
Le sommet sur le plastique s’achève sans accord

La lutte contre la pollution plastique attendra. Elle doit en principe aboutir à un traité international juridiquement contraignant sur les plastiques avant la fin 2024. Après avoir défini l’objectif qui pourrait être aussi ambitieux que l’accord de Paris sur le climat, les États, sous l’égide des Nations unies, sont rentrés dans les phases difficiles de négociation. Du lundi 29 mai à vendredi 2 juin, Paris accueillait la deuxième des cinq séances des négociations prévues, réunissant 175 États. Mais au terme de cinq jours d’intenses discussions, les délégations se sont séparées dans la nuit de vendredi à samedi sans accord engageant à ce stade, tout en préservant les conditions d’une prolongation des échanges dans les prochains mois et d’un futur accord.
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Intenses négociations
Pendant les deux premiers jours, les discussions ont été houleuses. Les pays producteurs de pétrole (Arabie saoudite, Russie, etc.), mais aussi la Chine, ont cherché à bloquer les débats en réclamant le consensus - en pratique l’unanimité - sur toutes les décisions. Mais le principe d’un vote final sur un texte de traité a finalement été conservé. Les groupes de travail ont pu se pencher sur la définition des termes et des objectifs à atteindre. Les termes du débat définis dans un «projet zéro» (draft) pourront permettre de poursuivre les discussions en novembre au Kenya, qui ouvrira un nouveau cycle de négociations.
Ce projet zéro, qui deviendrait à terme un traité juridiquement contraignant sur les plastiques, devrait présenter les diverses options formulées après avoir entendu les positions des différents pays. Les délégations ont également décidé de travailler sur des questions comme le champ d’application du texte.
Pour les ONG, il était essentiel que les discussions couvrent le cycle de vie du plastique. «Le recyclage seul ne peut répondre à l’envergure des enjeux, d’autant que le recyclage chimique est aussi devenu une nouvelle activité florissante pour les industriels. Les États doivent pouvoir agir en priorité sur la réduction de la production, la limitation des nouvelles installations de pétrochimie, l’interdiction de certains plastiques très néfastes, etc. Le plus important est aujourd’hui de couper le robinet à la source», défend Juliette Franquet, directrice de Zero Waste France.
Vers un triplement de la production d’ici à 2060
Le plastique, bon marché et aux multiples emplois, produit miracle pour l’industrie, est devenu un fléau pour l’environnement. Selon l’OCDE, la production a plus que doublé en vingt ans pour atteindre 460 millions de tonnes et devrait tripler d’ici à 2060, sans décisions politiques. Un Européen produit en moyenne 114 kilos de déchets par an et un Américain près du double. Dans les pays de l’OCDE, 22% des déchets ne sont pas gérés et finissent dans la nature, 50% sont enfouis, 19% incinérés et 9% recyclés. Environ 14 millions de tonnes viennent polluer les océans et son écosystème, selon le programme des Nations unies pour l’environnement.
Les États réunis à Paris ont également réfléchi aux modes de financement pour lutter contre la pollution. Plusieurs pistes sont explorées, celle d’un fonds dédié, de redevances sur les producteurs, de taxes, ou encore de crédit plastique à l’image des crédits carbone. «Pour l’heure, le système existant en France de filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), où les producteurs sont responsables de la pollution, n’a pas montré des résultats satisfaisants. Les éco-organismes, chargés de récolter des contributions, sont gérés par les professionnels eux-mêmes et ne sont pas assez incitatifs pour les secteurs», juge Juliette Franquet.
En novembre 2022, la Commission européenne a fait de nouvelles propositions législatives pour réduire les déchets d’emballage de 15% d’ici à 2040 par État membre et par habitant, par rapport à 2018. Tous les emballages devraient être recyclables en 2030, contre 65% aujourd’hui.
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Munich - Acheter une voiture chinoise sur les Terres de Volkswagen, BMW et Mercedes? «Et pourquoi pas?», sourit la designeuse allemande Tayo Osobu, 59 ans, déambulant dans la vieille ville de Munich, devenue vitrine géante du salon automobile. Venue de Francfort, elle découvre les plus de 700 exposants, dont 14 constructeurs chinois contre 10 européens, qui tentent de séduire le public avec des modèles high-tech dans toutes les gammes de prix. Sur la Ludwigstrasse, deux mondes se font face. D’un côté, le géant chinois BYD, dont les ventes en Europe ont bondi de 250% au premier semestre, expose ses modèles phares, dont l’un, une citadine électrique, se vend à partir de 20.000 euros. De l’autre, Volkswagen, numéro 1 européen en crise, tente de défendre son territoire malgré la chute des livraisons et un plan social historique. Tayo est impressionnée par les finitions des coutures à l’intérieur d’une voiture BYD. Sur la sécurité, aucun doute: «si elles sont vendues ici, c’est qu’elles respectent les normes européennes», répond-t-elle sans hésiter. Qualité au «même niveau» Les marques chinoises maîtrisent une grande partie de leur chaîne de valeur, des batteries électriques aux logiciels embarqués. De plus, elles bénéficient d’une main d'œuvre moins chère et d’économies d'échelle grâce au marché chinois gigantesque. Et fini la réputation de la mauvaise qualité. «Ce qui a changé en cinq ans, c’est qu'à prix inférieur, les Chinois sont désormais au même niveau sur la technologie et la qualité à bien des égards», résume l’expert du secteur Stefan Bratzel. Pour contenir cette offensive, la Commission européenne a ajouté l’an dernier une surtaxe pouvant atteindre 35% sur certaines marques chinoises, en plus des 10% de droits de douane existants. Objectifs visés: protéger l’emploi sur le Vieux continent, limiter la dépendance technologique et préserver l’image des constructeurs européens. Mais BYD contournera bientôt la mesure: sa première usine européenne en Hongrie doit démarrer sa production dès cet hiver. Il est encore «trop tôt» pour parler d’invasion, estime M. Bratzel. Les marques chinoises doivent encore établir «une relation de confiance» avec le public européen, développer des réseaux de concessionnaires et de service après-vente, explique-t-il. Des acheteurs potentiels le disent aussi: «Si on conduit une voiture chinoise, dans quel garage va-t-on en cas de problème?», s’interroge Pamina Lohrmann, allemande de 22 ans, devant le stand Volkswagen où est exposé un ancien modèle de l’iconique Polo. «J’ai grandi avec les marques allemandes, elles me parlent plus», confie cette jeune propriétaire d’une Opel décapotable, dont la famille roule plutôt en «BMW, Porsche ou Mercedes». «Image de marque» L’image des véhicules reste un point faible, mais déjà une certaine clientèle, jeune et technophile, se montre plus ouverte. Cette dernière est convoitée par la marque premium XPeng, lancée en Chine en 2014 : «Nous visons la première vague d’enthousiastes de la technologie», explique son président Brian Gu sur le salon. Loin de baisser les bras, les constructeurs allemands continuent de «renforcer leur image de marque européenne» avec «un héritage» échappant encore aux entrants chinois, explique Matthias Schmidt, un autre expert. Volkswagen a ainsi rebaptisé son futur modèle électrique d’entrée de gamme «ID.Polo», attendu en 2026 autour de 25.000 euros, pour capitaliser sur la notoriété de sa citadine. Et les Européens imitent les Chinois sur l’intégration du numérique, comme le nouveau système d’affichage par projecteur de BMW, et dans la course à la recharge rapide. Ils adoptent aussi les batteries lithium-fer-phosphate (LFP), moins coûteuses, et intègrent de plus en plus de pièces standards chinoises, afin de réduire les coûts et de combler l'écart technologique, note M. Schmidt. «Ce qui compte, c’est que les fonctionnalités et le prix soient convaincants», note Martin Koppenborg, consultant automobile de 65 ans, bravant la pluie sur un stand de BYD, visiblement séduit. Léa PERNELLE © Agence France-Presse