Martina Weimert : « L’European Payment Initiative représente une opportunité unique »

Alexandra Oubrier
Martina Weimert, directrice générale de la compagnie intérimaire European Payment Initiative

A la veille de la décision de lancer la construction d’un réseau de paiement européen, Martina Weimert, directrice générale de la compagnie intérimaire European Payment Initiative, explique la complexité d’un tel projet.

Comment la compagnie intérimaire European Payment Initiative (EPI) se porte-t-elle treize mois après sa fondation ?

Nous en sommes à la phase de décision finale qui enclenchera la transformation de la compagnie intérimaire en une société cible. Les actionnaires du projet se préparent à prendre des engagements financiers importants et souhaitent que le processus de négociation arrive à son terme d’ici à la fin de l’année sans être perturbé par des rumeurs ou de fausses informations.

Qu’est-ce qui est déjà défini dans le projet EPI ?

Tout d’abord, l’étude de faisabilité a été conclue avant même la création de la compagnie intérimaire. Ensuite, les travaux de conception et de mise en œuvre ont été conduits dans le détail sur l’architecture technique, le produit, l’entreprise, sa gouvernance, le modèle économique, le plan de développement commercial…

Quels services l’EPI proposera-t-elle ?

EPI est conçue comme une plateforme unique comprenant une infrastructure de paiement, un scheme (des règles de fonctionnement) et une solution digitale fondée sur la carte bancaire et sur le virement instantané (SCT Inst), le tout permettant de payer dans diverses situations : paiement en ligne, en magasin, entre personnes et le retrait d’espèces. Chaque adhérent devra offrir l’ensemble des services à terme, mais les consommateurs et commerçants pourront choisir dans cette offre.

L’EPI pourrait-elle compter de nouveaux membres ?

Beaucoup d’acteurs du paiement sont encore dans l’expectative et attendent de savoir qui va effectivement s’engager dans la phase suivante du projet. Mais notre objectif est bien d’accueillir de nouveaux membres venant de pays qui ne sont pas représentés parmi les membres actuels, mais aussi des pays comptant déjà des participants à EPI. Certains échanges dans ce sens sont actuellement en cours.

L’équipe actuelle de l’EPI va-t-elle être renforcée prochainement ?

La compagnie intérimaire compte une cinquantaine de collaborateurs actuellement. Certaines personnes sont venues pour une durée limitée, leur mission touche à sa fin, mais une grande partie restera si la société est transformée en « target holding company ». D’autres devraient être recrutées bientôt.

Les réseaux de paiement domestiques existants dans certains pays européens, dont la France, vont-ils rejoindre ou se fondre dans l’EPI ?

EPI est une nouvelle solution et pas une fusion d’actifs existants. Nous n’intervenons pas sur les réseaux domestiques ou sur les solutions digitales nationales. Ce sont les actionnaires de ces entreprises qui en décideront. Chaque institution décidera de la façon dont elle souhaite transférer ses volumes de transactions vers EPI. Nous sommes européens avant tout, nous pouvons seulement nous préparer en créant des capacités à traiter tous les flux de transactions et en tenant compte des contraintes de performance industrielle et de sécurité. EPI apportera une plateforme unique sur laquelle les établissements pourront exécuter leurs transactions par carte bancaire ou par virement instantané. Le processing des opérations pourra être effectué indépendamment, au niveau national ou par EPI.

Comment les pays qui ont leur propre solution digitale – pas forcément fondée sur l’initiation de virement – vont-ils l’articuler avec l’EPI ?

Il en existe plusieurs, comme iDeal aux Pays-Bas, Bizum en Espagne, Paydirekt en Allemagne ou Paylib en France… Chacune propose un ou plusieurs usages, paiement entre particuliers, paiement e-commerce, paiement en magasin. Aucune solution ne traite l’ensemble de l’offre qu’EPI va proposer et nous faisons tout pour proposer aux marchés en question une alternative attractive par EPI. Comme pour les réseaux cartes domestiques, les actionnaires de chacune de ces solutions décideront comment ils voudront procéder avec leurs solutions nationales.

L’offre de l’EPI aura-t-elle un caractère innovant ?

L’innovation dépendra du marché concerné, tout dépend du point de départ et des offres disponibles dans chaque pays. Par exemple, la carte marche très bien en point de vente mais ne fonctionne pas en e-commerce dans tous les marchés. Nous allons créer un nouveau scheme carte qui permettra de payer en toutes situations, sauf pour le paiement entre particuliers qui reposera sur le virement instantané exclusivement. EPI sera le seul scheme à date à proposer deux moyens de paiement et une série de services à valeur ajoutée, à travers une seule interface digitale, avec une portée européenne.

La Banque centrale européenne a dit mettre Tips (Target Instant Payment Solution) à disposition d’EPI : est-ce avantageux ?

Tips est un dispositif de règlement-livraison mais d’autres existent aussi comme celui de Stet ou RT1 d’EBA Clearing. Chaque émetteur ou acquéreur adhérent d’EPI choisira le dispositif qu’il souhaite, nous n’avons pas vocation à imposer l’un d’entre eux.

Lors d’une conférence récente, vous avez appelé les soutiens à se manifester. Qu’en attendez-vous ?

Pour mener à bien un projet aussi ambitieux, nous avons besoin de tous les soutiens possibles. Les banques européennes seules n’ont pas les moyens d’imposer ce projet. Nous avons reçu l’appui des institutions européennes, de la Commission, de la Banque centrale européenne, de certains Etats membres comme la France, notamment. Nous répondons à l’objectif européen de rétablir la souveraineté dans les paiements et nous sommes heureux d’avoir reçu le support politique public des ministres des Finances des sept pays participants. EPI représente une voix européenne importante et légitime ainsi qu’une opportunité indéniable pour l’Europe. Nous avons besoin que tous ceux qui y croient se mobilisent maintenant pour réaliser tout notre potentiel !

Propos recueillis par Alexandra Oubrier

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