Les règles de l’information extra-financière préoccupent les commissaires aux comptes

Certains professionnels estiment que des dispositions envisagées par le Parlement européen dans le cadre de la réglementation CSRD complexifient à l’excès le reporting non financier.
Frédérique Garrouste

Clé de voûte de l’information extra-financière, le reporting des entreprises en matière de durabilité fait l’objet d’intenses débats dans le cadre du trilogue européen. Le texte de la directive CSRD (Corporate sustainability reporting) doit être finalisé ce semestre. Or les dispositifs, au fil des discussions, ont intégré des éléments qui soulèvent des inquiétudes chez les commissaires aux comptes (CAC).

Première alarme, «le Parlement européen souhaite étendre l’obligation de reporting aux filiales des groupes, ce qui n’était pas prévu dans le texte initial. Cette contrainte va augmenter les coûts de préparation des reportings et d’audit», prévient Sylvain Lambert, associé chez PwC France et Maghreb. En outre, la disposition irait à rebours des évolutions récentes. «Une telle obligation était comprise dans la loi Grenelle française sur le reporting extra financier or elle a été supprimée par la réglementation européenne de 2018, rappelle Sylvain Lambert. Une telle mesure irait aussi à l’encontre de ce qui se passe sur le reporting financier où les entreprises doivent fournir un reporting au niveau du groupe consolidé seulement, sans sous-consolidation».

Le cumul des mandats, pomme de discorde

Les CAC sont particulièrement sensibles à un amendement présenté par le rapport du Parlement, Pascal Durand, et proposant d’interdire le cumul des fonctions d’auditeur des comptes financiers et du rapport extra-financier, au nom de l’ouverture du marché à d’autres prestataires. «Cette interdiction de faire auditer données financières et extra-financières par le même acteur nous semble contre-productive, elle va créer de la complexité et des charges supplémentaires pour les entreprises, estime Cédric Haaser, associé chez PwC France et Maghreb. En outre, elle n’est pas conforme à l’esprit de la CSRD qui pousse pour une convergence entre l’information financière et celle sur la durabilité. Y compris en confiant sa supervision au comité d’audit qui examinera désormais l’ensemble de ces informations financières et non financières et sera responsable d’en garantir la cohérence, les utilisateurs étant les mêmes. »

Dans les trois pays d’Europe, la France, l’Italie et l’Espagne, qui ont prévu l’obligation de faire auditer l’information extra-financière par un organisme tiers indépendant (OTI), c’est souvent le CAC chargé des comptes financiers qui effectue le contrôle extra-financier. La fédération des entreprises allemandes s’est également émue de cette interdiction de cumul, pouvant conduire à des rapports divergents.

L’issue des discussions est d’autant plus attendue que la mise en œuvre est proche, même s’il semblerait d’ores et déjà acquis que la CSRD ne sera appliquée qu’en 2024 et non en 2023 comme prévu au départ. «Les entreprises devront néanmoins répondre de ces obligations dès le 1er janvier 2023, puisque le premier rapport officiel concernera l’exercice 2023, rappelle Carole Cherrier, co-présidente du groupe de travail reporting non financier à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Durant cette période de transition, la Non Financial Reporting Directive [qui date de 2014, ndlr], restera le texte de référence. Pour les entreprises de moindre taille, les obligations de reporting s’imposeront dès 2026

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