Bruxelles est tenté par une volte-face réglementaire sur les fonds durables

Les articles 8 et 9 du règlement SFDR sont déjà sur la sellette. La Commission européenne lance sa consultation sur l’avenir de ce dernier. Elle pose notamment la question d’un système de classification alternatif basé sur la contribution des investissements à la durabilité et à la transition.
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La consultation de révision du règlement européen Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) est ouverte du 14 septembre au 15 décembre  - 

La Commission européenne pourrait revoir substantiellement son système de classification des investissements durables. Dans le cadre d’une consultation de révision du règlement Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), lancée ce 14 septembre et ouverte jusqu’au 15 décembre, elle propose purement et simplement d’abandonner les articles 8 et 9, dont le sens a été détourné par certaines sociétés de gestion pour en faire des espèces de labels.

La Commission s’oriente désormais vers un système de catégorisation des produits financiers basée sur le type de stratégie d’investissement, en prenant en compte des éléments comme la contribution positive à certains objectifs de durabilité ou de transition. «Le fait que les articles 8 et 9 de la SFDR soient utilisés comme des labels de produits de facto, ainsi que la prolifération des labels ESG/durabilité nationaux, suggèrent qu’il existe une demande du marché pour de tels outils afin de communiquer les performances ESG/durabilité des produits financiers», a souligné la Commission dans son document de consultation. Cependant, l’exécutif européen laisse aussi à l’industrie de la gestion d’actifs l’option d’améliorer les articles 8 et 9 en les complétant par des critères supplémentaires minimaux afin de mieux distinguer ces produits.

Clarifier les concepts clés de SFDR et mettre fin à la pseudo-labellisation

Mis en application à partir de mars 2021, SFDR a pour objectif de lutter contre l’écoblanchiment des fonds en exigeant des gérants de catégoriser leurs produits en fonction du niveau de durabilité, passant de l’article 6 pour les moins durables à l’article 9pour les plus durables. Toutefois, la première phase de mise en œuvre de cette réglementation a rapidement dévoilé des faiblesses, notamment l’utilisation des catégories d’articles 8 et 9 comme des labels de durabilité dans le cadre de la commercialisation, amplifiant les risques de greenwashing. Le régime a aussi été critiqué pour le manque de clarté de la définition de certains concepts clés, dont celui d’«investissement durable», pour l’impossibilité de comparer deux fonds d’une même catégorie, et pour le décalage entre les déclarations de durabilité des fonds et leurs contributions réelles à ces objectifs.

La Commission a entamé cette consultation afin de comprendre les lacunes de ce régime et de l’améliorer. Une bonne partie de la consultation est dédiée à la mise en œuvre du nouveau système, qui ressemble à l’approche du régulateur britannique, la Financial Conduct Authority (FCA). Le document pose d’ailleurs plusieurs questions précises aux acteurs afin d’établir des règles de vérification de la catégorisation par des parties tierces, de communication, de marketing et d’encadrement des noms des produits.

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L’industrie de la gestion d’actifs attendait des clarifications des concepts clés grâce à cette consultation. Le cadre de SFDR a certainement besoin de quelques ajustements, notamment pour préciser certains concepts et définitions, y compris ce qui constitue des caractéristiques ESG, mais aussi certains éclairages concernant les investissements durables, c’est-à-dire les produits visés à l’article 9, explique Aleksandra Palinska, directrice exécutive de l’Eurosif, l’association européenne d’investissement durable. Elle met toutefois en garde contre une révision complète de SFDR, soulignant que l’industrie financière a fourni un effort substantiel et a consacré beaucoup de temps et d’énergie à la mise en œuvre des règles. «Réparons ce qui doit l’être, mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain et construisons plutôt sur ce qui a déjà été réalisé. L’un des aspects qu’il convient d’aborder est celui des investissements à impact et du financement de la transition, dont les spécificités ne sont abordées ni par l’article 9 ni de l’article 8», a-t-elle ajouté.

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La Commission reconnaît ici qu’il existe une différence entre les déclarations de durabilité des fonds et la manière dont elles sont divulguées, observe de son côté Sebastiaan Hooghiemstra, senior associate pour la practice investment management au sein du cabinet d’avocats Loyens & Loeff Luxembourg. «C’est particulièrement vrai pour les fonds visés par l’article 8, qui publient des informations conformément au régime de l’article 8 de la SFDR, mais qui ne sont pas nécessairement des fonds qui investissent dans des actifs que le grand public considérerait comme verts/durables. La Commission tente de consulter les acteurs du marché sur une approche qui fixerait des normes minimales de divulgation ESG pour tous les types de produits et un label ESG supplémentaire, si un produit financier, tel qu’un fonds, souhaite entrer dans l’une des catégories qui doivent être développées», explique l’avocat qui est également membre du comité d’éligibilité du label ESG luxembourgeois, LUXFlag.

Un abandon des articles 8 et 9 mettra sans nul doute dans l’embarras les sociétés de gestion qui ont abondamment communiqué sur le sujet...

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