L’AMF veut renforcer son rôle répressif

Le gendarme boursier entend laisser au pénal les seuls abus de marché les plus graves.
Bruno de Roulhac

L’AMF compte bien profiter de la réforme annoncée du système répressif français pour renforcer ses pouvoirs et garder la main face au Parquet financier. Avec la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, jugeant non conforme le cumul des poursuites en matière de manquement (administratif) ou délit (pénal) d’initiés, une nouvelle législation devra être applicable avant le 1er septembre 2016. Au regard de ce calendrier serré, le régulateur boursier vient de dévoiler ses propositions au gouvernement.

Pour promouvoir son système propre, l’AMF met en avant la rapidité et l’efficacité de la sanction administrative face à la lenteur et à la faiblesse des sanctions pénales. Avec des chiffres à l’appui. Pour les dix plus importants dossiers d’abus de marché (information privilégiée, manipulation de cours et fausse information) instruits depuis 2004, le délai moyen de la procédure a été de plus de trois ans devant l’AMF et de six ans et demi au pénal.

Et en dix ans, le gendarme boursier a prononcé 117 millions d’euros d’amende, contre 2,9 millions au pénal et aucune peine de prison ferme. Quant au cumul des poursuites, administratives et pénales, désormais interdit pour les mêmes faits, il n’a concerné que 17 dossiers depuis 2004.

Dans son rapport, le groupe de travail de l’AMF propose de réserver la voie pénale aux abus de marché les plus graves, et de conserver la voie administrative pour tous les autres abus. La loi poserait l’interdiction du cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives en matière d’abus de marché, puis fixerait des critères objectifs permettant de réserver le pénal aux affaires les plus graves. L’infraction générale suivrait la définition européenne de l’abus de marché et serait traitée par l’AMF. Seule l’infraction aggravée relèverait du pénal.

D’une part, le rapport propose de définir des seuils en valeur absolue de bénéfice réalisé ou de perte évitée, sans toutefois les chiffrer à ce stade. D’autre part, l’AMF invite à prendre en compte la gravité de l’atteinte au bon fonctionnement du marché, par exemple l’impact sur le cours de Bourse pour une manipulation de marché. De plus, la voie pénale serait automatique en cas de récidive dans les dix ans, et pour les faits d’initiés en bande organisée.

Pour aiguiller les dossiers sur la bonne voie, après l’enquête préliminaire, une concertation obligatoire de deux mois entre le parquet national financier et l’AMF aurait lieu avant l’engagement des poursuites par le parquet ou la notification des griefs par l’AMF. En cas de désaccord, le premier à ouvrir la poursuite gardera le dossier, à moins qu’une commission ad hoc soit installée pour fixer la voie à suivre. En outre, si la poursuite pénale aboutit à un non-lieu pour des raisons de compétence, l’AMF pourrait reprendre l’affaire.

Le régulateur propose également des aménagements de procédure: renforcer l’échange d’informations dans le cadre des enquêtes, inciter à reprendre les investigations réalisées par l’AMF, rapprocher les montants des sanctions pénales et des sanctions administratives, créer un délit d’initié en bande organisée, user de la faculté pour l’AMF de se constituer partie civile au pénal, et favoriser la citation directe et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

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