Un rapport de Place propose de généraliser les assemblées générales hybrides

Le Haut Comité juridique de la Place financière de Paris juge cependant prématuré de légiférer pour exiger un vote en direct et à distance.
Bruno de Roulhac

Quelles leçons tirer des assemblées générales à huis clos et des adaptations de la gouvernance des sociétés en raison de la crise sanitaire ? Le Haut Comité juridique de la Place financière de Paris (HCJP) vient de dévoiler son rapport sur «l’adaptation de la gouvernance des sociétés en valorisant l’expérience de la crise sanitaire». Rapport issu d’un groupe de travail mis en place sur proposition de la Chancellerie.

Dans l’urgence, le législateur a adopté une série de mesures pour faciliter l’exercice d’une collégialité distanciée, mais parfois «au mépris d’une bonne gouvernance». Ce rapport s’est donné pour mission de réfléchir à la pérennisation de certaines règles relatives aux conseils, à l’amélioration de la communication, et à la digitalisation des assemblées générales (AG).

Le groupe de travail émet le vœu que le vote en direct à distance puisse être proposé le plus souvent possible aux actionnaires qui en feraient la demande. L’Autorité des marchés financiers (AMF) milite pour cette évolution depuis le début de la crise Covid. Elle espérait initialement une généralisation pour les AG 2022, après l’expérience réussie d’Amundi en 2021. Le régulateur a fini par repousser ses exigences dans l’attente des conclusions du groupe de travail commun de l’Association française des entreprises privées (Afep) et de l’Association française des professionnels des titres (Afti) sur cette question.

Le HCJP juge «prématuré d’envisager l’insertion dans notre législation d’un droit pour les actionnaires d’exiger la possibilité de pouvoir participer ainsi aux assemblées générales». Pourtant, ce mode de participation se développe à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, tandis que l’Espagne vient de modifier son droit. «Il serait bien de généraliser les assemblées générales hybrides, mais quelques obstacles techniques demeurent, notamment les difficultés d’identification des actionnaires, confie Alain Couret, coprésident du groupe de travail, professeur émérite à Paris I-Panthéon Sorbonne, avocat associé chez KPMG avocats. Même si les émetteurs ne sont pas favorables aux assemblées hybrides, ces obstacles ne sont pas dirimants, et le sens de l’histoire nous conduit à cette évolution.» En clair, les émetteurs ne veulent pas se laisser surprendre par des résultats de vote qu’ils découvriraient en AG, alors qu’ils les connaissent aujourd’hui avant la tenue de l’assemblée. D’où une certaine préférence pour le vote par correspondance, que le groupe propose de rendre de droit sous forme électronique.

L’Etat doit donner l’exemple

Face au manque d’expérience soulevé par les émetteurs, et alors que Bruno Le Maire, à l’époque ministre de l’Economie, «s’était plaint de ce retard, le rapport invite l’Etat à donner l’exemple dans les grandes sociétés cotées qu’il contrôle, poursuit Alain Couret. L’argument d’inexpérience ne pourra alors plus être invoqué par les émetteurs. D’autant que, dans les sociétés non cotées, les assemblées générales totalement dématérialisées fonctionnent très bien».

Le rapport propose également des modifications des textes en vigueur afin de sécuriser l’exercice du vote à distance et de garantir l’égalité des droits entre les actionnaires votant en présentiel et ceux votant à distance. «Certains membres du groupe de travail voulaient réserver la possibilité de demander la révocation d’un administrateur sur incident de séance aux seules personnes présentes physiquement, confie Alain Couret. Une demande difficilement recevable au nom de l’égalité des droits.»

L’une des mesures est d’allonger la record date en reportant la date d’inscription en compte du deuxième jour ouvré au cinquième jour ouvré (autrement dit au septième jour calendaire) précédant l’assemblée générale.

Sur un plan pratique, le rapport souhaite la normalisation d’une carte d’admission virtuelle pour permettre une correcte identification des actionnaires, tout en demandant un développement des fonctionnalités de Votaccess. Toujours dans un souci de sécurité juridique, le rapport propose des aménagements au régime des nullités. En particulier, en limitant la nullité des résolutions en cas de défaillance des systèmes électroniques. D’une part, l’actionnaire demandeur devra démontrer que la résolution adoptée en dépit de la défaillance lui fait grief. D’autre part, l’action sera possible seulement dans les trois mois suivant la tenue de l’assemblée.

Tous les conseils pourraient se tenir en ligne

Le rapport propose aussi d’assouplir les modalités de réunion des conseils et organes de direction. Notamment en permettant à toutes les SA de recourir à la visioconférence pour la tenue du conseil, y compris pour l’approbation des comptes annuels et du rapport de gestion, ce qui est aujourd’hui interdit par la loi en temps normal. Les SA cotées n’auraient pas la possibilité de s’opposer à cette tenue du conseil à distance. Pour les autres sociétés, le rapport invite à la liberté statutaire pour autoriser ou non la télétransmission.

Le rapport propose aussi de généraliser la consultation écrite des membres des conseils dans les SA, tout en laissant aux statuts la possibilité de limiter le champ d’action, et de permettre à tout administrateur d’une société cotée de s’opposer à une consultation écrite.

Pour faciliter la communication avec les actionnaires, le rapport propose de généraliser la communication par voie électronique, via les intermédiaires pour les actionnaires au porteur, et de faire de la convocation électronique aux assemblées générales le principe.

«L’ensemble des modifications proposées pourraient être facilement mises en œuvre, conclut Alain Couret. Si les mesures relatives au régime des nullités relèvent de la loi, d’autres, par exemple concernant la ‘record date’, dépendent du simple règlement, tandis que d’autres encore sont du ressort des bonnes pratiques.»

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