
Les gestions se coalisent pour assouplir le dépôt de résolutions d’actionnaires
A la veille de la saison 2023 des assemblée générales, les gestions s’unissent pour demander un assouplissement des règles de dépôt et d’inscription à l’ordre du jour des résolutions d’actionnaires. Une quinzaine de gestions, menées par Phitrust et CIAM, et conseillées par l’avocate Sophie Vermeille, demandent une adaptation de la réglementation française dans un objectif d’harmonisation des règles dans l’Union européenne. Dès novembre, Edmond de Rothschild AM et Proxinvest avaient dévoilé à L’Agefi leurs attentes. La montée en puissance des sujets climatiques et l’apparition des say-on-climate ont incité les gestions à déposer leurs propres résolutions climatiques. Le refus l’an dernier de TotalEnergies d’inscrire à l’ordre du jour une résolution environnementale déposée par une coalition d’investisseurs, a mis le feu aux poudres et provoqué cette action concertée des gestions. «Notre objectif est d’améliorer le dialogue entre les émetteurs et les actionnaires, explique Denis Branche, directeur général délégué de Phitrust. Le dépôt d’une résolution n’est que le constat d’échec de ce dialogue». D’ailleurs, «nous sommes des actionnaires éduqués avec des droits que nous exerçons et non des activistes, rappelle Catherine Berjal, présidente du fonds Ciam. Les corporates sont ravis d’avoir à leur capital des fonds passifs, mais ces derniers finissent par avoir des exigences de notation ESG qui vont leur poser des problèmes». Donner de la souplesse au système Les signataires demandent notamment de réduire les seuils de détention de capital pour déposer un projet de résolution (aujourd’hui un minimum de 0,50% du capital est exigé), d’allonger les délais de dépôt de résolution. «Nous voulons donner plus de souplesse au système, poursuit Denis Branche. Allonger les délais de dépôt de résolution serait un grand progrès. Il permettrait aux minoritaires de travailler le projet plus en profondeur en dialogue avec la société, avec la possibilité de renoncer à déposer une résolution si le dialogue avance, comme nous avions fait avec TotalEnergies en 2020». Surtout, les gestions demandent de «clarifier et restreindre les pouvoirs de l’instance d’administration de rejeter les projets de résolution déposés par les actionnaires». Comment? En autorisant par principe cette inscription. Les projets de résolution à caractère consultatif devraient même être inscrits automatiquement. Si la société refuse d’inscrire à l’ordre du jour une résolution contraignante, elle devrait automatiquement l’inscrire comme résolution consultative. Un refus devrait être motivé aux déposants dans un «bref délai». De plus, la société devra indiquer en amont de l’AG si elle a rejeté des résolutions externes et pourquoi. L’AMF garante de la transparence Les gérants demandent aussi de «consacrer le rôle de l’AMF comme autorité en charge du contrôle de la bonne communication au marché des projets de résolutions soumis par les actionnaires de sociétés cotées et des motifs qui y sont annexés». Contactée par L’Agefi,l’AMF«examine la proposition». Dès 2020, dans son rapport sur le gouvernement d’entreprise, le régulateur estimait qu’en matière de say-on-climate une « clarification de l’état du droit, le cas échéant par voie législative, pourrait apporter un surcroît de sécurité juridique en la matière, aussi bien aux émetteurs qu’aux actionnaires, qui devraient pouvoir faire valoir leur point de vue sur ces sujets ESG». L’AMF «doit rester dans son rôle, insiste Catherine Berjal. Aujourd’hui, quand nous voulons informer les autres actionnaires d’un dépôt de résolution externe, ils ont souvent déjà voté... S’ils ont la résolution en amont, ils pourront se prononcer en connaissance de cause et ne pas donner leur pouvoir au président. L’AMF permettra d’améliorer la transparence du marché». Pour sa part, Bercy précise à L’Agefi que «le gouvernement est attaché au renforcement du dialogue entre actionnaires et management des grandes entreprises. Ce dialogue peut aussi contribuer à la mise en transition de certaines entreprises». Bercy étudiera cette proposition, comme le rapport du HCJP sur le say-on-climate attendu dans les toutprochains jours. Ces propositions pourraient faire partie de la loi de réindustrialisation verte, attendue autour de l’été 2023. Les actionnaires commencent à se réveiller D’autres gestions pourraient apporter leur soutien. Pour l’heure, l’AFG se refuse à tout commentaire. Si de nombreuses gestions y sont favorables, les plus importantes, filiales de grandes banques, sont souvent en conflit d’intérêt, ayant pour clients les émetteurs dans le cadre de leurs opérations financières. La signature de l’Af2i pourrait inciter l’AFG à apporter la sienne. «Les sociétés de gestion veulent être entendues et la plupart de celles que nous avons contactées ont signé immédiatement, confie Catherine Berjal. Quand une entreprise refuse de prendre en compte le risque climatique, nous devons intervenir. Ces sociétés auraient tout intérêt à écouter leurs actionnaires». A défaut de dialogue concluant, «si les entreprises n’acceptent pas des résolutions externes, alors même que les délais et le taux de détention sont respectés, nous voterons contre ses membres en renouvellement, prévient Catherine Berjal. Les actionnaires commencent à se réveiller. Les émetteurs doivent en prendre conscience». Les gestions veulent aussi faciliter les recours devant le tribunal de commerce en cas de refus d’inscription à l’ordre du jour de l’AG de la résolution externe. Notamment en permettant la saisine par un seul actionnaire en cas de dépôt par une coalition d’actionnaires, et en assignant la société et non les administrateurs.
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