
«La gestion thématique est une autre façon de voir l’investissement»

Comment se porte Pictet AM en cette fin d’année ? Pictet AM se porte très bien. En 2021, la société de gestion a réalisé une excellente collecte nette de 15 milliards d’euros. Ce sont nos fonds avec pour thème l’environnement qui drainent les flux les plus importants sur l’année, devant les fonds à performance absolue et enfin les fonds aux thèmes liés à la reprise économique. Cette photographie n’est pas propre au seul marché français. Il en va de même en Italie, en Espagne, en Allemagne au Japon et dans le Benelux où nous enregistrons les collectes les plus fortes. Par ailleurs, nous constatons une bonne diversité des canaux de distribution. Avec une progression notable d’un côté des clients finaux avec les conseillers comme intermédiaires, des banques, des assureurs, etc, et d’un autre, des institutionnels. Ce canal est en forte reprise. Nous avons gagné des appels d’offre, soit dans le cadre de renouvellement de mandats, soit du fait de réorientations des investisseurs vers des fonds thématiques. Cela porte les flux de ce canal à 20% de la collecte, ce qui est un niveau supérieur à la moyenne. Avec également un fort intérêt pour notre gestion quantitative et notre gestion émergente. Pictet AM fait figure de précurseur en matière de fonds à thème. Cette prime au leader se vérifie-t-elle alors que la concurrence s’est intensifiée dans ce domaine ? Il y a sans doute dans les mémoires une prime au leader dès lors que l’apparition de nos premiers fonds à thème en France date de l’année 2000. Nous avons travaillé très en amont même si la concurrence est là, bien présente. C’est une très bonne chose d’ailleurs. Cela concourt à faire connaître cette approche qui est différente de la gestion classique. En dépit du renforcement de la concurrence, nous constatons toujours des flux importants. C’est bien la preuve que la demande a dans le même temps fortement progressé et que nous participons à la croissance de ce marché. Comment expliquez-vous le succès des fonds à thème ? Sans doute parce que c’est une autre façon de voir l’investissement. Ce n’est plus un raisonnement par pays. C’est une vision transverse, globale pour aller chercher les secteurs et les sociétés de croissance. Le succès s’explique par le bon sens de la gestion thématique qui répond à des enjeux concrets. Personne par exemple ne remet en cause l’importance de l’eau, ou encore de la lutte contre le changement climatique. Et puis, la gestion thématique répond bien aux horizons de long terme imposés par la problématique de la retraite pour les particuliers comme pour des institutionnels, des fonds de pension par exemple. Ajoutons également que la gestion thématique se caractérise par une transparence dont ne disposent pas les fonds « pays » dans lesquels les répartitions sectorielles et les typologies de valeurs peuvent changer à tout moment sans que l’investisseur en soit informé. Le thème a non seulement le mérite de la clarté mais en reposant sur des fondamentaux de long terme, il est protecteur face aux à-coups cycliques des économies comme on l’a vu récemment. Les thèmes se sont multipliés. Pensez-vous cependant que le filon est sans limites ? Non, car plusieurs conditions s’imposent pour créer une thématique. Il faut tout d’abord qu’elle repose sur des tendances lourdes et donc une vision prospective de l’évolution de notre société. Un thème n’est pas un pari ni une mode. C’est le fruit d’une analyse scientifique des évolutions économiques et sociales. Une seule tendance ne suffit pas à faire un thème. Le constat du vieillissement de la population n’est pas suffisant pour justifier le thème de la santé par exemple. La santé est portée aussi par l’accélération de l’innovation, de l’enrichissement des populations émergentes et de la généralisation de l’accès aux soins. Autre condition : l’univers d’investissement doit être large pour sélectionner les bonnes sociétés et créer de l’alpha qui vient alors s’ajouter à l’alpha du thème... Le filon n’est pas sans limite mais la demande continuera à être très forte. Dans un monde globalisé, la logique d’investissement par pays a moins de sens. Se limiter à une gestion régionale, c’est perdre les grandes tendances internationales transverses, et mécaniquement sous-pondérer les marchés émergents dont la croissance est supérieure à celle des pays développés. Ajoutons à cela qu’il est difficile pour un gérant régional d’être expert de tous les secteurs d’activité alors que c’est l’essence même de la gestion thématique de concentrer le travail du gérant sur un domaine qu’il connaît en profondeur. Enfin, les thèmes ont trouvé leur place dans les fonds de fonds « patrimoniaux » flexibles aux cotés des fonds régionaux, les taux et le monétaire. Et dans le cadre d’une gestion « core-satellite », les fonds régionaux qui composaient la partie core il y a quelques années laissent désormais leur place aux fonds à thème compte tenu de leurs horizons de long terme. Leurs places respectives s’inversent en somme. Travaillez-vous sur des thèmes particuliers actuellement ? Pas actuellement. Pour autant, nous allons désormais insister sur l’aspect humain, le S de l’ESG et sur tous les sujets liés au bien-être, la vie en communauté et à la progression personnelle. Que ce soit par la formation, le soin de la personne via l’alimentation, le sport, etc. Tout ce qui va, en somme, rendre notre vie plus agréable. Nous avons déjà créé des thèmes sur ces sujets avec les fonds Human et Smart City par exemple. Mais je pense qu’il y a encore beaucoup à faire avec un prisme plus social, plus personnel, davantage porté sur le bien-être et le vivre-ensemble. Dans l’environnement, on peut également aller plus loin. Les capitaux se mobilisent sur la question du climat et c’est une bonne nouvelle. Le prochain défi, c’est la restauration de la biodiversité. Il faut trouver des solutions pour aider la terre à se régénérer. Revenir en arrière, réparer la terre c’est très important et passionnant. C’est la prochaine étape. Nous n’avons pas fait le tour du sujet… Quelles sont vos relations avec le monde de la banque privée qui est fortement consommateur de fonds à thème ? Nos relations sont excellentes. Rappelons que la demande thématique n’est pas venue spontanément des investisseurs particuliers. Il a donc fallu convaincre les clients de s’y intéresser. Pour cela, les banques privées, les conseillers en gestion de patrimoine, les assureurs ont fait un formidable travail de prescription. Tous ont beaucoup œuvré pour évangéliser et présenter l’histoire de chaque thème. Les banques privées ont ainsi aidé de nombreux clients à augmenter leur exposition aux actions, et même franchir le pas de le Bourse avec des produits simples, potentiellement en phase avec leurs convictions, et les valeurs de leurs clients. On voit même apparaître des offres de mandat 100 % thématique. Les thèmes sont l’occasion d’un nouvel élan marketing dans les grands réseaux en renforçant la qualité et l’étendue de la prestation de conseil. Et avec Pictet Wealth Management ? Nous avons la même relation client-fournisseur avec Pictet Wealth Management qu’avec toute autre banque de la Place. Nous avons dû les convaincre également. Finalement Pictet Wealth Management s’est forgée sa propre opinion, en toute indépendance et c’est très bien ainsi. Le monde des CGP connaît de nombreuses évolutions. Quelle analyse en tirez-vous ? Ces évolutions, cette consolidation que l’on évoque est un peu un serpent de mer. Il y aura toujours des jeunes conseillers ou des seniors qui ont fait carrière dans une banque et qui seront attirés par l’indépendance du conseil. Pour eux, la mise en commun de moyens comme le permettent les regroupements est une bonne chose. Et cela marche bien. En tant que fournisseur, mon intérêt est d’avoir face à moi des modèles de distribution avec de nombreux points d’entrée. Mais il faut bien admettre que le marché français est très atomisé et que dans ce contexte, la consolidation sera tout de même plus efficace. L’important est que les CGP réalisent des économies d’échelle tout en restant indépendants. Travailler avec les CGP est un vrai bonheur professionnel au sens où, notre marketing , nos produits s’exposent à une multitude de points de vue. Au-delà de la relation vendeur-acheteur, un véritable commerce d’idées s’installe et nous fait rapidement progresser. Aujourd’hui, 30 % des flux sont issus de l’activité des conseillers en gestion de patrimoine. Leurs positions représentent entre 10 % et 15 % des 11 milliards d’euros distribués à Paris. A ce rythme de croissance ils pourraient rapidement représenter 1/3 de nos stocks … Quels sont vos développements à court/moyen terme ? Nous voulons continuer à progresser chez les conseillers en gestion de patrimoine et élargir la gamme proposée. Nous avons d’excellents produits investis sur les marchés émergents et des fonds de performance absolue qui chez Pictet totalisent 12milliards d’euros d’encours. Le marché français reconnaît peu à peu notre expertise en matière de gestion alternative. Nous pourrions aller plus vite compte tenu de nos bonnes performances durant les deux dernières années de crise. Nous devons convaincre que nous sommes des producteurs d’alpha, décorrélés des marchés avec une gestion des risques très stricte. Notre enjeu est de développer un marketing « BtoC» adapté à l’investisseur privé tout en continuant de produire un marketing « B to B » très technique, destiné aux acheteurs professionnels. Pour ces investisseurs particuliers intermédiés par les banques et les CGP, il nous faut simplifier les contenus. Cela vaut vraiment la peine, car les CGP sont très réactifs. Nous avons démarré la promotion du fonds long/short Atlas l’année dernière. Aujourd’hui, sur les 300 millions d’euros collectés en 2021, 150 millions d’euros proviennent des CGP.
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