Ken Griffin bâtit son empire

CITADEL
Ingrid Hazard, à Boston
Ken Griffin bâtit son empire
Kenneth Griffin.  -  Bloomberg

Citadel n’a jamais si bien porté son nom. Meilleure performance de hedge fund de tous les temps, avec 16 milliards de dollars de profits et 38,1 % de rendement pour son fonds Wellington en 2022. Un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de dollars pour sa compagnie sœur Citadel Securities. Les deux sociétés financières fondées et dirigées par Kenneth Griffin battent tous les records.

Bâtisseur d’empire, le milliardaire vient aussi de lancer la construction de deux gratte-ciel. L’un de 51 étages à New York, au 350 Park Avenue, pour abriter ses 1.500 employés, et qui devrait voir le jour en 2032. L’autre pour son siège à Miami, en front de mer, où le groupe a déjà déboursé 363 millions de dollars pour le terrain et 2.86,5 millions pour l’immeuble de bureaux voisin cette année.

« Notre ambition est d’être la société d’investissement la plus performante de tous les temps », peut-on lire sur le site de Citadel, qui gère 53 milliards de dollars.

Le parcours de Ken Griffin a tout d’une success story à l’américaine. La légende veut qu’en 1987, alors âgé de 19 ans et étudiant à Harvard, le financier lance son premier fonds spéculatif avec 265.000 dollars depuis son dortoir avec un fax, un ordinateur, un téléphone et une antenne parabolique installée sur le toit pour obtenir les cotations boursières en temps réel. Une fois diplômé, il rejoint Glenwood Partners à Chicago, où il réalise un rendement de 70 % dès sa première année. En 1990, Kenneth Griffin décide de fonder son propre hedge fund, qu’il baptise Citadel, un fonds multistratégie. En 2008, ce dernier enregistre une perte de 8 milliards de dollars et se voit contraint de geler les retraits des investisseurs. « Ce fut le seul moment dans l’histoire de Citadel où notre existence réelle fut remise en question », se rappelle Ken Griffin. Mais le hedge fund renaît de ses cendres et délivre des rendements nets de 62 % l’année suivante. Depuis sa création, il a généré 65,9 milliards de dollars de gains.

Dans le même temps, Ken Griffin fonde en 2002 sa branche de trading haute fréquence, qui deviendra Citadel Securities. Proposant d’exécuter des transactions électroniques ultrarapides pour des fractions de centime, la firme de trading se développe rapidement et domine le marché devant ses concurrents, comme Virtu Financial. Citadel Securities est évaluée à 22 milliards de dollars début 2022 après une prise de participation de 1,1 milliard de dollars de Sequoia Capital et Paradigm dans son capital. Le market maker gère aujourd’hui près de 40 % de l’ensemble du volume des transactions de détail et une transaction boursière sur quatre aux Etats-Unis. « Ce dont je suis le plus fier, c’est la façon dont nous avons réussi à remodeler les marchés financiers du monde entier avec Citadel Securities », a déclaré son fondateur.

Selon Ken Griffin lui-même, « ce qui a fait le succès de Citadel, c’est l’incroyable talent qui compose cette équipe ». « Je suis obsédé par la façon dont nous concevons nos processus d’investissement pour créer le plus grand avantage concurrentiel », avoue-t-il. Pour Paul Rowady, directeur de recherche d’Alphacution, « ce niveau de succès est le résultat de la culture et de l’exécution. Les deux sont pilotées par Ken Griffin », qui n’a pas la réputation d’être un patron facile. Cette culture et les performances du hedge fund, dont tous les coûts sont répercutés directement au client au lieu d’être couverts par une commission de gestion, permettent au groupe d’attirer et de retenir les meilleurs traders.

Hybride et singulier

La combinaison d’un fonds spéculatif et d’une société de trading n’est pas monnaie courante. Deux autres compagnies présentent un profil similaire sur le marché américain, Susquehanna International Group (SIG) et Jane Street, mais le modèle économique de Citadel reste atypique. « Le fait qu’ils soient devenus le premier teneur de marché et le premier fonds spéculatif n’est pas un accident, explique Paul Rowady. Mais cela ne signifie pas que ces deux entreprises entretiennent une relation systématique en temps réel autre que la propriété, la direction, la culture, les adresses de bureaux et une grande sensibilité aux détails et à l’exécution du travail. » Muraille de Chine oblige, les deux entreprises sont indépendantes et ont des stratégies de portefeuille distinctes. « Le teneur de marché est ‘hyperactif’ et le hedge fund est ‘actif’ », note Paul Rowady. Avec ces deux moteurs, Citadel est assuré de profiter de la volatilité des marchés, comme ces dernières années, sans dépendre uniquement des paris d’un hedge fund. Et ces gains sont réinvestis dans la technologie, le nerf de la guerre.

Mais la position dominante de Citadel Securities inquiète. La réforme du paiement pour le flux d’ordres (PFOF) proposée par la Securities and Exchange Commission (SEC) prévoit de remplacer par des enchères ce mécanisme qui consiste, pour un market maker, à rémunérer un courtier afin de capter tous les flux de sa clientèle. Cela pourrait-il mettre à mal le modèle de Citadel Securities ? Le risque est limité, selon Bain Rumohr, senior director chez Fitch : « L’effet sur les teneurs de marché tels que Citadel Securities serait neutre en termes de crédit, malgré leur plus grande dépendance face au volume des transactions de particuliers et la baisse potentielle des volumes échangés, car les coûts du PFOF et les dépenses variables diminueraient également. » Pour Paul Rowady, « quels que soient les changements, Citadel restera au premier rang dans cet espace car, une fois mises en œuvre, ces réformes pourraient affecter tous les concurrents. Ils sont donc en position de force quoi qu’il arrive ».

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