AM TECH - Les regtechs montent en puissance

Après avoir digéré les enjeux liés aux exigences réglementaires, ces start-up cherchent à s’imposer comme un modèle fiable auprès des sociétés de gestion.
Pauline Armandet
fintech

L’AM TECH DAY, organisé par L’Agefi, aura lieu mardi 5 octobre 2021 au Palais Brongiart à Paris.

Face au tsunami réglementaire, les regtechs (« regulatory - technology ») veulent tirer leur épingle du jeu. Ces acteurs utilisent différentes technologies (cloud, intelligence artificielle, blockchain) afin d’aider les gérants à appliquer diverses réglementations, de la lutte anti-blanchiment en passant par la protection des données ou encore le reporting réglementaire.

Apparus ces dernières années, ils estiment faire gagner du temps et de l’argent aux asset managers. Une étude de KPMG France a identifié 250 regtechs européennes, parmi lesquelles figurent des fintechs, des legaltechs ou encore des fournisseurs de solutions de reporting, dont une cinquantaine en France. Très spécialisés, les acteurs français n’ont pas encore réussi à percer le marché (lire ‘La Parole à...’ page 26). Après avoir digéré les enjeux liés aux exigences réglementaires, les regtechs sont en pleine phase de développement, cherchant à s’imposer comme un modèle fiable auprès des sociétés de gestion.

« Le défi de notre industrie est que la distance entre les régulateurs, impliqués dès le processus de génération de la réglementation, et les sociétés de gestion empêche une communication effective de la réglementation et résulte en un manque d’attention du retour fourni par l’industrie aux régulateurs », regrette Alexis Wiazmitinoff, chef produit global transaction reporting chez la regtech internationale Compliance Solutions Strategies. De même, une fois que la réglementation est en place, « modifier ce qui change au niveau du système d’information (SI) à temps et à la hauteur de la qualité requise est aussi un défi auquel nos clients doivent faire face », ajoute-t-il.

Le défi de la donnée

Les textes des régulateurs « donnent peu de précisions et laissent place à une interprétation importante », indique Nicolas Pessard, chef de produit transaction regulatory reporting chez Murex, une société française proposant des solutions pour faire face aux challenges réglementaires. L’entreprise a notamment été choisie par la Caisse des dépôts (CDC) pour se doter d’une plate-forme front-to-back pour sa gestion d’actifs.

La diversité des régulateurs peut aussi être perçue comme un obstacle. « Certains peuvent mettre à disposition de nouvelles exigences et ordonner une mise en application au bout d’une semaine ou deux, ce qui laisse peu de marge de manœuvre aux entreprises d’investissement et aux banques pour faire face à ces changements », souligne Frédéric Bernard, spécialiste des solutions risques de la société AxiomSL, qui vient de fusionner avec la société Calypso, devenant la regtech Adenza.

Par ailleurs, certaines réglementations, qui n’ont pas encore été publiées, comme Priips (Packaged Retail Investment and Insurance-based Products) ou encore SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), sont difficiles à anticiper. « Un modèle opérationnel viable aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. Cela signifie qu’il faudra donc l’adapter, voire même le changer, et forcément cela entraînera des coûts. Si ce modèle n’est pas flexible ou que les outils utilisés sont trop archaïques, les coûts peuvent être d’autant plus importants », estime Frédéric Bernard, qui suggère de réinventer « en permanence » son SI.

« Plus on standardise, plus on apporte de la flexibilité, plus on facilite la réduction des coûts résultant de ces changements », considère, de son côté, Alexis Wiazmitinoff. Si certains sujets peuvent être mutualisés pour faire en sorte que l’impact de la réglementation sur la compétitivité des entreprises soit réduit, il peut aussi exister une contrepartie à ce bénéfice de standardisation. « Quand la question du traitement de la recherche sous MIF 2 s’est posée, cela a fait l’objet de nombreux débats et on a vu des positionnements parfois radicalement opposés entre sociétés de gestion. De la même manière, sur l’ESG (environnement, social, gouvernance, NDLR), en fonction du degré de conviction des acteurs, on va avoir le souhait de se différencier. Donc tout l’enjeu, de mon point de vue, est de trouver le bon curseur entre l’industrialisation et la différenciation », pointe Julien Raimbault, directeur opérations et technologie de la société de gestion Ostrum AM.

La gestion des données est au cœur des défis posés aux nouveaux acteurs. « Notre outil de gestion nous permet de récupérer de la donnée depuis différentes sources sans imposer aucun format en entrée. Une fois chargées, les données peuvent ensuite être enrichies, transformées, validées et réutilisées autant de fois que nécessaire et en fonction des besoins du client », assure Frédéric Bernard. Il existe aussi une problématique au niveau du coût de la donnée, qui reste plus difficile à obtenir qu’une donnée classique, en raison de nombreux paramètres allant de son identification, au coût de sa transformation en passant par l’infrastructure en termes de stockage. « Toute cette chaîne de traitement doit pouvoir être auditable en un clic et à tout moment sans avoir à effectuer de la rétro-ingénierie, coûteuse en ressources et en temps », pointe Frédéric Bernard. « Que ce soit dans le cas de l’acquisition de données externes ou de l’extraction finale des données vers les plateformes destinataires des déclarations, l’idée est de construire et de maintenir ces connectivités pour nos clients afin d’en réduire le coût final », indique Nicolas Pessard.

Les exigences réglementaires nécessitent en outre de bénéficier de profils précis au sein même des structures. Quand une start-up décide de se lancer sur SFDR, « elle va investir toute son énergie dans ce projet et va mettre moins de barrières à la réflexion qu’une société de gestion installée, qui gère en même temps plusieurs évolutions réglementaires en parallèle de son activité, le tout dans un environnement contraint, souligne Julien Raimbault. Le fait de travailler avec des partenaires de pointe sur certains thèmes ciblés permet d’éviter un syndrome de pensée unique au sein de la société de gestion et de favoriser au contraire l’open innovation ».

« Partner-ready »

Pour Alexis Wiazmitinoff, il est important pour les éditeurs de faire partie de forums comme ceux organisés par les associations professionnelles (Isda, Isla, Tisa…) pour avoir un impact, en amont, sur le processus réglementaire. « Nous avons l’expertise pour couvrir un certain nombre de réglementations, » assure Nicolas Pessard. Dans le cas où un déficit d’expertise est identifié, sa société se tourne vers des partenariats avec d’autres vendeurs disposant d’une expertise réglementaire, tout en fournissant la sienne sur les produits et process gérés par sa plateforme.

« Ce que nous apprennent toutes ces évolutions réglementaires, c’est qu’on ne sait pas à l’avance d’où viendra la bonne solution, la plus adaptée à nos contraintes propres », souligne Julien Raimbault. « On doit préparer nos SI – qui ne l’étaient pas suffisamment il y a quelques années – à être ‘partner-ready’, c’est-à-dire prêts à se connecter, que ce soit à des petites fintechs ou à de plus gros acteurs technologiques, voire même à d’autres asset managers. »

Au-delà des défis posés en interne, les regtechs, dont les fournisseurs de solutions de reporting, ont encore de belles perspectives d’évolution devant elles. « Il s’agit plutôt d’éviter de considérer une réglementation de manière isolée. Il est préférable de relever les synergies entre réglementations semblables. Si les sociétés de gestion se concentraient jusqu’à présent sur une problématique en silos, il serait moins coûteux et plus facile d’adresser l’intégralité de leurs problématiques de reporting d’un seul front », conclut Alexis Wiazmitinoff.

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