La réforme du Mécanisme européen de stabilité s’enlise

Entre interrogations constitutionnelles françaises et billard à trois bandes italien, l’incertitude s’épaissit autour de la finalisation de la réforme du MES.
Mathieu Solal, à Bruxelles
 Klaus Regling, le directeur général du MES, lors de la réunion de l’Eurogroupe le 20 janvier 2020 à Bruxelles.
Klaus Regling, le directeur général du MES, lors de la réunion de l’Eurogroupe le 20 janvier 2020 à Bruxelles.  -  Crédit European Union

En dépit des promesses de décembre, l’Eurogroupe qui s’est tenu hier n’a pas consacré d’avancée significative vers un nouveau MES. Les négociations des ministres des Finances des 19 pays de la zone euro sont en effet suspendues aux lèvres des juges du Conseil d’Etat français qui doivent rendre un avis fin février concernant les clauses d’action collectives (CAC). Ces clauses sont vouées à introduire un vote collectif à la majorité qualifiée des créanciers obligataires pour adopter une résolution contraignante pour toutes les obligations.

Plus de deux ans après un accord de principe des Dix-Neuf qui laissait présager une validation rapide du texte, cette procédure et ses conséquences font craindre le pire pour la réforme du MES. En cause, les velléités françaises tardives d’annexer au futur traité un document disposant la mise en œuvre des CAC.

Crise politique

Bercy, qui voit dans les CAC une protection pour les investisseurs institutionnels contre les fonds vautours, a ainsi demandé au Conseil d’Etat de se prononcer sur la conformité à l’article 53 de la Constitution de la non-annexion d’un tel document - qui retarderait la mise en œuvre précise des CAC, et permettrait à ses modalités d’échapper au processus de ratification. L’inconstitutionnalité de ce défaut de document annexé obligerait les Dix-Neuf à discuter des modalités de mise en place des CAC avant de signer le traité.

Amorcée en septembre, la manœuvre agace à Bruxelles. Car outre son effet suspensif, elle a indirectement créé une crise politique majeure en Italie. La Ligue a ainsi profité fin novembre du temps mort des négociations pour attaquer l’accord qu’elle avait elle-même négocié quand elle était au pouvoir.

En assimilant les CAC à des restructurations de dettes automatiques, le parti d’extrême-droite italien a agité l’éventualité d’une hausse du coût du service de sa dette publique, obtenant la désolidarisation des ministres du Mouvement 5 étoiles de l’accord négocié qui jette dans l’incertitude le futur processus de ratification de l’accord par le Parlement italien

Le Parti démocrate (PD), autre composante de la coalition gouvernementale, s’oppose donc à l’annexion du document rendant fonctionnel les CAC, craignant que sa négociation rallonge encore le processus, donne de nouvelles armes aux opposants à la réforme, et provoque in fine la réouverture des négociations sur le fond.

«Common backstop»

La gauche transalpine souhaite en effet préserver cet accord qui contient des dispositions favorables à l’Italie et aux autres pays du Sud de l’Europe, dont notamment l’utilisation du MES comme fournisseur du dispositif de soutien commun (common backstop).

La date d’entrée en vigueur de ce dispositif visant à protéger les banques d’importance systémique est l’autre point d’interrogation subsistant. Initialement prévu pour 2024, il pourrait, à la demande des pays du Sud, être fonctionnel dès 2021. En échange de cette anticipation, les pays du Nord ont exigé une réduction des risques bancaires qui a été discutée hier et dépendra d’évaluations publiées plus tard dans l’année.

«Nous avons parcouru un grand chemin. Il ne nous reste à régler que des soucis de procédures et pas de problèmes de fond» a pourtant lancé le directeur général du MES, Klaus Regling, à l’issue de la réunion. A l’instar des plus optimistes, il juge «réaliste» un accord politique au mois de mars pour une signature du traité à la fin du printemps et une ratification des parlements des Etats membres dans la foulée.

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