
Les fonds européens réticents à mettre l’IA en avant, selon l’Esma

L’industrie de la gestion d’actifs n’a pas attendu l’intelligence artificielle (IA) développée par Open AI, Chat GPT, pour tenter de tirer profit des opportunités de l’IA. Des fonds, notamment dans la gestion quantitative, se sont construits sur l’usage de l’IA, d’autres sur la thématique sans reposer sur des outils qui en sont issus pour autant.
Cependant, les fonds d’investissement européens ont plutôt tendance à ne pas mettre en avant l’utilisation d’outils dérivés de l’IA dans leur documentation. C’est l’une des conclusions d’un rapport du régulateur européen des marchés financiers Esma, publié mercredi 1er février et dressant un état des lieux des usages de l’IA dans les marchés financiers de l’Union européenne.
«Même si l’intérêt dans l’utilisation d’outils innovants basés sur l’IA est grandissant y compris dans les fonds d’investissement traditionnels, leur usage actuel semble toujours limité non seulement par des barrières technologiques et en termes de connaissances mais aussi par un feedback mitigé des clients», écrivent les rapporteurs Giulio Bagattini et Claudia Guagliano. L’IA n’est pas encore totalement acceptée dans la communauté des investisseurs.
La plupart évitent ce qu’ils perçoivent comme «une boîte noire», encore plus dans une ère où une transparence croissante des décisions d’investissement et de la provenance des rendements est requise. La difficulté d’expliquer les éventuels résultats négatifs ou certaines décisions d’un fonds articulé autour d’une IA peut rebuter les investisseurs.
Les rapporteurs suggèrent que le choix d’éviter les références à l’IA peut aussi s’expliquer par le fait que de nombreux fonds l’utilisent de façon extrêmement limitée dans le processus de décision. C’est-à-dire sans que son utilisation n’ait d’effet immédiat sur la stratégie ou la politique d’investissement du fonds.
Les fonds mettant en avant l’IA ne pèsent rien ou presque
Pour déterminer à quel point les fonds utilisent les outils basés sur l’IA et le machine learning comme argument marketing, les rapporteurs ont analysé 145.000 documents financiers (prospectus, rapports, documents d’investisseurs clé,…) de 22.000 fonds domiciliés dans l’UE. Ils ont aussi sondé les bases de données de Refinitiv Lipper et de Morningstar pour compléter leurs recherches. Au final, à fin septembre 2022, seulement 65 fonds européens, distribués par 40 sociétés de gestion, indiquaient explicitement utiliser l’IA ou le machine learning dans leurs stratégies d’investissement.
Sur ces 65 fonds, 35 avaient une référence directe à ces termes dans leur dénomination. Mais ils étaient en réalité un peu moins nombreux car 11 de ces fonds avaient déjà été liquidés, ont constaté les rapporteurs. Ainsi, sur les cinq dernières années, le nombre de fonds européens revendiquant l’usage de l’IA ou le machine learning a quintuplé pour atteindre 54 fonds à fin septembre 2022. Parmi eux, 29 étaient des fonds actions, 13 des fonds alternatifs, 10 des fonds multi-actifs auxquels s’ajoutaient un fonds obligataire et un autre investi en immobilier.
Giulio Bagattini et Claudia Guagliano en déduisent que le poids des fonds affirmant utiliser l’IA ou le machine learning dans leur documentation reste extrêmement limité en Europe. Ces fonds représentent 0,2% des fonds Ucits en Europe et 0,03% de leurs encours sous gestion.
Pas de grande différence dans les rendements
Les fonds utilisant l’IA et ses dérivés ont aussi connu plus d’épisodes de décollecte que les autres fonds européens ces derniers mois. Ils ont décollecté sur cinq des huit derniers trimestres considérés dans l’étude – entre le quatrième trimestre 2020 et le troisième trimestre 2022 – là où les autres fonds européens (plus de 22.000 fonds analysés) pris dans leur ensemble n’ont connu que deux trimestres de décollecte sur la période. L’étude montre aussi qu’ils ont davantage collecté ou moins décollecté que leurs pairs durant quatre de ces huit trimestres.
L’étude analyse également les rendements moyens des fonds revendiquant l’usage de l’IA ou du machine learning et des autres fonds. Sur trois ans, entre octobre 2019 et octobre 2022, le rendement moyen brut affiché est assez proche (0,30% pour les fonds IA contre 0,26% pour les autres fonds). Le coût moyen des deux catégories de fonds ne présente pas non plus de différence significative (1,33% pour les fonds IA et 1,43% pour les autres fonds).
«Par conséquent, nous n’avons pas pu trouver de preuves suggérant que l’IA permet de réduire les frais en contenant les coûts ou qu’elle est exploitée comme un argument de vente pour facturer des frais excessifs aux investisseurs. En principe, l’utilisation de l’IA et du machine learning dans la gestion des investissements offre la perspective de décisions d’investissement efficaces et le potentiel - si la technologie est appliquée à plus grande échelle - de réduire les frais d’exploitation des fonds au fil du temps. Toutefois, sur la base de nos conclusions concernant les fonds qui en font explicitement la promotion, il se peut que la technologie ne se soit pas encore traduite de manière cohérente par des résultats supérieurs pour les investisseurs des fonds», conclut le rapport de l’Esma.
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