AMUNDI - Le rachat de Lyxor ouvre des perspectives alternatives

Cette acquisition donne à Amundi les clés pour s’imposer dans la gestion alternative.
Corentin Chappron et Valérie Riochet
Le siège d’Amundi.
Le siège d’Amundi.  - 

Deux mois d’avance. Le rachat de Lyxor par Amundi s’est bouclé plus tôt que prévu. Avec cette acquisition, la filiale de gestion du Crédit Agricole confirme son intérêt stratégique et industriel pour deux expertises clés : la gestion passive et l’investissement en actifs alternatifs liquides. Les hedge funds semblent bien éloignés des gestions indicielles qui ont fait la célébrité de Lyxor – et motivé, en grande partie, son rachat par Amundi. Pourtant, la fusion, qui offre la place de numéro 2 du marché européen de l’indiciel à Amundi, lui donne aussi les arguments pour attaquer ce marché. L’expertise en gestion alternative de Lyxor vient combler un manque historique chez son acquéreur. Certes, le groupe offrait à quelques très grands institutionnels comme PGGM une plateforme d’investissement en gestion alternative pure, mais elle a été fermée à la suite de la crise de 2008. Les 23 milliards d’encours de Lyxor sont donc logés au sein d’une nouvelle division d’Amundi, « Amundi Alternatives », dont Nathanaël Benzaken, ancien directeur client de Lyxor, prend la tête.

élargir les gammes

L’objectif est de monter en puissance sur ces deux offres de Lyxor. La première porte sur des stratégies alternatives logées au format Ucits (managed accounts – comptes gérés) estampillées jusqu’à présent aux couleurs de Lyxor et destinées à un public large – institutionnels, distributeurs et banques privées. Pas moins de 6,3 milliards d’euros sont gérés sous ce format. Neuf fonds, qui couvrent l’ensemble des stratégies alternatives liquides (long/short, CTA, risk arbitrage…), sont activement proposés aux clients de Lyxor. « L’objectif est désormais d’élargir la gamme au fur et à mesure de la demande de nos clients », indique Nathanaël Benzaken. Plusieurs véhicules approcheraient de leur limite en termes d’encours. Cette plateforme de comptes gérés devrait, selon Amundi, profiter d’un momentum idéal. « Les taux bas, les valorisations élevées, la volatilité forte… tout cela joue en faveur de la recherche de diversification des risques et des moteurs de performance à travers de la gestion alternative », pointe Fannie Wurtz, directrice de la division distribution et banques privées, des métiers gestion passive et alternative d’Amundi. Un constat appuyé par les bonnes performances du secteur des hedge funds en 2021 notamment. A ce jeu, toutes les stratégies alternatives ne pourront être retenues. Délestés d’effet de levier, niveau de concentration ou sous-jacents interdits par la directive OPCVM, ces hedge funds revisités devront être facilement logés dans un fonds Ucits sans perdre la pertinence de leur gestion. Le modèle s’appuie sur une approche donnant-donnant. « Historiquement, les gérants externes sélectionnés par Lyxor étaient anglosaxons ou asiatiques et souhaitaient accéder aux marchés européens, l’argument principal de Lyxor étant sa couverture géographique et son processus de contrôle des risques opérationnels et financiers, qui permettait d’accélérer le développement des encours sur un marché européen qui leur était complexe à aborder, notamment depuis la directive AIFM de 2011 », rappelle Jad Comair, fondateur du gérant alternatif Melanion Capital, anciennement hébergé sur la plateforme Lyxor.

Cap à l’international

Dans la corbeille de la mariée, Amundi récupère l’autre plateforme historique de Lyxor : DMAP (dedicated managed account platform) et ses quelque 16,7 milliards d’euros d’encours. Destinée aux très grands institutionnels (fonds de pension, etc.), elle fournit une sorte de services à la carte pour grands clients à la recherche d’un accompagnement dans la mise en place de stratégies alternatives. « Nous pouvons être amenés à construire des solutions de diversification, visant à diversifier les risques de marché portés par leurs actifs traditionnels. Mais aussi développer des stratégies absolute return, qui offrent une performance décorrélée des actifs traditionnels – une demande qui vient plutôt des institutionnels nord-américains », résume Nathanaël Benzaken. DPAM offre d’analyser un portefeuille, répond à des demandes précises, en proposant des stratégies alternatives sélectionnées et logées dans un compte géré par Lyxor. Ce compte est ségrégué des gérants alternatifs afin de limiter les risques opérationnels et les risques de fraude. La gestion du risque est réalisée de manière indépendante, ainsi que le calcul des opérations du véhicule. Le fonds de pension des enseignants californiens CalSTRS compte parmi les grands clients de la plateforme tricolore.

Ce socle, commun à l’ensemble de l’offre alternative de hedge funds, a pu faire ses preuves en 2006, lorsque le fonds Amaranth s’est effondré après avoir perdu plus de 6 milliards de dollars en spéculant sur les contrats à terme liés au gaz naturel : les fonds logés chez Lyxor n’avaient pas été autorisés à prendre de tels risques. Cette transparence que Lyxor exigeait des fonds, très éloignée de leur ADN, n’a pas empêché certains grands noms de rejoindre la plateforme, puisque Bridgewater y propose par exemple un fonds. Aujourd’hui, 140 asset managers sont référencés dans la buy-list.

Les encours des solutions alternatives de Lyxor ont progressé de 8 milliards d’euros entre mi-2017 et 2021, hors effet marché – stratégies de performance absolue. Pour poursuivre ce développement, Amundi table sur son empreinte internationale : Lyxor, présent dans 12 pays (dont 9 européens) avant la fusion, accède au réseau d’un groupe présent dans 36 pays, dont 8 hors Europe. Le groupe évoque une stratégie d’exportation des fonds Ucits similaire à celle prévue pour les ETF, et viser en particulier l’Amérique latine et bien sûr l’Asie, où le gestionnaire s’est fixé l’objectif d’atteindre 500 milliards d’euros d’encours à horizon 2025, une stratégie qui mise sur la croissance du marché chinois.

Cibler le retail

La séparation d’avec Lyxor offre aussi à la Société Générale l’occasion de se réinventer. Car malgré les apparences, la banque voit grand en matière d’épargne. « Si la Société Générale ne possède plus un important asset manager universel et global, elle est la seule banque en France à offrir l’accès à une architecture ouverte à tous ses clients, y compris celle des réseaux ! », appuie Marc Duval, directeur d’investment management solutions de Société Générale Private Banking. Le groupe conserve l’ensemble des moyens nécessaires « au développement de l’offre gérée à destination des réseaux de la banque de détail et de la clientèle en banque privée ». Une nouvelle ligne de métier au service des distributeurs du groupe a été créée ce 1er janvier : « Investment Management Solution (IMS) ». IMS est placée dans la business unit de Société Générale Private Banking.

Reste donc dans le giron de la banque trois piliers jugés essentiels. La société de gestion SG 29 Haussmann, créée en 2006, dont la communication autour de la marque est restée jusque-là discrète, devient le cœur du positionnement de l’établissement rouge et noir. « Initialement mise sur pied pour offrir des fonds maison et des solutions de gestion sous mandat à notre clientèle privée, son actif sous gestion s’élève à environ 30 milliards d’euros à fin décembre 2021 et regroupe l’expertise d’une vingtaine de gérants, rappelle-t-il. En février 2021, une plateforme de subadvisory (délégation de gestion) y a été logée. Une nouvelle offre entièrement multigestionnaire est désormais offerte à la clientèle privée mais aussi retail, et ce à partir de 50 euros seulement. »

De nouveaux partenariats ont été signés avec des maisons externes : BlackRock, DNCA, Mirova, La Financière de l’Echiquier, et Primonial Reim. Issu de la fusion entre Crédit Agricole Asset Management et Société Générale Asset Management, Amundi représentait jusque-là le partenaire unique et exclusif en matière de distribution de fonds pour le réseau. « Fin 2020, cet accord a été renégocié pour permettre d’intégrer cette nouvelle gamme d’OPC (organismes de placements collectifs) externes gérée par nos partenaires », rappelle Marc Duval. En à peine un an, l’offre (Nouvelle génération d’épargne – NGE) affiche quasiment un milliard d’euros sous gestion. Autre activité historiquement logée dans Lyxor et reprise par la Société Générale, l’activité de gestion structurée qui nécessite des synergies fortes avec la banque d’investissement du groupe, mais aussi l’offre d’épargne salariale destinée aux collaborateurs. Cet ensemble pèse 18 milliards d’euros.

Le deuxième pilier de l’offre de gestion de la banque noire et rouge s’articule autour de sa société de gestion luxembourgeoise (Société Générale Private Wealth Management), tête de pont pour développer l’offre de banque privée à l’internationale. Cette dernière possède une activité de ManCo (management company), détient une Sicav à compartiments, offre des services de gestion sous mandat, mixte de gestion interne et externe avec notamment une délégation de gestion auprès de BlackRock (actions émergentes) et JPMorgan (actions américaines) pour peser 7 milliards d’euros. Enfin, le dernier pôle rassemble la plateforme de sélection de fonds (Mutual Funds Selection) reprise à Lyxor (actifs sous conseil d’environ 40 milliards d’euros) et composée d’une quinzaine d’experts installés entre Paris, Londres, Luxembourg et Genève. Ces derniers sélectionnent et suivent des fonds tiers qui alimentent la plateforme de subadvisory et l’offre banque privée. La séparation d’avec Lyxor ouvre contre toute attente un nouveau chapitre dans la relation de la banque avec la gestion d’actifs.

horizons-2.gif

horizon-1.gif

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Asset management

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...