L’Europe sonne la charge contre l’automobile électrique chinoise

En lançant une enquête sur la politique de subvention des véhicules électriques menée par Pékin, Bruxelles engage un bras de fer lourd d’enjeux pour l’industrie automobile européenne.
véhicules électriques electric car
L'Union européenne durcit le ton face à la concurrence chinoise en matière de voiture électrique  -  © European Union

Des «pratiques prédatrices». Face à la déferlante annoncée d’automobiles électriques chinoises dans l’Union européenne, l’Europe durcit son discours et contre-attaque face à une concurrence jugée déloyale. «Les marchés mondiaux sont aujourd’hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché, dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives», a accusé mercredi Ursula von der Leyen dans un discours au Parlement européen à Strasbourg.

«L’Europe est ouverte à la concurrence. Pas à un nivellement par le bas», a plaidé la présidente de la Commission européenne qui indique l’ouverture d’une enquête sur les conditions financières et les subventions qu’accorde Pékin à son industrie automobile dans le domaine de l’électrique, qu’il s’agisse de véhicules 100% électriques ou hybrides rechargeables.

L’enjeu ? Préserver l’industrie automobile européenne face au raz-de-marée annoncé de cette concurrence chinoise bien déterminée à se faire une place sur le marché des Vingt-Sept.

La menace d’une déferlante

En retard sur les motorisations thermiques, la Chine a mis l’accent sur l’électrique où elle a creusé l’écart, notamment grâce à son avance sur les batteries. Mais désormais confrontée à un ralentissement de son propre marché et la perspective d’une consolidation entre des centaines de concurrents, la conquête à l’export fait figure de priorité. Leurs exportations ont bondi de 31% en août, après 63% en juillet, selon les données officielles. Et l’Europe fait figure de cible favorite. Selon la société Inovev, la part de marché des voitures électriques neuves chinoises devrait atteindre 8% en 2023, contre 4% en 2021. Selon les anticipations de la banque UBS (voir graphe), l’offre chinoise pourrait en effet capter 20% du marché d’ici à 2030.

Les entreprises européennes «sont souvent battues sur le terrain des prix par des concurrents bénéficiant d'énormes subventions publiques. Nous n’avons pas oublié combien notre industrie solaire avait pâti des pratiques commerciales déloyales de la Chine», a plaidé mercredi Ursula von der Leyen.

Alors que ses intentions d’obtenir un second mandat à la tête de la Commission européenne ne font aujourd’hui plus guère de doute, le ton offensif de la présidente allemande à l’égard de la Chine a été relevé. Avec cette enquête, la Commission se donne en effet 13 mois pour évaluer la nécessité d’imposer des droits de douane supplémentaires, actuellement fixés aux 10% en vigueur dans le secteur. Une mission qui incombera au prochain exécutif européen qui s’installera en 2024, après les élections européennes prévues en juin.

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Le secteur applaudit, les politiques aussi

L’initiative bruxelloise a été saluée par l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), principal lobby de la filière dans l’Union. Cette annonce montre que «la Commission européenne reconnaît la situation de plus en plus asymétrique à laquelle notre industrie est confrontée et se penche en urgence sur les distorsions de concurrence dans notre secteur», a indiqué Sigrid de Vries, la directrice générale de l’ACEA.

Même approbation du côté des exécutifs français et allemand. Si la France avait multiplié les critiques ses derniers mois, ne cachant plus son inquiétude face aux ambitions chinoises, considérées comme une véritable bombe à retardement pour les ambitions de réindustralisation portées par l’Elysée et Bercy, Paris est désormais soutenu, sinon rejoint, par Berlin.

Si les subventions chinoises «ne sont pas conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce, il faut que l’Europe puisse riposter», a souligné Bruno Le Maire qui y voit «une très bonne décision». Et le ministre français de l’Economie d’insister : «nous voulons une coopération économique avec la Chine, mais la coopération économique, ce n’est pas la faiblesse, il y a des règles, elles sont les mêmes pour tous, qu’on s’appelle la Chine ou qu’on s’appelle l’Europe. Il est nécessaire de vérifier que les règles sont respectées par tout le monde.»

Outre-Rhin, des craintes de rétorsion

«C’est globalement la bonne attitude», a pour sa part estimé le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, lors d’une conférence de presse à Berlin. «Il ne s’agit pas d’exclure du marché européen des voitures performantes et bon marché, mais de voir s’il y a des subventions cachées, directes ou indirectes, qui représentent un avantage concurrentiel déloyal», a-t-il plaidé.

La position de l’Allemagne est sans surprise plus nuancée que celle de Paris. Au cœur des réticences allemandes figurent à la fois la difficulté de s’émanciper d’une politique économique jugée – trop – mercantiliste pour son industrie en général et son secteur automobile en particulier, mais aussi la crainte de futures mesures de rétorsion de la part de la Chine, un marché crucial pour ses propres constructeurs. La Chine contribue à plus de 20% du résultat d’exploitation de Mercedes, une proportion qui grimpe à 25% chez Volkswagen, 30% chez Porsche et même 35% chez BMW.

Les investisseurs ne s’y sont pas trompés, offrant à Renault la meilleure performance du CAC 40 avec une hausse de plus de 2% mercredi en clôture, quand les constructeurs allemands faisaient du surplace à Francfort.

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