Le FIR se retire du comité de promotion du Label ISR

Ce départ très symbolique intervient alors que le nouveau référentiel du label doit être présenté le 18 avril.
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Un nouveau comité avait été installé en 2022 pour transformer le label ISR  - 

Le Label ISR est sous pression. Critiquée par plusieurs associations, et par certains spécialistes du secteur, la politique de refonte de l’outil de promotion des fonds ISR développé par le ministère de l’Économie est désormais désavouée par l’un de ses principaux partenaires.

Le Forum pour l’investissement responsable (FIR), une association reconnue par le monde de l’investissement durable, a annoncé ce 29 mars se mettre en retrait du comité de promotion du Label ISR, un sous-comité rattaché au comité du Label ISR. «Tant qu’on ne sait pas à quoi va ressembler le prochain Label ISR, nous nous mettons en retrait de sa promotion», nous explique Grégoire Cousté, délégué général et secrétaire général du FIR.

Une défiance qui interpelle. Le FIR est pourtant un partenaire de longue date. C’est même lui qui avait accueilli l’annonce de la création du label par Michel Sapin en 2015 lors de sa semaine de l’ISR. Il a ensuite régulièrement participé aux consultations et groupes de travail.

Le comité du Label ISR a réagi dans la journée en déclarant prendre acte, regretter et s’étonner de la mise en retrait du FIR de son sous-comité de promotion et de gestion. «Le FIR a utilement contribué à l’un des six groupes de travail mis en place pour œuvrer à la refonte du Label ISR, mais ne dispose pas à date de la vision globale des révisions proposées et des décisions du comité», indique le comité dans un communiqué. Il promet que le futur cahier des charges intégrera «des critères spécifiques sur le volet climat, en cohérence avec les objectifs de transition juste».

Un label perçu comme laxiste et illisible

Le comité du Label ISR travaille depuis deux ans à une refonte des critères de labellisation, à la demande de Bruno Le Maire. L’objectif du gouvernement est de rendre ce tampon public plus crédible et pertinent. Car celui-ci est souvent taxé d’illisibilité et de laxisme par ses détracteurs, tant associatifs que par une petite partie de la gestion d’actifs. Une nouvelle version du référentiel doit être présentée le 18 avril prochain. Une consultation doit s’ensuivre, avant un dernier arbitrage par Bercy à l’été.

Le label est aujourd’hui attribué de manière uniforme à plus de mille fonds, que ce soit dans le monétaire, l’obligataire ou les actions. Or, les différentes classes d’actifs n’ont pas les mêmes leviers d’action et de responsabilité pour transformer les entreprises. Pour le rendre plus lisible, certains acteurs consultés par le Label ISR voulaient mettre en place un système de gradation, comparable aux étiquettes de classe d’énergie des machines à laver ou des logements. «Il n’y a pas eu de groupe de travail sur la gradation, ça nous a étonnés », regrette Grégoire Cousté.

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Concernant les exigences, le cahier des charges n’exclut pas les secteurs les plus polluants. Le label fonctionne sur l’approche best-in-class, et interdit d’investir dans les 20% plus mauvais émetteurs d’un univers. Il est donc possible pour certains fonds ISR d’investir dans une entreprise comme TotalEnergies, ce qui «peut entrainer des biais cognitifs chez un investisseur particulier», souligne Grégoire Cousté.

Pour justifier son retrait, le FIR rappelle donc qu’il voulait la mise en place d’une gradation, l’introduction d’exclusions significatives, la fixation de seuils minimaux d’exigence liés à l’accord de Paris, la pluralité de stratégies d’investissement au-delà du best in class. «Constatant, à ce stade, une orientation des travaux éloignée de ses recommandations, le FIR a décidé de se mettre en retrait du sous-comité dédié à la promotion du label. Il reprendra volontiers ce rôle, si la nouvelle version du label répond aux niveaux d’exigence que sont en droit d’attendre les épargnants», déclare-t-il dans un communiqué.

Le retrait du FIR, un «signal inquiétant» pour Reclaim Finance

Cette critique rejoint celle de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, qui a récemment publié une étude au vitriol sur les fonds ISR en France. «Le label ISR ne dispose pas de critères de sélection exigeants. L’obtention du label repose uniquement sur des choix discrétionnaires de la SGP : les grilles de notation ESG qu’elle utilise et le choix de l’univers d’investissement initial. Par exemple, en choisissant un univers large, il sera plus aisé d’exclure les plus mauvais émetteurs sans que cela démontre une démarche de gestion ambitieuse», a-t-elle déclaré dans son communiqué de presse. L’association a reçu dans la foulée le soutien de Philippe Zaouati, président-fondateur de Mirova AM, qui a déclaré sur LinkedIn que cette position sur le Label ISR est «tout à fait similaire à celle qu[‘il] défend depuis plusieurs années».

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Interrogée sur la sortie du FIR du comité de promotion du Label ISR, l’association Reclaim Finance a déclaré qu’il s’agissait d’un «signal inquiétant sur les possibles débouchés de cette révision». Elle craint pour sa part que le label ne limite les exclusions au secteur du charbon, sans y intégrer les entreprises du pétrole et du gaz. Elle aimerait par ailleurs que les entreprises en portefeuille puissent prouver qu’elles ont un plan de décarbonation crédible en ligne avec l’accord de Paris. Si la nouvelle mouture s’avérait décevante, cela pourrait entraîner des «répercussions sur le long terme. Le Label ISR est un outil structurant, et cela fait longtemps que le débat de sa refondation est ouvert», nous a confié Antoine Laurent, le responsable plaidoyer France de Reclaim Finance. Les prochains pas du comité du Label ISR seront, sans aucun doute, largement commentés.

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