
«La collecte des hedge funds sur les cinq prochaines années sera spectaculaire»

NewsManagers: Où en est le développement de Dynamic Beta Investments ? Andrew Beer:Nos encours sous gestion approchent le milliard de dollars. Nous sommes structurés comme sub-advisor (conseiller) pour des sociétés de gestion plus grandes. Nous avons quatre à cinq relations clés en tant que sub-advisor. Ces firmes lancent leur produit, nous le gérons et elles s’occupent de la distribution et de la croissance du fonds. Nous comptons trois produits Ucits en Europe, deux fonds indiciels cotés (ETF) aux Etats-Unis et deux hedge funds plus traditionnels dont l’un a été conçu pour le marché des particuliers japonais. Nous avons observé une forte croissance ces quatre dernières années. Notre stratégie est de travailler avec nos partenaires pour faire en sorte que ces produits deviennent une allocation cœur de portefeuille pour les gestionnaires de fortune qui veulent s’exposer aux hedge funds à faible coût, avec une liquidité quotidienne, un risque de baisse minoré ainsi qu’une meilleure performance et pas de ticket d’entrée minimum. Nous pensons que c’est le futur de l’investissement dans les hedge funds. Pas pour les fonds de pension ou les family-offices milliardaires qui ont leur façon d’investir dans les hedge funds mais pour les 99% restants qui ont besoin de diversification. Les stratégies sur les contrats à terme (managed futures) représentent les stratégies idoines pour récolter les bénéfices de la diversification dans le nouveau monde dans lequel nous vivons. Comment pensez-vous que les gérants vont performer dans ce bear market? Nous nous retrouvons avec trois problèmes majeurs. Le resserrement des politiques monétaires va probablement durer quelques années car l’assouplissement des politiques monétaires a duré une décennie. Les années 2010 nous ont appris que les choses extrêmes deviennent encore plus extrêmes. Ensuite nous avons une guerre froide 2.0. Le conflit russo-ukrainien peut durer plusieurs années. Il est symptomatique d’un monde multi-pôles au sein duquel différents intérêts s’affrontent en usant de moyens différents. Le troisième problème est celui de la démondialisation.Aucune solution à court-terme ne semble émerger pour ces trois phénomènes et les hedge funds se demandent comment en tirer profit. L’opportunité que présente le marché actuel est que la macro demeure un vent contraire pour les actifs traditionnels, créant de fait une opportunité pour les gérants de mandats flexibles. Cependant, les marchés ne répondent parfois pas de la façon dont ils le devraient. Début 2021, quelques gérants ont averti du retour de l’inflation. Les managed futures représentaient alors la parfaite solution pour l’anticiper. Mais à l’époque, les investisseurs ont préféré acheter de l’or. Qui aurait pensé que l’inflation se situerait à 8% fin 2021 et que l’or serait baissier ? Une poignée de gérants de hedge funds comme Pierre Andurand écrasent le marché pendant que d’autres comme Tiger Global se font décapiter. Nous allons assister à une collecte nette spectaculaire dans les hedge funds de manière générale au cours des cinq prochaines années. En partie parce que cet argent ne viendra pas des fonds de pension qui investiront comme ils l’ont fait depuis 10 ans mais d’investisseurs qui n’ont jamais mis un orteil dans l’univers des hedge funds. Le portefeuille modèle 60-40 fonctionnait chaque année jusqu’à aujourd’hui. Ils étaient payés pour ne rien faire. Or, les pertes d’un portefeuille 60-40 pourraient durer plusieurs années et les impressionnants drawdowns observés depuis le début de l’année abaissent la barrière de l’allocation aux hedge funds. Pourrait-on voir davantage de hedge funds plonger en raison des rotations de facteurs de plus en plus rapides? Les rotations factorielles ont été violentes et tranchantes. Comme toujours, il y aura des gagnants et des perdants dans l’industrie des hedge funds. A l’automne 2020, les hedge funds se sont retirés des valeurs de croissance et ont acheté de la value. Tiger Global n’allait jamais dire à ses investisseurs qu’il allait sortir de la tech pour les cinq prochaines années et acheter de la value. Ainsi, certaines personnes sont prêtes à vivre et périr par l’épée. Ces trois dernières années ont montré que le risque lié à un gestionnaire unique est, à bien des égards, le plus difficile à gérer pour ceux qui allouent de l’argent aux fonds spéculatifs. Cela s’explique par le fait que la plupart des hedge funds ont, eux-mêmes, une très faible valeur de diversification. Les investisseurs procèdent actuellement à un réexamen d’ampleur sur la façon dont ils peuvent s’exposer aux hedge funds. Les outils qui fourniront l’exposition la plus efficace aux hedge funds différeront en fonction du type d’investisseur. Nous vivons un âge d’or de la fraude qui nous conduit vers un âge d’or de la régulation. Que pensez-vous des hedge funds qui prennent de gros paris dans les actifs illiquides? Nous avons déjà vu ça avant, en 2007. Un certain nombre de hedge funds avaient rempli leurs portefeuilles d’instruments financiers illiquides. Un hedge fund macro bien connu avait surpris ses investisseurs quand ils ont découvert que 35% du portefeuille était investi dans des obligations émergentes illiquides. Après l’introduction d’un mécanisme de plafonnement des rachats (gate) et la suspension du fonds, plusieurs investisseurs institutionnels et family offices ont juré qu’ils n’investiraient plus jamais dans les hedge funds illiquides. Et pourtant, cela arrive à nouveau. Certains des allocataires d’actifs les plus sophistiqués aux hedge funds fin 2019 étaient surexposés au crédit structuré. La classe d’actifs était extraordinairement attrayante à l’époque avec des taux d’intérêt bas, des taux de crédit structuré presque tout aussi bas, pas d’évaluation à la valeur du marché donc les rendements semblaient artificiellement lisses. C’était une fiction statistique mais une fiction alléchante que les investisseurs voulaient voir. Mars 2020 a montré que c’était une fiction. L’économie a ralenti, les portefeuilles de crédit structuré ont perdu 50% en un mois. Le plafonnement des rachats et les suspensions des fonds n’ont pas diminué l’appétit des institutionnels, plusieurs d’entre eux profitant de l’opportunité pour se renforcer sur la classe d’actifs. Plus récemment, les hedge funds orientés sur la technologie qui ont historiquement fait de l’argent grâce aux actions liquides détiennent désormais un grand pourcentage d’actifs illiquides en portefeuille. Leurs investisseurs vont s’apercevoir d’une réalité malheureuse. Celle que ces pools d’investissement privés vont rester dans leurs portefeuilles pour les dix prochaines années. La relation investisseur-gérant est bien plus symbiotique qu’elle ne l’a été dans la mesure où les allocataires d’actifs les plus professionnels attendent de leurs gérants qu’ils lissent les rendements. Les institutionnels font pression pour que la valorisation des portefeuilles illiquides ne soit pas revue à la baisse, même si la réalité économique est tout autre, afin qu’ils puissent dire à leurs comités d’investissement qu’ils ont perdu moins que le marché. Les valorisations des investissements en non-coté et dette privée seront revus à la baisse. La question est de savoir comment les investisseurs réagiront. La différence avec 2008, c’est qu’il y avait Madoff. Nous n’avons pas encore d’affaire similaire et je doute que nous découvrirons une pyramide de Ponzi chez un hedge fund. De quel côté êtes-vous dans la bataille opposant les hedge funds et la SEC sur la transparence des expositions? Il doit bien évidemment y avoir des publications. Je suis en faveur de la transparence pour réduire les risques de certaines catastrophes dans le marché que nous ne voyons pas encore aujourd’hui. Nous vivons un âge d’or de la fraude. Etant donné ce que nous voyons avec les Spac et les cryptos, cet âge d’or de la fraude nous conduit vers un âge d’or de la régulation. Ce qu’il se passe sur les cryptos est triste mais énervant. J’ai posé des questions que j’estimais légitimes sur les cryptos et j’ai été calomnié pour l’avoir fait. Les cryptos sont un aimant à fraudes. Des dizaines de milliards de dollars ont été volés. Quel futur voyez-vous aux hedge funds cryptos? Quelques gérants de hedge funds sérieux ont fait de gros paris sur cet univers mais il semble qu’ils n’y mettent qu’un orteil via leur propre hedge fund et y font un investissement personnel d’un point de vue infrastructure.Si vous pensiez que le private equity et les hedge funds étaient mauvais, en ce sens que tout le monde gagne de l’argent sauf les clients, regardez les cryptos. L’ESG est une forte tendance dans la gestion d’actifs. Comment verdir l’industrie des hedge funds? Cela dépend du gérant et de Ia stratégie. L’ESG est une merveilleuse idée en termes de concepts mais probablement horrible pour le plupart des stratégies de hedge funds. Personne n’a les mêmes critères ou la même définition de vert. L’ironie c’est qu’être anti-vert peut être dans certains cas l’opportunité qui rapporte le plus d’argent. Les sociétés pétrolières et gazières ont de bons résultats cette année. Dans les années 1990, l’un des meilleurs trades des hedge funds était les fabricants de cigarettes. L’une des choses les plus profondément positives pour les entreprises américaines au sortir des années 1980 était d’avoir un focus clair sur la maximisation de leurs profits. Dans les années 1980, quand le boom des leveraged buy-out (LBO) a commencé, l’idée qu’une société se focalise uniquement sur la maximisation de son profit était vue comme anti-sociale. Le contre-argument était qu’une firme n’allait jamais être aussi bonne en se focalisant sur cinq choses plutôt qu’une. Je crains que tous ces indicateurs à l’eau de rose ne rendent les entreprises mauvaises. J’ai peur que les gens ne s’habituent à ces métriques et les prennent pour acquis.
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