
Le stablecoin euro de Circle pourrait rogner la souveraineté monétaire européenne

En quelques années, les stablecoins, ces cryptomonnaies circulant sur la blockchain adossée au cours d’une monnaie fiat (euro ou dollar) ou d’une autre cryptomonnaie, ont pris une importance considérable au sein de la finance décentralisée (DeFi). Leur évolution est aussi regardée attentivement par les banques centrales à travers le monde. Selon un rapport de la Banque des règlements internationaux, la plupart d’entre elles travailleraient désormais au lancement d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), notamment poussées par l’utilisation croissante des stablecoins.
Actuellement, les stablecoins sont très prisés des investisseurs de la DeFi. Grâce à leur caractère stable, ils sont plus facilement utilisables comme effet de levier au contraire d’une cryptomonnaie comme l’ether ou le bitcoin dont le cours est par définition plus volatil. Manuel Valente, le directeur scientifique de la cryptobanque Coinhouse estime qu’ils auront une place «importante dans l’avenir du paiement. C’est plus rapide, moins cher et le potentiel de transparence est plus important avec une blockchain publique».
Une arme économique de plus pour les États-Unis
«Les blockchains publiques vont prendre de plus en plus d’importance. Ce secteur existe depuis maintenant plus de 12 ans. Je vois difficilement comment les acteurs bancaires traditionnels pourraient proposer quelque chose de plus pertinent au niveau de l’innovation financière», estime Claire Balva, directrice blockchain & cryptos chez KPMG.
Dans ce contexte, le fait qu’un acteur américain comme Circle, émetteur de l’USDC, soit le deuxième plus gros stablecoin du marché crypto avec 54 milliards de dollars de capitalisation, choisisse d’émettre un stablecoin euro pourrait s’apparenter à une bonne nouvelle. «Circle est un acteur réputé sérieux, qui a une bonne expertise pour gérer un stablecoin. Cela peut permettre à l’euro de circuler sur des infrastructures blockchain et donc d’exister», analyse le chercheur indépendant en régulation des actifs numériques Xavier Lavayssière. Claire Balva abonde dans ce sens : «Nous avons de plus en plus de clients qui cherchent à utiliser des alternatives aux stablecoins dollar».
Mais pour elle, cette situation pose un problème de souveraineté monétaire : «On peut se retrouver avec le seul stablecoin d’envergure émis par un acteur américain et donc pour le moment sous le coup de la réglementation américaine. Les Etats-Unis pourront gérer l’émission de ce stablecoin centralisé. C’est potentiellement un moyen de pression monétaire supplémentaire pour eux sur l’Europe».
De son côté, Xavier Lavayssière est plus sceptique sur le fait que «les blockchains publiques représentent entièrement l’avenir de la finance. Mais indéniablement, l’expertise sera déterminante pour le futur». Et aujourd’hui, l’expertise est du côté d’acteurs comme Circle.
Manque de stratégie au niveau européen
«Aujourd’hui, le fait qu’il n’y ait pas de gros stablecoin euro n’est pas dramatique. Mais le plus préoccupant, c’est que l’Europe ne semble pas avoir de stratégie claire pour exister dans le futur univers des cryptos et même en finance numérique de manière générale», explique Xavier Lavayssière.
La réglementation MiCA (Market in Crypto-Assets), actuellement en discussion dans les instances européennes a pour ambition affichée à la fois de protéger les consommateurs mais aussi de donner un cadre réglementaire clair pour permettre l’innovation. «Les discussions autour de MiCA visent essentiellement à mettre en place des règles pour protéger les consommateurs, mais qui ne permettent pas à de gros acteurs européens de se développer. Pendant ce temps-là, les Américains avancent», regrette Claire Balva. Dans un rapport paru fin mai, la Banque centrale européenne a pointé du doigt les risques systématiques des crypto-actifs pour le système financier, en raison de leur démocratisation et de leurs liens croissants avec les banques et les investisseurs institutionnels.
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RDC: à Ntoyo, dans le Nord-Kivu, les survivants des massacres commis par les ADF enterrent leurs morts
Ntoyo - Lundi soir, les habitants de Ntoyo, un village de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), s’apprêtaient à assister à des funérailles quand une colonne d’hommes armés a surgi de la forêt. «Parmi eux, il y avait de très jeunes soldats», raconte à l’AFP Jean-Claude Mumbere, 16 ans, rescapé d’un des deux massacres commis par les rebelles ADF (Forces démocratiques alliées) dans la nuit de lundi à mardi, l’un à Ntoyo et l’autre dans un village distant d’une centaine de kilomètres. Le bilan de ces attaques, au moins 89 tués selon des sources locales et sécuritaires, a peu de précédent dans une région pourtant en proie à une instabilité chronique, victime depuis trente ans de multiples groupes armés et conflits. Les ADF, groupe armé né en Ouganda et qui a prêté allégeance à l’Etat islamique, est connu pour une extrême de violence à l'égard des civils. «Ils étaient nombreux et parlaient une langue que je ne comprenais pas. De loin, ils portaient des tenues qui ressemblaient à celles des militaires», se souvient le jeune homme, venu assister mercredi aux funérailles de sa soeur, l’une des victimes de ce nouveau massacre perpétré dans la province du Nord-Kivu. Plus de 170 civils ont été tués par les ADF depuis juillet dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, selon un décompte de l’AFP. Plus au sud, malgré les pourparlers de paix de ces derniers mois, des affrontements se poursuivent entre l’armée congolaise (FARDC) et affiliés, et le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par le Rwanda et son armée, qui s’est emparé des grandes villes de Goma et de Bukavu. A Ntoyo, Didas Kakule, 56 ans, a été réveillé en sursaut par les premiers coups de feu. Il dit avoir fui avec femmes et enfant à travers les bananeraies pour se réfugier dans la forêt voisine, avec d’autres habitants. Tapis dans l’obscurité, les survivants n’ont pu que contempler leurs maisons consumées par les flammes. «Les coups de feu ont retenti longtemps. Ma maison a été incendiée, ainsi que le véhicule qui était garé chez moi. Chez nous, heureusement, personne n’a été tué», dit Didas Kakule. Jean-Claude Mumbere, lui, a été touché par une balle pendant sa fuite. «Ce n’est qu’après m'être caché dans la forêt que j’ai réalisé que je saignais», affirme-t-il. «Inaction» Mercredi, Ntoyo, 2.500 habitants, n'était plus qu’un village fantôme, et la plupart des survivants partis se réfugier dans l’agglomération minière voisine de Manguredjipa. Une dizaine de corps étaient encore étendus sous des draps ou des bâches, battus par une forte pluie. Des volontaires ont creusé des tombes, assistés par des jeunes des environs, et planté 25 croix de bois dans la terre humide. Une partie des dépouilles avait déjà été emportée par les familles, les cercueils ficelés à la hâte sur des motos. Parmi les quelques proches de victimes venus aux funérailles, Anita Kavugho, en larmes devant la tombe de son oncle. Il est mort "à cause de l’inaction des autorités qui ne réagissent pas aux alertes», peste la jeune femmme, une fleur à la main. Des pickups de l’armée congolaise stationnent non loin, devant un véhicule calciné. Le déploiement de l’armée ougandaise (UPDF) aux côtés de l’armée congolaise dans le nord-est de la RDC depuis 2021 n’a pas permis de mettre fin aux multiples exactions des ADF, groupe formé à l’origine d’anciens rebelles ougandais. Quatre militaires congolais étaient présents à Ntoyo au moment de l’attaque. Les renforts stationnés à environ 7 km à Manguredjipa sont arrivés trop tard. «C’est leur faillite, on signale aux militaires que les assaillants sont tout près, et ils n’arrivent pas à intervenir», lâche Didas Kakule, amer. Cette énième tuerie risque d’aggraver la «fissure» entre l’armée et la population, estime Samuel Kakule, président de la société civile de Bapere. Les ADF «se dispersent en petits groupes pour attaquer nos arrières», répond le lieutenant Marc Elongo, porte-parole de l’armée congolaise dans la région, présent à Ntoyo mercredi. Quelques jours auparavant, les forces ougandaises et congolaises s'étaient emparées d’un bastion ADF dans le secteur et avaient libéré plusieurs otages du groupe, selon l’armée. Mais comme souvent, les ADF se sont dispersés dans la forêt, et ont frappé ailleurs. Une stratégie pour attirer les militaires loin de ses bases, selon des sources sécuritaires. © Agence France-Presse -
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