Les agences de notation pourront aussi être poursuivies en Europe

En vertu du règlement CRA 3, investisseurs et émetteurs peuvent les attaquer si elles n’ont pas respecté leurs obligations européennes
Solenn Poullennec

Attaquée aux Etats-Unis, S&P pourra aussi l’être à l’avenir en Europe. Mais pas pour des faits remontant à la crise des subprimes. Le règlement européen (CRA 3) qui a été adopté en janvier instaure en effet une responsabilité civile pour les agences de notation. Il prévoit qu’un investisseur ou un émetteur peut poursuivre l’une d’elles si elle n’a pas respecté ses obligations en Europe.

«Psychologiquement c’est important parce qu’il n’y avait pas de texte sur la responsabilité dans le règlement de 2009 même modifié en 2011», explique Thierry Bonneau, professeur de droit à Paris 2. Il souligne cependant que le texte est «restrictif: on ne vise qu’une faute intentionnelle ou une négligence grave». Qui plus est, c’est à l’émetteur ou à l’investisseur d’apporter des éléments détaillés prouvant que l’agence a enfreint les règles européennes. «Ce qui faciliterait la mise en œuvre de ce type d’actions, c’est d’instaurer toute une série de présomptions ou de permettre au juge de déduire certains faits fautifs à partir d’un faisceau d’indices», avance Thierry Bonneau.

Attaquer au civil est «assez compliqué parce qu’il faut démontrer qu’il y a une faute, un préjudice et un lien de causalité», rappelle Jean-Guillaume de Tocqueville, chez Gide, Loyrette, Nouel. Cependant, il juge que le règlement «facilite l’établissement de la preuve». Car une fois qu’un plaignant apporte des éléments sur une faute ou une négligence, c’est à l’agence de se défendre. Et la législation communautaire recommande de tenir compte des difficultés d’accès à l’information des investisseurs et émetteurs. L’avocat précise que CRA 3 renvoie en partie au droit national, soit, en France, à la loi de régulation bancaire et financière. Le régime de responsabilité qu’elle instaure n’est pas seulement limité aux négligences graves et/ou fautes intentionnelles. En revanche, il ne facilite pas l’établissement de la preuve.

Hubert de Vauplane, avocat associé chez Kramer Levin, considère aussi que CRA 3 facilite l'établissement de la preuve. Cependant, «les mises en cause ne vont pas augmenter car les agences ont profondément changé leur mode de fonctionnement grâce aux derniers règlements», explique-t-il. A ses yeux, «il y aura plus d’enquêtes de l’Esma». Les agences sont en effet responsables administrativement devant l’Autorité européenne des marchés. «On peut penser que les violations intentionnelles ou graves ne seront pas très fréquentes», abonde Jean-Guillaume de Tocqueville.

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