Vivendi met en valeur Universal Music Group

Le groupe s'écarte de son modèle de conglomérat en distribuant à ses actionnaires 60% du capital d’UMG. Vincent Bolloré détiendra 17% de la maison de disques après l’opération.
Capucine Cousin
la maison de disques Universal Music Group (UMG)
UMG représente un peu plus de 45% du chiffre d'affaires global de Vivendi.  -  photo UMG.

Vivendi avance ses pions. Après de longs mois de réflexion, le conglomérat de médias et de divertissement a annoncé samedi matin son intention d’introduire à la Bourse d’Amsterdam sa filiale Universal Music Group (UMG) d’ici la fin de l’année. L’opération prendra la forme d’une distribution de 60% du capital de la maison de disques aux actionnaires de Vivendi. Le groupe contrôlé par Vincent Bolloré conservera ainsi en direct 20% du capital, sachant que le chinois Tencent détient déjà 20% d’UMG.

Vivendi compte répondre ainsi à une demande répétée de ses grands actionnaires, qui réclamaient la scission d’UMG pour «diminuer la décote de conglomérat de Vivendi», comme le groupe le reconnait lui-même, décote estimée en moyenne autour de 10% par les analystes de Barclays, mais qui est montée jusqu'à près de 30%. Selon nos informations, un fonds était prêt à faire publiquement entendre sa voix pour obtenir une scission. Ces investisseurs craignaient que Vincent Bolloré opte pour une vente d’UMG, en plus des20% déjà cédés à Tencent et utilise les fonds dans des fusions-acquisitions.

Déjà en 2017, Vivendi avait entretenu une certaine attente sur une possible IPO partielle de sa filiale. En novembre 2017, JPMorgan annonçait dans une note une valorisation possible de… 39 milliards d’euros de UMG, quand les autres banques l’évaluaient à 20 milliards tout au plus. Depuis, grâce à la cession de 20% du capital à Tencent, Vivendi a fixé une valeur plancher de 30 milliards d’euros pour UMG. Cette valeur représente à elle seule la capitalisation boursière de Vivendi.

Maintenant qu’il a pu «valoriser UMG à sa juste valeur» afin de «mieux servir les intérêts de ses actionnaires et favoriser ainsi la réalisation de son plan de développement d’un grand groupe de contenus, de médias et de communication», Vivendi veut passer à la phase deux.

Actif majeur pour Vivendi

Attendue, cette scission marque un changement majeur pour Vivendi. Outre le fait qu’UMG était le dernier vestige de l'époque Vivendi Universal de Jean-Marie Messier, cette scission privera le groupe d’un actif de poids. UMG représente un peu plus de 45% du chiffre d’affaires global de Vivendi et les trois-quarts de son excédent brut d’exploitation (Ebitda). Après avoir souffert de la digitalisation, la maison de disques, numéro un mondial de la musique, avec des artistes parmi les plus rentables, tels Lady Gaga, Taylor Swift, Drake, ou encore les Rolling Stones, a retrouvé la croissance. Sur les neuf premiers mois de 2020, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros, en hausse de 5,1% par rapport à la période correspondante de 2019.

Sa croissance ne peut que s’accélérer, estiment aussi les analystes, grâce à un marché musical porté par les abonnements aux services de streaming (Spotify, Deezer...). D’autant plus sur un marché transformé par la pandémie de Covid-19, qui a mis à l’arrêt depuis près d’un an concerts et festivals – jusque-là une des sources de revenus les plus juteuses pour les artistes. Vivendi a effectué pour «plus d’un milliard d’euros d’acquisitions de catalogues», souligne UBS dans une note. En décembre dernier, Vivendi a acheté l’intégralité des droits du catalogue de l’icône du folk Bob Dylan, auteur et compositeur de plus de 600 titres, pour un montant non révélé – il serait de 300 millions de dollars, selon le New York Times.

Et ce n’est pas fini : UMG a aussi signé des accords de streaming avec Tencent, Facebook, Peloton, et vient de signer un accord de licence à 100 millions de dollars avec le réseau social chinois TikTok, pour autoriser la diffusion des titres de son catalogue.

Vincent Bolloré, premier bénéficiaire

Une page se tourne, donc, pour Vivendi, qui détient la maison de disques depuis l’acquisition de Seagram en juin 2000. En cotant UMG, il se retrouvera recentré sur Canal+, le groupe de publicité Havas et le géant de l'édition Editis. Mais, grâce à la cession des 20% d’UMG à Tencent, Vivendi a rempli ses caisses pour de possibles acquisitions. Le groupe s’est récemment renforcé dans les médias, en France et en Espagne. Les 20% du capital d’UMG qu’il conserve constituent aussi une bonne réserve de valeur. «UMG vaut 35-40 milliards d’euros», estimaient les analystes d’UBS en début d’année.

En tant que premier actionnaire de Vivendi, Vincent Bolloré sera le premier bénéficiaire de la scission. Ses quelque 28% au capital de Vivendi lui permettront de recevoir environ 17% du capital d’UMG, soit une valeur de 5 milliards d’euros sur la base du prix payé par Tencent.

Cotation à Amsterdam

Compte tenue de la taille de l’actif UMG, centrale pour Vivendi, l’opération passera pas un vote des actionnaires. Une assemblée générale extraordinaire de Vivendi sera convoquée le 29 mars afin de se prononcer sur la distribution. Si elle donne son feu vert, «Vivendi poursuivra ce projet, avec une assemblée générale approuvant la distribution qui pourrait aboutir avant fin 2021», explique Vivendi. Le groupe compte aussi proposer un dividende ordinaire de 0,60 euro par action au titre de 2020 lors de l’assemblée générale qui statuera sur les comptes annuels de Vivendi le 22 juin prochain.

Les actions UMG seront «émises par la holding tête de groupe en cours de constitution». Elles seront cotées à la Bourse d’Amsterdam, où le droit commercial et la fiscalité sont plus favorables qu’ailleurs en Europe. Stellantis a également choisi les Pays-Bas pour y installer son siège social.

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