Thales dispose de munitions pour retrouver son statut de valeur refuge

La Bourse, qui a sanctionné le groupe pendant la crise du Covid-19, oublie un peu vite les vertus des activités de défense.
Julien Marion
Thales
Thales est une valeur «dédaignée et sous-évaluée» par le marché.  -  Crédit J. Kobel/Thales

Le coronavirus a éclipsé les qualités défensives de Thales. Si l’action du spécialiste de l'électronique de défense et industrielle avait bien résisté à la crise des subprimes de 2008-2009, elle perd 26% sur l’ensemble de 2020 et évolue à des cours déprimés.

Thales s'échange actuellement 11,7 fois ses bénéfices attendus pour 2021, contre 27 fois pour Safran et 24,8 fois pour Airbus, deux groupes pourtant bien plus exposés à la chute du trafic aérien que l’ex-Thomson-CSF. «L’action n’a pas été aussi résiliente qu’on pouvait l’espérer, les résultats ont été pénalisés par la crise», résume un analyste parisien.

Les investisseurs ne doivent cependant pas exagérer les répercussions de la pandémie sur l’industriel. «La sanction boursière a été trop marquée par rapport au potentiel du titre», poursuit cet analyste. JPMorgan Cazenove considère pour sa part que Thales constitue une valeur «dédaignée et sous-évaluée» par le marché et a relevé mi-août sa recommandation de «neutre» à «surpondérer» sur le titre.

Un rôle d’amortisseur

Au premier semestre, les résultats de l’industriel ont été minés par l’effondrement de la demande de l’aéronautique civile et par les mesures de confinement qui ont plombé la production sur l’ensemble de ses activités. Ce deuxième impact devrait toutefois se résorber en grande partie au second semestre. En juillet, Thales avait indiqué qu’il escomptait retrouver des niveaux de productivité interne proches de la normale «dès l’été».

Par ailleurs, l’exposition de l’industriel à l’aéronautique civile, secteur qui sera durablement affecté par la crise, s’avère limitée, à environ 11% du chiffre d’affaires. Citi juge à ce titre que «le marché se concentre trop sur la division Aérospatiale» où sont intégrées ces activités civiles.

Les autres segments de Thales, comme la sécurité numérique ou le transport terrestre, souffriront bien moins de la crise au cours des prochains mois. La défense, qui représentait près de 45% des revenus au premier semestre, devrait particulièrement jouer son traditionnel rôle d’amortisseur. Citi table sur une nette reprise de l’activité de la division Défense et Sécurité avec un retour à la croissance dès le quatrième trimestre. Morningstar se dit confiant dans les perspectives de cette division car Thales propose «des produits dans des domaines en croissance, tels que la cybersécurité, les communications militaires et les capteurs numériques».

Certains investisseurs redoutent que la crise conduise à une contraction des dépenses militaires. Patrice Caine, le PDG de Thales, a toutefois livré un message rassurant sur ce point, fin juillet, affirmant qu’aucun Etat n’avait évoqué un tel scénario. «Au contraire, nos deux plus grands clients, la France et l’Australie ont confirmé des budgets en croissance», a-t-il déclaré aux analystes.

L’agence de notation Moody’s s’attend pour sa part à ce que la demande mondiale dans les activités de défense reste stable en 2020 et 2021, soutenue notamment «par une modernisation des équipements et des tensions géopolitiques fortes».

Une dynamique de commandes positive

Thales dispose de munitions pour redorer son blason boursier et retrouver son statut de valeur refuge. Citi est convaincu que la valeur reste défensive et s’attend en conséquence à ce qu’elle bénéficie à nouveau d’une prime au fur et à mesure que les investisseurs reprendront confiance.

«S’ils arrivent à tenir leur objectif 2020 de ‘book to bill’ [ratio de prises de commandes rapportées au chiffre d’affaires, ndlr] supérieur à 1, ils démontreront leur capacité à engranger des commandes et prouveront leur résilience», juge un analyste. «Cela dépendra en grande partie des activités de défense», ajoute cet intermédiaire financier. Dans le sillage de la publication des résultats semestriels en juillet, Oddo BHF avait affiché sa confiance sur ce point, indiquant s’attendre à «un momentum soutenu de prises de commandes dans les prochains mois».

De plus, «une nouvelle commande de Rafale à l’export aiderait sûrement l’action à mieux se porter», juge un analyste basé à Londres, les équipements de l’industriel représentant environ 25% de la valeur de l’avion de chasse. Plusieurs médias ont rapporté en début de semaine des discussions entre la Grèce et la France sur des ventes militaires qui pourraient inclure des contrats Rafale. Contactés par l’agence Agefi-Dow Jones, le ministère des Armées n’a pas répondu dans l’immédiat à une demande de commentaire tandis que Dassault Aviation, le fabricant de l’avion de chasse, et Thales n’ont pas souhaité s’exprimer.

Les investisseurs devront, dans tous les cas, scruter avec attention la capacité de Thales à engranger les commandes lors des prochains mois. La valorisation actuelle du groupe leur offre un pari à moindre coût, qualifié de «bon point d’entrée» par JPMorgan Cazenove. Plus largement, 60% des analystes sondés par FactSet recommandent d’acheter le titre. Ils n'étaient que 40% voilà un an. L’action Thales se trouve en bonne position pour regagner des altitudes boursières plus conforme à ses fondamentaux.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Aéronautique - Défense

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...