
La transparence extra-financière se met en route avec le règlement SFDR

Henri O’Quin et

Ilham Nassor, managers, Ailancy
Le nouveau règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), relatif à la transparence en matière de finance durable, a commencé à se mettre en place le 10 mars 2021. Issu du plan d’action pour la finance durable, adopté par la Commission européenne en mars 2018, il vise à améliorer la comparabilité des produits financiers, lutter contre le greenwashing (éco-blanchiment, NDLR) et réorienter ainsi véritablement les flux de capitaux vers des investissements durables.
Pour ce faire, les acteurs financiers doivent prendre en compte trois nouveaux concepts dans leurs décisions d’investissement et conseils fournis :
-le premier vise à apporter plus de clarté aux investisseurs quant à la réalité de l’engagement ESG (environnement, social, gouvernance) des produits gérés et distribués : la classification des produits selon qu’ils « prom[euve]nt des caractéristiques ESG » (respectant des règles « basiques » de sélection ou d’exclusion) ou qu’ils ont pour « objectif l’investissement durable » (plus engagés, contribuant matériellement à un objectif environnemental, social ou de bonne gouvernance) ;
-le deuxième concerne les « risques de durabilité », dont la survenance est susceptible d’avoir un impact financier sur le rendement (risque d’être touché par des événements climatiques extrêmes ou par une hausse du prix des matières premières…). Grande nouveauté du règlement SFDR : l’impact financier de ces risques devra être quantifié et reporté ;
-le troisième a trait aux « incidences négatives » des investissements réalisés en matière de durabilité, qui devront faire l’objet d’un reporting au niveau de l’entité (gérant d’actifs, assureur…) et au niveau de chacun des produits, dans les documents réglementaires existants, en fonction d’une liste prédéterminée d’indicateurs obligatoires (émissions de gaz à effet de serre, écart de rémunération hommes-femmes…)
Ces trois concepts doivent faire l’objet de publications en « ex ante » (site internet notamment) et en « ex post » (rapports annuels). La « progression » des indicateurs d’une année sur l’autre doit être indiquée, de même que les actions prises par l’entité pour les améliorer.
Malgré les nombreuses demandes, la Commission européenne a souhaité franchir cette étape réglementaire en maintenant son entrée en vigueur au 10 mars 2021 selon les principes du règlement, dits principes de niveau 1. En réalité, en l’absence de méthodologies rodées et compte tenu des délais très courts, les acteurs ont principalement rendu compte d’éléments qualitatifs avec un premier affichage « narratif » de leurs orientations. Pour ce faire, ils se sont majoritairement appuyés sur leur existant, qu’il s’agisse des reportings nationaux (article 173 de la loi sur la transition énergétique) ou des diverses démarches ESG déjà promues par l’entité.
Pour les principes dits de niveau 2, issus des normes techniques dont la version finale a désormais été publiée en février 2021, le législateur européen accorde cette fois un répit d’un an. Les premiers reportings quantitatifs ne seront donc attendus que pour la fin de l’année 2022. Pour autant, la mise en conformité aux principes dits de niveau 2 n’est pas exempte de défis, que ce soit en termes de calcul des incidences négatives (au niveau produit et entité) ou encore en termes de gestion du risque de durabilité à proprement parler et de sa matérialité financière.
Par ailleurs, sur le plan du calendrier, 2022 et 2023 verront l’entrée en application d’autres dispositions réglementaires prévues par le plan d’action européen, qu’il s’agisse de la taxonomie (nomenclature harmonisée des activités économiques durables d’un point de vue environnemental), de la révision de la directive européenne de 2014 concernant la communication d’informations non financières (NFRD) des entreprises émettrices, ou de la révision à venir de toutes les grandes réglementations afin de les rendre compatibles avec la finance durable (Solvabilité 2, Ucits, AIFM, MIF2 ou encore DDA).
Les acteurs devront adopter autant que faire se peut une approche globale, afin de traiter les impacts de manière transverse. En effet, si l’horizon de mise en œuvre peut paraître lointain, l’évolution des pratiques induite par ces dispositions réglementaires est structurante et affecte l’ensemble de la chaîne de valeur des établissements concernés. Il est conseillé pour cela de :
-définir son ambition globale ESG afin d’éviter de ne traiter le sujet que sous son angle réglementaire ;
-se rapprocher dès à présent des émetteurs et fournisseurs de données pour le recueil des données extra-financières attendues au niveau des sous-jacents, enjeu central pour la mise en œuvre de ces différents standards ;
- mettre en place une gestion du risque de durabilité en l’intégrant au dispositif global de gestion des risques en interne (suivi, mesure, contrôle, etc.) ;
-définir des grands chantiers par catégories d’impacts : sur l’offre, les référentiels, les systèmes d’information, les allocations d’actifs et simulations d’alignements, la conduite du changement et, in fine, la production et mise à jour des reportings attendus.
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