
Bruxelles prévoit une réforme en profondeur du marché européen du carbone

Réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55% – par rapport aux niveaux de 1990 – d’ici à 2030, puis atteindre la neutralité carbone en 2050 : telles sont les ambitions de l’Union européenne (UE) en matière climatique. La Commission européenne (CE) doit désormais indiquer la voie à suivre pour les réaliser. Bruxelles passera à l’action le 14 juillet en présentant un paquet de douze propositions législatives phares baptisé «Fit for 55», au sein duquel figure un projet particulièrement attendu de réforme profonde du système d’échange de quotas d’émission européen (emission trading scheme, ETS). Instauré en 2005, le marché ETS couvre environ 45% des émissions de GES de l’UE et est donc l’un des principaux outils à sa disposition dans la transition climatique.
Accélérer la diminution du nombre de quotas en circulation
Selon une version provisoire du texte vue par L’Agefi, la CE mise bien sur une montée en puissance du marché ETS ces prochaines années. Celle-ci passera tout d’abord par une réduction du nombre de quotas d'émissions en circulation. Bruxelles plaide à la fois pour une baisse du plafond, et pour un nouveau «facteur de réduction linéaire», déterminant le rythme annuel de réduction des émissions. Ces deux indicateurs ne sont toutefois pas encore précisés dans le projet.
La Commission proposera en outre un renforcement de la «réserve de stabilité du marché» de l’ETS : un mécanisme conçu pour éviter l’accumulation de permis excédentaires susceptible de faire baisser les prix du carbone dans l’UE, en particulier lors de crises. Si le prix de la tonne de CO2 a connu une augmentation historique ces dernières semaines, celle-ci tient plus aux anticipations des annonces de l’exécutif européen qu’à une raréfaction structurelle des quotas d’émissions. Le surplus de quotas en circulation s’élevait ainsi à 1.478 millions de tonnes (MT) de CO2 fin 2020. Un excédent renforcé par le recul des émissions et donc de la demande de quotas causés par la baisse d’activité liée à la pandémie.
Quotas gratuits et ajustement carbone aux frontières
Autre axe majeur du projet législatif : adopter une approche «plus ciblée» concernant la distribution de quotas à titre gracieux. Ces quotas gratuits sont alloués en premier lieu aux industries considérées comme à risque de «fuites de carbone» - de délocalisations industrielles des activités les plus polluantes depuis l’UE vers des régions du monde aux législations plus permissives - telles que le ciment, l’acier, l’aluminium ou encore les raffineries de pétrole. Censés être exceptionnels, ils représentent toujours environ 40% du total des quotas en circulation. Bruxelles voudrait que leur distribution soit désormais conditionnée, à compter de 2026, «à des efforts en termes de décarbonatation» par leurs bénéficiaires, tels que «des investissements dans des technologies à même d’augmenter l’efficacité énergétique et la réduction des émissions».
Plus important encore : la CE prend acte de l’incompatibilité entre la distribution de ces quotas gratuits et la mise en place de son projet de Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) dans un même secteur. La coexistence de ces deux mécanismes de compensation, qui favoriserait les acteurs industriels de l’UE vis-à-vis de leurs concurrents étrangers, remettrait en cause la compatibilité du MACF avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). «Le MACF doit être une alternative aux quotas gratuits pour remédier aux risques de fuites de carbone. Les secteurs et les sous-secteurs qui sont couverts par cette mesure ne doivent donc pas bénéficier de quotas gratuits», reconnaît ainsi la Commission. Or le MACF qui sera également proposé le 14 juillet devrait cibler dans un premier temps le même groupe d’industries (mentionnées ci-dessus) qui bénéficient à plein régime de quotas gratuits. La bataille s’annonce âpre entre l’exécutif européen et ces industries qui semblent bien décidées à s’accrocher à ce privilège.
ETS parallèle pour le chauffage des bâtiments et le transport routier
Autre sujet de tensions potentielles : alors que le système actuel serait, comme attendu, progressivement étendu au transport maritime, Bruxelles confirme son intention de créer un système ETS parallèle mais distinct pour les émissions des bâtiments et des transports routiers. Aux termes du texte, celui-ci entrerait en vigueur à compter de 2026. Les débats entre colégislateurs promettent d’être intenses sur ce projet, défendu en particulier par Berlin. Plusieurs Etats d’Europe centrale y sont nettement opposés. D’autres pays, dont la France, s’inquiètent des effets redistributifs d’une telle réforme pour les ménages les moins aisés. Le projet législatif ne reprend pas pour l’heure la piste avancée par Frans Timmermans, le vice-président exécutif de la CE chargé du Green Deal, d’établir un «fonds social d’action climatique» visant à compenser les augmentations potentielles des prix des carburants de chauffage et de transport pour les ménages les plus vulnérables. Sans donner plus de détails la Commission indique toutefois que «face à l’impossibilité de cibler les entités émettant directement des GES en raison du nombre élevé de petits émetteurs dans les secteurs des bâtiments et du transport routier» (les ménages et les conducteurs), «les entités réglementées se trouveront plus en amont de la chaîne d’approvisionnement».
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État palestinien : l'ONU se penche sur la "déclaration de New York", écartant le Hamas
Nations unies - L’Assemblée générale de l’ONU se prononce vendredi sur la «déclaration de New York» visant à donner un nouveau souffle à la solution à deux Etats, israélien et palestinien, mais en excluant sans équivoque le Hamas. Alors qu’Israël fustige depuis près de deux ans l’incapacité de l’Assemblée -- et du Conseil de sécurité -- à condamner les attaques sans précédent du mouvement palestinien du 7 octobre 2023, le texte préparé par la France et l’Arabie saoudite est clair. «Nous condamnons les attaques perpétrées le 7 octobre par le Hamas contre des civils» et «le Hamas doit libérer tous les otages» détenus à Gaza, dit-il. Mais la déclaration, qui avait déjà été co-signée en juillet par 17 Etats, dont plusieurs pays arabes, lors de la première partie d’une conférence de l’ONU sur la solution à deux Etats, va plus loin. «Dans le contexte de l’achèvement de la guerre à Gaza, le Hamas doit cesser d’exercer son autorité sur la bande de Gaza et remettre ses armes à l’Autorité palestinienne, avec le soutien et la collaboration de la communauté internationale, conformément à l’objectif d’un Etat de Palestine souverain et indépendant.» Ce texte a déjà récemment été endossé par la Ligue arabe, une décision saluée par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, comme «une étape majeure dans l’isolement international et régional du Hamas». «Nous espérons le voir adopté à une très large majorité par l’Assemblée» vendredi, a commenté une source de la présidence française, qui voit cette déclaration comme le socle du sommet que Paris et Ryad co-présideront le 22 septembre à l’ONU à New York, où le président Emmanuel Macron a promis de reconnaître l’Etat palestinien. «Bouclier» contre les critiques «Le fait que l’Assemblée générale soutienne enfin un texte qui condamne le Hamas directement est important», même si les Israéliens diront que «c’est bien trop peu et bien trop tard», a souligné Richard Gowan, de l’International Crisis Group. Grâce à ce texte, les pays qui soutiennent les Palestiniens pourront «rejeter les accusations israéliennes selon lesquelles ils cautionnent implicitement le Hamas», a-t-il déclaré à l’AFP. Et cela «offre un bouclier contre les critiques d’Israël» à ceux qui s’apprêtent à reconnaître l’Etat palestinien». A la suite du président Macron, plusieurs pays ont annoncé qu’ils reconnaîtraient l’Etat palestinien lors de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale de l’ONU qui s’ouvre le 22 septembre. Ce processus est vu comme un moyen supplémentaire de faire pression sur Israël pour mettre un terme à la guerre à Gaza, déclenchée par les attaques du Hamas du 7 octobre 2023. La «déclaration de New York» soumise à l’Assemblée vendredi plaide d’ailleurs aussi pour la «fin de la guerre à Gaza» et un «règlement juste, pacifique et durable du conflit israélo-palestinien reposant sur une mise en oeuvre véritable de la solution à deux Etats». Une position habituelle de l’Assemblée. Dans la perspective d’un futur cessez-le-feu, elle évoque également le déploiement d’une «mission internationale temporaire de stabilisation» à Gaza, sous mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, pour protéger la population, soutenir le renforcement des capacités de l’Etat palestinien et apporter des «garanties de sécurité à la Palestine et à Israël». Environ trois-quarts de 193 Etats membres de l’ONU reconnaissent l’Etat palestinien proclamé par la direction palestinienne en exil en 1988. Mais après près de deux ans de guerre dans la bande de Gaza ravagée, l’extension de la colonisation israélienne en Cisjordanie et les velléités de responsables israéliens d’annexer ce territoire occupé, la crainte que la création d’un Etat palestinien soit physiquement impossible gagne du terrain. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyhu, a lui été très clair: «Il n’y aura pas d’Etat palestinien», a-t-il affirmé jeudi. Et son allié américain avait déjà annoncé que le président palestinien, Mahmoud Abbas, ne serait pas autorisé à venir à New York. Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS © Agence France-Presse