Bruxelles reste sourde aux critiques contre son projet de TTF

Dans sa réponse aux questions des Trésors nationaux, la Commission défend bec et ongles les contours de sa taxe sur les transactions financières
Alexandre Garabedian

Bruxelles persiste et signe. La direction générale de la fiscalité de la Commission européenne (DG taxud), en charge du projet de taxe sur les transactions financières (TTF), a répondu le 22 mai au groupe de travail rassemblant les Trésors des onze Etats membres ayant engagé une coopération renforcée pour mettre en place ce prélèvement en 2014.

Ce document de 26 pages révélé par le groupe de réflexion OpenEurope montre que les services de Bruxelles restent sourds aux critiques qui n’ont cessé de s’abattre sur le projet de la part de l’industrie financière, mais aussi de banquiers centraux comme Jens Weidmann, patron de la Bundesbank.

Collecte de la taxe, impacts sur le marché du repo ou sur l’industrie des fonds monétaires: la Commission campe sur ses positions, même si un report du projet semble de plus en plus probable. Avec des arguments parfois étonnants.

Extraterritorialité de la taxe. Le premier sujet porte sur la capacité à collecter la TTF, fixée à 0,01% sur les achats de dérivés et à 0,1% sur les actions, obligations, parts d’OPCVM et prêt/emprunt de titres. Bruxelles veut prélever la taxe dès lors qu’une des deux contreparties est située dans l’un des 11 pays membres. Un projet qui fait hurler Londres, puisqu’une institution financière de la City serait taxée à chaque fois qu’elle achète un titre à une contrepartie française ou allemande, par exemple.

Pour éviter que ce principe puisse être contourné, Bruxelles avance le principe de «responsabilité conjointe et solidaire» pour les institutions situées dans une juridiction TTF. Cela reviendrait à leur faire payer la taxe si la contrepartie qui siège dans une juridiction non-TTF ne s’en acquitte pas comme elle le devrait. La Commission veut aussi faire levier sur les infrastructures de marché: plates-formes boursières, chambres de compensation, dépositaires centraux, etc. «Les institutions financières des juridictions TTF ne seraient pas incitées à négocier sur ces plates-formes au cas où l’on considérerait que ces infrastructures [situées hors pays TTF] ne facilitent pas la conformité avec la TTF», indique le document de la DG taxud. Mais celle-ci fait le pari implicite que les banques et les sociétés de gestion ne se délocaliseront pas hors des 11 pays concernés.

Marché du repo. Les lobbies de marchés, notamment l’Icma, ont déjà souligné que la plupart des opérations de pensions livrées risquaient de disparaître, la taxe étant supérieure aux revenus dégagés par cette activité. C’est donc un pan essentiel au financement de court terme des banques et des entreprises qui s’évaporerait. Dans sa réponse aux Trésors, Bruxelles ne dément pas: «l’analyse est basée sur l’hypothèse que les repos dans ces pays (…) seraient partiellement remplacés par des opérations de prêt sécurisé ou par des transactions avec les banques centrales». Elle fait cependant une ouverture, en évoquant l’idée de taxer les repos comme une transaction dérivée (à 0,01%) et non pas cash (0,1%).

L’argument fait fi en revanche des craintes des banquiers centraux. Si Jens Weidmann a critiqué la TTF fin avril, c’est bien parce que la disparition des repos forcerait les banques centrales à se substituer au marché de manière permanente. Ce qui reviendrait à leur faire perdre la maîtrise de leur politique monétaire. Dans un entretien accordé au Financial Times, Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, indique que «nous sommes prêts à nous engager de manière constructive avec les gouvernements et la Commission européenne pour nous assurer que la taxe sur les transactions financières n’ait pas un impact négatif sur la stabilité financière».

Fonds monétaires. L’industrie des fonds monétaires, très développée en France, craint d’être doublement victime de la TTF. Celle-ci achèverait de réduire à zéro une performance déjà très faible dans l’environnement de taux bas, d’autant que les fonds monétaire font souvent tourner leurs portefeuilles, par essence investis sur des actifs courts; par ailleurs, les souscripteurs seront taxés sur les achats de parts d’OPCVM.

La réponse de Bruxelles devrait laisser pantois les professionnels: les fonds monétaires n’ont plus d’intérêt pour les investisseurs et la TTF n’y changera pas grand chose, explique en substance le document. Pour la Commission, les gérants spécialisés sur les maturités courtes se caractérisent déjà par des taux de rotation – et donc des frais de gestion – élevés et par des rendements bas. «Sur des marchés transparents, dans un univers où la rotation ne serait pas taxée, de tels gérants d’actifs devraient déjà attirer moins de demande de la part d’investisseurs. La TTF rendra ce fait plus évident», tranche la DG taxud. Pas un mot sur l’utilité de la gestion monétaire pour le financement de l’économie, alors que le retrait des fonds monétaires américains d’Europe à l’été 2011 a montré à quel point ce compartiment revêtait de l’importance.

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