
L’indispensable raison d’être

Au cœur du mois d’août s’est joué aux Etats-Unis une petite révolution copernicienne. Les dirigeants des principales entreprises américaines ont admis qu’ils relevaient d’un écosystème dont toutes les composantes étaient en droit de leur demander des comptes, et pas seulement les actionnaires. Ceux-ci, dont le profit était érigé en vertu cardinale outre-Atlantique, perdront bientôt leur primat. Ce changement autoproclamé de paradigme semble trop beau pour être désintéressé. L’exclusivité donnée à la rémunération du capital servait en priorité celle de managers passés maîtres dans l’art de gonfler leur bénéfice comptable et leur cours de bourse ; pour le reste, les administrateurs restaient trop souvent sourds aux revendications des investisseurs. Dès lors que ces mêmes actionnaires n’hésitent plus à nouer des alliances de circonstance afin de contester la stratégie de l’entreprise, et intègrent dans leur analyse des critères extra-financiers, il est temps pour les dirigeants soumis au jugement du marché de revendiquer une autre grille d’évaluation (lire le Dossier GPGE 2019).
Pour opportuniste qu’elle paraisse, la démarche entre en résonance avec un mouvement bien plus avancé en Europe. Au Royaume-Uni, en Suisse, en France où l’entreprise « à mission » s’inscrit depuis peu dans les textes, de multiples initiatives ont fait progresser ces dernières années les pratiques de gouvernance. Verra-t-on pour autant un modèle européen s’imposer dans ce domaine ? La diversité des systèmes juridiques et des cultures managériales – que l’on songe à la cogestion à l’allemande – permet à ce stade d’en douter. Forcer la convergence par des lois ou des directives n’apparaît guère réaliste. C’est plutôt par la pratique qu’une forme de gouvernance à l’européenne, respectueuse de toutes les parties prenantes, pourra émerger. De puissants moteurs de changement sont à l’œuvre, qui débordent les cadres strictement nationaux. Les grands investisseurs, activistes ou non, poussent à un fonctionnement plus démocratique des conseils d’administration. Leurs politiques d’engagement s’écrivent à l’échelle d’un continent ou du monde, et se réfèrent à des principes internationaux.
Qu’elles émanent des patrons américains ou européens, les déclarations d’intention devront donc être suivies d’effet. Le statu quo sera d’autant moins supportable qu’un certain capitalisme de rentiers est aujourd’hui attaqué de toutes parts, et pas seulement par les tenants d’un égalitarisme forcené, comme en témoigne l’entretien du prix Nobel Joseph Stiglitz dans nos colonnes (lire page 6). Entre urgence climatique et montée des inégalités, le système est sommé de justifier sa « raison d’être ».
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