Un pilier essentiel de fiabilisation de l’information extra-financière pour les investisseurs

L’avis d’expert d’Antoine Pertriaux, responsable de la recherche, Adamantia
Antoine Pertriaux, responsable de la recherche, Adamantia
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Antoine Pertriaux, responsable de la recherche? Adamantia

Les critères extra-financiers prennent une place de plus en plus importante dans le processus de décision des investisseurs, qui ne se contentent plus seulement des indicateurs financiers traditionnels pour orienter leurs capitaux. Le dernier sondage du FIR (Forum pour l’investissement responsable) de 2022 note ainsi que 60 % des Français intègrent les impacts sociaux et environnementaux dans leurs choix de placements. Le caractère « durable » et « responsable » des investissements devient pour nombre d’entre eux une condition nécessaire, des particuliers jusqu’aux investisseurs institutionnels.

Pour répondre à cette demande, les gestionnaires d’actifs se sont massivement tournés vers le développement de fonds « verts ». En septembre 2022, les fonds classifiés articles 8 et 9 au sens de la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), c’est-à-dire faisant la promotion de caractéristiques ESG ou ayant un objectif d’impact positif ESG, représentaient ainsi 4.300 milliards d’euros d’actifs sous gestion (AUM) selon Morningstar, soit près de 39 % des AUM des fonds d’investissement en Europe continentale. Chacun avec leur propre définition de ce que revêt un investissement durable, faute de cadre réglementaire précis, et en s’appuyant sur des données ESG très souvent disparates et peu fiables, en dépit des efforts des fournisseurs de données, qui tentent de proposer des métriques exploitables. Ces données non normalisées et sujettes à l’interprétation constituent un véritable casse-tête pour les gérants ainsi que pour les investisseurs, qui s’interrogent – à juste titre – sur la véritable durabilité des investissements qui leur sont proposés. Un sentiment de défiance renforcé par plusieurs scandales de « greenwashing » qui ont éclaté ces derniers mois.

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), en étendant les exigences de la NFRD (Non Financial Reporting Directive) et en élargissant son périmètre d’application, apparaît dès lors comme une pièce maîtresse du dispositif législatif et réglementaire européen, à côté des réglementations SFDR et Taxonomie. En imposant à quelque 50.000 entreprises européennes (vs 11.700 avec la NFRD) la communication annuelle d’un reporting standardisé sur la durabilité de leurs activités, elle va permettre d’améliorer la disponibilité, la comparabilité et la qualité des données ESG. En outre, un apport primordial de la CSRD est l’introduction du principe de double matérialité, qui engage les entreprises à identifier à la fois les risques et impacts que représentent leurs activités sur l’environnement et la société, et la manière dont les enjeux de durabilité influent sur l’entreprise.

L’attente est forte pour l’ensemble des investisseurs, qui veulent disposer d’une information fiable pour orienter leurs flux financiers vers des investissements en lien avec leurs aspirations, et pour les institutionnels devant eux-mêmes répondre à leurs obligations de reporting ESG. Au-delà de la qualité des informations qui devront être mises à disposition par les émetteurs via le reporting CSRD, l’enjeu consistera à proposer une grille de lecture claire et intelligible, avec une divulgation sélective d’indicateurs clés, quantitatifs et standardisés, et accompagnés d’informations qualitatives permettant la bonne compréhension des données publiées. La majorité des investisseurs n’ont en effet pas les moyens ni le temps d’analyser en détail les politiques de durabilité de chaque émetteur, la crédibilité de son plan de transition énergétique et son alignement avec l’Accord de Paris notamment.

Cette tâche incombera principalement aux gestionnaires d’actifs, qui devront analyser les informations communiquées par les entreprises au-delà des indicateurs fournis, notamment sur leur approche face aux enjeux de durabilité et la mise en perspective par rapport au secteur d’activité concerné, et faire preuve de pédagogie auprès de leurs clients dans la restitution de ces informations.

Si le cadre proposé va clairement dans le bon sens, la CSRD à elle seule ne permettra pas de répondre à l’ensemble de ces enjeux, et des questions restent en suspens : les entreprises non cotées, pour lesquelles le reporting reste facultatif, vont-elles tout de même réaliser cet exercice en vue d’attirer les investisseurs ? Qu’en est-il des entreprises non européennes, qui ne sont de fait pas soumises à la CSRD ? Quid de la nécessaire convergence internationale ou interopérabilité avec les autres normes en cours d’élaboration dans les différentes régions ? Il sera en effet essentiel de disposer d’un cadre de référence commun afin d’harmoniser les pratiques à l’échelle mondiale.

La tant attendue CSRD contribuera, à terme, à fiabiliser les données ESG, à donner plus de transparence, et ainsi à renforcer la crédibilité des approches et analyses proposées par les gestionnaires d’actifs à leurs clients sur les investissements durables. Mais le chemin est encore long et les investisseurs devront encore, un temps, composer avec une multitude d’informations extra-financières complexes à appréhender et non homogènes, pour choisir les produits d’investissements qui leur correspondent véritablement.

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