms ont été changés.
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Jair Bolsonaro diagnostiqué d’un cancer de la peau après sa condamnation
Brasilia - Moins d’une semaine après sa condamnation à 27 ans de prison pour tentative de coup d’Etat, l’ex-président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro a reçu mercredi une autre mauvaise nouvelle: un diagnostic de cancer de la peau. L’ancien dirigeant (2019-2022), 70 ans, souffre d’une série de problèmes de santé, dont certains dérivent d’un attentat à l’arme blanche subi en 2018 en pleine campagne électorale. Mardi, il avait été admis dans une clinique privée de Brasilia à la suite d’un malaise. Il a pu en sortir mercredi et regagner sous escorte policière le domicile où il est assigné à résidence depuis début août. Dimanche, il avait déjà été autorisé à se rendre à cette même clinique privée, DF Star, durant quelques heures pour subir une biopsie cutanée. Cette biopsie a permis de détecter un «carcinome à cellules squameuses», soit «un type de cancer de la peau qui peut avoir des conséquences plus sérieuses», a déclaré aux journalistes le docteur Claudio Birolini, peu après la sortie d’hôpital de son patient. Selon le bulletin médical de la clinique, la biopsie a détecté le carcinome dans «deux des huit lésions» retirées dimanche. Ce diagnostic demande un «suivi médical et des réévaluations périodiques», précise le bulletin. Mais le docteur Birolini a affirmé que l’ex-président ne devrait pas suivre pour le moment de «traitement actif» comme par exemple une chimiothérapie. «Mon père a déjà livré des batailles plus difficiles et en est sorti victorieux. Il en ira de même pour celle-là», a réagi sur le réseau social X son fils aîné, Flavio Bolsonaro. Procès historique Jair Bolsonaro a été admis à la clinique DF Star mardi après avoir souffert de vomissements, de vertiges et d’une baisse de la pression artérielle. Après avoir passé la nuit en observation, il a présenté une «amélioration des symptômes et de sa fonction rénale après un traitement médical par voie intraveineuse», selon ses médecins. Depuis le coup de couteau reçu dans l’abdomen lors d’un bain de foule en 2018, l’ex-président a été opéré à plusieurs reprises. En avril, il a subi une lourde intervention chirurgicale. La Cour suprême a condamné Jair Bolsonaro à 27 ans de réclusion à l’issue d’un procès historique qui l’a reconnu coupable d’avoir conspiré pour se maintenir au pouvoir après sa défaite électorale face au président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva en 2022. Mais il ne pourra être incarcéré qu’après l'épuisement de tous les recours possibles, et sa défense a déjà annoncé qu’elle ferait appel prochainement. L’ex-président est assigné à résidence depuis le 4 août pour des soupçons d’entrave à son procès. Ses partisans poussent pour une amnistie de l’ancien chef d’Etat et de centaines de sympathisants bolsonaristes condamnés pour tentative de coup d’Etat. © Agence France-Presse -
Reconnaissance de la Palestine : selon la diplomatie palestinienne, un message à Israël sur "les illusions" de l'occupation
Ramallah - La reconnaissance prochaine de la Palestine par plusieurs Etats dont la France, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, adresse un message clair à Israël sur les «illusions» de l’occupation, a déclaré mercredi la ministre des Affaires étrangères palestinienne, Varsen Aghabekian Chahine. Dans un entretien accordé à l’AFP à quelques jours du sommet sur la question palestinienne que Paris et Ryad doivent coprésider le 22 septembre à l’ONU, et où plusieurs pays ont promis de reconnaître l’Etat de Palestine, Mme Aghabekian, qui s'était dite «choquée» par l’inaction de l’Union européenne face à la guerre à Gaza, voit dans ce nouvel élan diplomatique la réalisation d’une promesse de la communauté internationale qu’elle attendait depuis longtemps. Q: A quoi vous attendez-vous la semaine prochaine? R: Cette reconnaissance ne changera pas immédiatement la situation sur le terrain. Certains diront peut-être: +mais qu’est-ce que cette reconnaissance, qu’est-ce que cela signifie si je ne vois pas la fin de l’agression contre la bande de Gaza?+, mais ça contribue à mettre fin à l’agression contre la bande de Gaza. La reconnaissance n’est pas symbolique. C’est quelque chose de très important, car cela envoie un message très clair aux Israéliens sur leurs illusions de [vouloir] continuer leur occupation pour toujours. Elle envoie également un message clair aux Palestiniens : +nous soutenons votre droit à l’autodétermination+, elle renforce le concept et la solution à deux Etats. Cela nous donne un élan pour l’avenir car on pourra s’appuyer sur ça et chaque pays qui reconnaîtra la Palestine prendra des engagements fondés sur cette reconnaissance. Chaque étape compte. Nous ne pouvons pas nier le fait que la reconnaissance nous rapproche de la concrétisation effective de l’Etat, mais oui, nous devons également travailler à un cessez-le-feu permanent [à Gaza] et à d’autres aspects nécessaires pour que les gens voient un avenir en Palestine. Q: Israël critique ces annonces de reconnaissance, que lui répondez-vous? R: Le monde d’aujourd’hui comprend et voit ce dont Israël est capable en tant qu’Etat occupant, expansionniste et annexionniste, et comprend ce qu’Israël dit, car il n’hésite pas à le dire. Israël dit au monde: +je veux aller de l’avant, je veux construire ce grand Israël+, ce qui implique une atteinte à la sécurité, à l’indépendance et à la souveraineté des Etats voisins. Et la non-reconnaissance renforcera les extrémistes de tous bords [israéliens et palestiniens, NDLR], car ceux-ci ne veulent pas voir deux Etats coexister. Q: Et si Israël refuse? R: Israël ne veut pas négocier. Allons-nous donc rester à la merci de cet Etat occupant jusqu'à ce qu’il commence à penser que nous voulons peut-être négocier ? Si les gens pensent qu’Israël va se présenter à la table des négociations, cela n’arrivera jamais. Depuis que nous nous sommes engagés dans ce processus de paix [avec les accords d’Oslo en 1993, NDLR], nous avons vu davantage de nos terres annexées par Israël, davantage d’activités de colonisation, davantage de violence de la part des colons et davantage d'étouffement de notre vie. Nous ne laisserons pas cela continuer. Nous demandons simplement que nos droits, tels qu’ils sont consacrés par le droit international, soient respectés. Et nous savons qu’ils [le gouvernement israélien du Premier ministre Benjamin Netanyahu, NDLR] vont essayer d’annexer davantage, et nous le voyons sur le terrain. Nous voyons les barrières érigées à l’entrée des villages et des villes. La violence va s’intensifier. [Mais] Israël ne peut pas continuer à agir comme un Etat au-dessus des lois, car s’il veut vivre dans la paix et la sécurité dans la région, il doit agir comme un Etat normal. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et dire: +c’est Israël, nous ne pouvons rien y faire+. Q: L’opposition des Etats-Unis est-elle un problème? R: Au bout du compte, le monde entier sera d’un côté, et probablement Israël et quelques pays de l’autre. [Ces reconnaissances] changent la donne, et nous devons donc les envisager positivement et continuer d’avancer. Nous espérons que [les Etats-Unis du président américain Donald Trump] finiront par accepter ce qui est nécessaire dans cette région, c’est-à-dire deux Etats. Q: Certains pays lient leur reconnaissance à un cessez-le-feu à Gaza ou au désarmement du Hamas. Cela peut-il freiner votre élan ? R: En ce qui concerne le désarmement du Hamas, je pense qu’il y a un consensus à ce sujet. Et par ailleurs, même le Hamas dit qu’il ne veut pas faire partie du gouvernement de Gaza après la guerre. Donc si un accord de paix est conclu et qu’il y a un cessez-le-feu permanent, cela ne devrait pas poser de problème. Chloe ROUVEYROLLES-BAZIRE © Agence France-Presse -
Royaume-Uni : 5 000 londoniens ont manifesté contre la visite de Donald Trump
Londres - «Trump n’est pas le bienvenu», «Pas de tapis rouge pour la haine": quelque 5.000 personnes selon la police ont manifesté mercredi dans le centre de Londres, sous un ciel gris, contre la venue du président américain qui a entamé une visite d’Etat au Royaume-Uni. A une quarantaine de kilomètres du château de Windsor, où Donald Trump est reçu avec les honneurs par la famille royale, les manifestants ont marché de Regent’s Park jusqu’au Parlement britannique. «Il sème la destruction et le désordre à travers le monde entier», a indiqué à l’AFP Dave Lockett, ancien enseignant de 67 ans, qui s’inquiète que les «idées véhiculées par Trump gagnent la société» britannique. Une centaine d’organisations politiques et ONG comme Amnesty International, les Amis de la Terre, Palestine Solidarity Campaign ou Stand Up to Racism ont participé à la marche, sous haute surveillance policière avec 1.600 agents et un hélicoptère. La Metropolitan Police a estimé à 5.000 le nombre de manifestants, brandissant des pancartes «Les migrants sont les bienvenus, Trump n’est pas le bienvenu», «Non aux fascistes» ou «Pas de tapis rouge pour la haine». «J’ai observé le premier mandat de Donald Trump, avec tous les dégâts qu’il a causés, et je suis terrifié par le deuxième», déclare à l’AFP Dale Phelan, 28 ans, dont la pancarte dénonce l’existence de «camps de concentration» pour les migrants outre-Atlantique. «Tout ce qui se passe aux Etats-Unis arrive ensuite généralement ici», ajoute-t-il, citant la promesse de Nigel Farage, à la tête du parti d’extrême droite britannique Reform UK, d’expulser jusqu'à 600.000 migrants en cinq ans s’il devenait Premier ministre. Le président américain évite la capitale britannique et le public pour sa deuxième visite d’Etat, de mercredi à jeudi, largement à l’abri des regards. «Valeurs progressistes» «Il sait que nous protestons contre lui», et préfère «faire un petit tour triste en calèche tout seul à Windsor, avec un défilé que personne ne verra», ironisait un porte-parole de Stop Trump Coalition. Selon un sondage YouGov/Sky publié mercredi, près de la moitié des Britanniques (45%) pensent que c'était une erreur d’inviter Donald Trump pour une deuxième visite d’Etat, et quasiment 70% d’entre eux ont une opinion défavorable du président américain. Dans le cortège, qui avance au rythme des tambours, flottent de dizaines de drapeaux palestiniens, une pancarte accusant Trump, allié d’Israël, de «bombarder des enfants à Gaza pendant qu’il festoie au Royaume-Uni». «Personne ne devrait l’accueillir», dénonce Yashi Sriram, doctorante de 32 ans, qui «n’en revient pas qu’on lui déroule le tapis rouge». La manifestation de mercredi n’a pas rassemblé autant de participants que celles qui avaient été organisées lors de la première visite d’Etat du président américain, en 2019. A cette époque, un ballon géant baptisé «Baby Trump», le caricaturant en bébé furieux en couche-culotte, avait flotté au-dessus de la capitale, avec la bénédiction du maire travailliste Sadiq Khan. Les relations sont tendues entre l'édile et Donald Trump, qui l’a en juillet qualifié de «mauvais type». Sadiq Khan a quant à lui appelé le gouvernement travailliste de Keir Starmer, soucieux de maintenir de bonnes relations avec le président américain, à savoir se montrer «critique» et à «dire la vérité» à Donald Trump. «Nous sommes déterminés à faire de notre ville une forteresse contre la haine et un phare d’espoir (...), nous défendons fièrement nos valeurs progressistes» a-t-il écrit dans une tribune dans le Guardian, quelques jours après une manifestation d’extrême droite qui a rassemblé jusqu'à 150.000 personnes à Londres. Avant son arrivée, des dizaines de manifestants anti-Trump s'étaient rassemblés à Windsor mardi pour protester contre sa venue. Des militants de l’organisation Led by Donkeys («Dirigés par des ânes») ont aussi projeté des images du président et du criminel sexuel Jeffrey Epstein sur une tour du château de Windsor. Quatre personnes ont été immédiatement arrêtées. Clara LALANNE © Agence France-Presse