ESG, le casse-tête des notations

Mariem Mhadhbi, cofondatrice et directrice générale de Valueco
Mariem Mhadhbi

Les sociétés cotées ne peuvent plus se contenter de maximiser les profits, mais doivent s’assurer que leurs opérations sont durables et rendre compte de leurs pratiques environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG). Les agences telles que Moody’s ou S&P notent les entreprises sur leurs pratiques ESG, chacune avec sa propre approche (Berg et al., 2022). Cette diversité n’est pas nuisible en soi. Les critiques proviennent du manque de transparence des méthodologies, des biais et des hypothèses qui sous-tendent les scores. Pour pallier l’opacité du marché et justifier leur engagement ESG, les investisseurs responsables développent des cadres d’analyse propriétaires qui correspondent à leur style d’investissement, à leurs convictions et à leur clientèle. Il en résulte, au-delà de la divergence des notations des agences, une diversité des opinions des investisseurs.

Il faut créer un flux systématique de données des investisseurs vers les émetteurs s’appuyant sur leurs scores ESG propriétaires internes

La communication entre les investisseurs et les émetteurs sur les enjeux ESG manque d’efficacité, de portée et de normalisation. Les investisseurs manquent de ressources pour maintenir un contact suffisant avec leurs portefeuilles et n’interagissent qu’avec une partie restreinte de leur univers d’investissement. Les émetteurs rencontrent, eux, des difficultés à évaluer l’opinion du marché sur leurs politiques et leurs performances extra-financières à cause de plusieurs obstacles : le grand nombre d’actionnaires à consulter, le manque de temps et de ressources pour échanger avec les actionnaires majeurs, des avis souvent divergents des quelques actionnaires accessibles, et enfin l’absence d’échanges approfondis avec les investisseurs absents de la table de capitalisation.

Les émetteurs manquent d’outils pour comprendre comment leurs pratiques RSE (responsabilité sociétale des entreprises) sont perçues par les investisseurs et quelles sont leurs attentes. Ils ne peuvent pas correctement piloter leurs opérations et leur stratégie de financement en prenant correctement en compte les enjeux ESG.

Il faut donc chercher à aligner valeurs et valorisations afin d’intégrer le capital social et humain de façon explicite dans les marchés financiers en créant un flux systématique de données des investisseurs vers les émetteurs s’appuyant sur leurs scores ESG propriétaires internes. De la même manière que les émetteurs consultent le prix de leur action et à combien traitent leurs obligations, ils doivent pouvoir évaluer comment le marché intègre leurs performances RSE. Il est intéressant aussi de fournir un benchmark des scores ESG propriétaires et non publics sur le marché pour que chacun connaisse les points sur lesquels il est perçu et se compare à ses pairs, et enfin, de bénéficier d'éléments d’amélioration et d’optimisation de stratégies RSE grâce à des analyses concurrentielles pour identifier les meilleures pratiques sectorielles.

Avec une vue de marché quantitative et systématique, les émetteurs peuvent comprendre comment ils sont perçus par les investisseurs, se comparer à leurs pairs et identifier leurs axes d’amélioration. L’investissement pourra ainsi jouer un rôle explicite et moteur dans la transition de l’économie vers des pratiques plus durables.

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