
Les fonds alternatifs décrochent la palme

Une loi catalogue. Publiée au Journal officiel le 23 mai, la loi Pacte offre une foultitude de nouveautés, de la privatisation d’Aéroports de Paris à la possibilité de créer une entreprise 100 % en ligne, en passant par la promotion explicite des produits d’épargne retraite. Ce que l’on sait moins, c’est que cette loi porte sur les fonts baptismaux de nombreuses dispositions favorables aux fonds d’investissement alternatifs (FIA). Les véhicules de capital-investissement devenant sans conteste les grands gagnants du nouveau cadre légal.
Dans la course à la démocratisation de l’accès au private equity, la loi Pacte joue à plein la carte de l’assurance-vie. « Le dispositif élargit à 30 % la quote-part du non-coté dans les contrats en unités de compte, contre 10 % actuellement », soulève Grégoire Sentilhes, président et fondateur de NextStage AM. Autre nouveauté, elle crée une enveloppe, l’OPCR (organisme de capital-risque de proximité). « Il s’agit d’un produit équivalent aux OPCI (Organisme de placement collectif immobilier) pour l’immobilier, compare-t-il. Accessible au grand public, il cumule les avantages de la liquidité offerte par un fonds ouvert et le rendement significatif des titres non cotés », détaille-t-il. Fonds de fonds dans sa construction, un volet de son allocation serait dédié à des sous-jacents liquides (obligations, monétaire…). Une nouveauté que les assureurs regardent avec attention. Du côté d’Axa France, on se déclare « plutôt convaincu par la création de l’OPCR, qui permet de rendre liquides les investissements en ‘private equity’, et de séduire ainsi un public large ».
Ce n’est pas tout. « Un nouvel article, L. 131-1-1, intégré au Code des assurances, rend éligibles les FIA ouverts aux professionnels aux unités de compte. Désormais, FPVG (Fonds professionnels à vocation générale), OPPCI (Organisme de placement professionnel collectif immobilier), FPS (Fonds professionnels spécialisés), SLP (Société de libre partenariat) et FPCI (Fonds professionnel de capital investissement) professionnels pourront être logés aux côtés de parts de SCPI (Société civile de placement immobilier), OPCI, mais aussi de FCPR (Fonds commun de placement à risque), FIP (Fonds d’investissement de proximité) et FCPI (Fonds communs de placement pour l’innovation) déjà présents dans les multisupports », énumère Audrey Hyvernat, directrice capital-investissement au sein de l’AFG. Si de nombreux gestionnaires exultent, l’accès au grand public leur étant facilité par la voie de l’assurance-vie, des désillusions pourraient émerger. « Malgré une accroche législative très large, seuls les FPCI pourraient être concernés par cette éligibilité, poursuit-elle. Nous nous mobilisons pour que les décrets reprennent le périmètre initial. »
Paiement en titres assoupli
Certes, l’intégration du non-coté dans l’assurance-vie n’est pas nouvelle. La loi Macron pour « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » (6 août 2016), défendue par le ministre de l’Economie de l’époque Emmanuel Macron, rendait possible l’intégration de véhicules de private equity au sein de contrats vie en offrant le choix au souscripteur de percevoir, en cas de rachat, non pas des capitaux, mais des titres d’entreprises ou des parts de FCPR logés dans son contrat. BNP Paribas Cardif avec Idinvest, Axa France au côté de Nexstage, CNP Assurances avec Ardian… s’étaient saisis de cette opportunité pour enrichir leur offre. « En réalité, la montagne avait accouché d’une souris, concède Dominique Gaillard, cofondateur d’Ardian et président de France Invest. L’ensemble des encours rassemblés par les fonds non cotés via l’assurance-vie n’excède pas 200 millions d’euros. Le capital-investissement est sans aucun doute plus difficile à vendre auprès du grand public que des produits standardisés. » Une raison au moins à une commercialisation peu fluide : une liquidité quasi inexistante. Pour autant, la loi Macron avait facilité les choses en offrant le choix, et permis à l’assureur de ne pas organiser une liquidité dans tous les cas (avec la livraison des titres). La loi Pacte va plus loin. « Jusqu’à présent, il n’était pas possible de s’assurer réellement que le bénéficiaire accepterait la livraison en titres au dénouement du contrat. Il s’agit désormais d’une présomption de la loi Pacte, décrypte Jérôme Sutour, avocat associé, responsable services financiers chez CMS Francis Lefebvre. La loi Pacte prévoit en effet que le bénéficiaire est présumé accepter le paiement en titres si le souscripteur l’a accepté précédemment dans le cadre de rachats. » L’option sera en quelque sorte appliquée « par défaut ». Et l’assureur, plus fréquemment « libéré » de l’obligation d’organiser la liquidité. « Se pose néanmoins la question du passif du fonds de private equity, poursuit l’avocat. Si un gestionnaire accepte facilement qu’un assureur puisse être porteur de ses parts, qu’en sera-t-il en cas de personnes physiques, réputées moins aguerries ? » La question reste entière.
Au-delà de l’assurance-vie, voie royale vers l’épargne des Français, l’épargne salariale. La diffusion du non-coté passera également par la mise en place de FCPE (fonds commun de placement entreprises) « thématiques ». « La loi prévoit de rehausser à 30 % le ratio alloué au capital-investissement, aujourd’hui fixé à 10 % », rappelle Grégoire Sentilhes. Une aubaine pour les gestionnaires. Autre mesure phare, particulièrement porteuse pour le private equity, l’article 73, qui élargit le champ des actifs éligibles au FCPR. Un FPCR pourra investir 20 % au sein du quota juridique de 50 %, en titres de créance (c’est-à-dire en obligations simples) émis par des sociétés non cotées « et comprend désormais une poche de liquidités de 5 % minimum pour faire face aux demandes de rachats par les porteurs », fait valoir Dominique Gaillard. Enfin, les FPCI seront éligibles au PEA PME. Le non-coté s’impose comme une catégorie de FIA particulièrement choyée par la loi ; de quoi faire pâlir les fonds immobiliers, fraîchement retoqués par le Conseil constitutionnel dans leur demande d’extension d’actifs éligibles aux SCPI.

Cryptoactifs et FIA
Agréés par l’Autorité des marchés financiers (AMF), les FPS (fonds professionnel spécialisés) sont des fonds d’investissement alternatif (FIA) qui présentent la particularité d’avoir une allocation d’actifs très diversifiée. Avec la loi Pacte, « les actifs numériques seront désormais éligibles au FPS, soulève Thomas Valli, directeur des études économiques au sein de l’AFG. Ce véhicule n’est pas contraint dans le type de sous-jacent qui y est logé. En revanche, les critères d’éligibilité de l’actif doivent satisfaire à une inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé. En particulier, la reconnaissance de la propriété du sous-jacent et sa transmission doivent être possibles via la blockchain. » Un autre FIA pourra investir dans des actifs numériques : le FPCI, jusqu’à 20 % de ses encours.
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