
Les activistes attaquent par les flancs de l’environnement et du social

Des attaques activistes imminentes ? Dans son dernier rapport sur l’activisme en Europe, le cabinet de conseil Alvarez & Marsal anticipe une hausse de 10% des cibles à risque à court terme depuis le printemps dernier, soit 58 sociétés visées dans les six à douze prochains mois et 90 dans les 12 à 18 mois. Au point d'évoquer un «âge d’or» de l’activisme. Certaines entreprises pourraient même être victimes d’attaques multiples cette année.
La trêve liée à l’arrivée de la crise du Covid est bel et bien terminée. Les campagnes activistes ont rebondi de 22% en mars-septembre 2021 en Europe par rapport à la même période de 2020, tandis qu’elles reculaient de 26% aux Etats-Unis. Signe de l’attrait des entreprises européennes pour les fonds activistes ! De son côté, Bloomberg a relevé 220 campagnes activistes en 2021, contre 183 en 2020 et 238 en 2019. «La reprise crée les opportunités, explique Guillaume Martinez, associé d’Alvarez & Marsal à Paris et co-auteur de l’étude avec Siham Slaoui. Les activistes réalisent des benchmarks (comparaison, ndlr) entre sociétés du même secteur et pourraient cibler celles qui profitent moins du rebond économique. Surtout, ils articulent désormais leur stratégie entre performance opérationnelle et respect des exigences ESG [environnementales, sociétales et de gouvernance, ndlr]»
Alors que la transition énergétique est devenue un incontournable pour toutes les sociétés, les exigences environnementales et sociétales de plus en plus fortes constituent des points d’entrée pour les activistes. Les campagnes activistes sur ces thématiques ont été multipliées par 2,5 entre 2018 et 2021, alors que celles sur la gouvernance ont reculé d’un tiers. Mais, mauvaise nouvelle pour les cibles, ce critère ne se substitue pas aux autres : il s’ajoute. Ainsi, la probabilité qu’une entreprise attaquée sur ses performances financières le soit aussi sur sa stratégie environnementale et sociale était de 37% en 2021, contre 14% en 2020. «Si les défauts de gouvernance restent un sujet aux Etats-Unis, ils sont d’avantage adressés en Europe, grâce à des conseils d’administration plus attentifs, poursuit Guillaume Martinez. En matière de transition énergétique, les activistes, qui se veulent acteurs du changement, devraient s’intéresser aux secteurs les plus concernés, l’énergie, les transports dont l’automobile.»
Des cibles à plus de 20 milliards d’euros
Autre nouveauté, les activistes n’hésitent plus à attaquer des cibles de plus en plus importantes, en s’inscrivant dans une recherche de création de valeur sur le long terme. La capitalisation moyenne des cibles serait de près de 24 milliards d’euros, contre 14 milliards en 2020, puis 20 milliards en 2021. Parallèlement, les activistes devraient continuer à rester plus longtemps au capital. L’an dernier, ils restaient en moyenne 532 jours, contre 419 jours en 2018. «Ces actionnaires, de moins en moins des arbitragistes et des hedge funds court-termistes et de plus en plus des fonds long, pourraient rester plusieurs années afin d’accompagner la transition écologique dans une stratégie d’accompagnement sur le long terme», anticipe Guillaume Martinez.
Quelles entreprises pourraient être les principales cibles ? Si les sociétés britanniques demeurent en tête du classement avec 55 entreprises visées (contre 59 fin mars), l’Allemagne prend la deuxième place avec 27 cibles (contre 22), reléguant la France en troisième position avec 23 sociétés à risque (contre 26). Alvarez & Marsal explique cet intérêt pour les entreprises allemande par la crise liée à la fois au Covid, aux difficultés d’approvisionnement et à la transition numérique. Si les entreprises françaises affichent parfois des performances plus faibles, leur multiple de capitalisation des bénéfices (PER) est supérieur de 3,3% à celui des autres entreprises mondiales, ce qui les protège des attaques, d’autant qu’elles obtiennent des notes ESG supérieures à la moyenne. Aussi, après une année 2022 active, avec 9 à 10 cibles potentielles en France, le premier semestre 2023 «devrait redevenir plus calme», anticipe l’étude.
Consommation et santé sont particulièrement visées
Du côté sectoriel, la consommation (luxe, habillement, loisirs médias), portée par la reprise, devrait être le compartiment le plus menacé avec 13 cibles (contre 11 en avril) pour 2022. «La distribution, jusqu’alors considérée comme une cause perdue par les activistes à cause de ses graves problèmes structurels, redevient attrayante, grâce à la transition digitale réussie et aux perspectives de consolidation du secteur, précise Guillaume Martinez. Au sein du luxe, les questions environnementales et la recherche de relais de croissance deviennent des sujets différenciants.» La santé reste dans le collimateur des activistes, qui pourraient exiger une amélioration de la rentabilité et de la génération de cash, avec 9 cibles pour cette année (contre 7 en avril). «Les fonds verront rapidement les gagnants et perdants de la crise covid et pourraient inciter à des opérations de M&A, notamment pour acquérir des nouvelles technologies», selon Alvarez & Marsal. En revanche, la technologie est plutôt visée à moyen terme, avec 16 cibles à 12-18 mois, contre 6 pour 2022. «Face à des grands groupes très diversifiés et à faibles marges, nous pressentons des revues de portefeuille, en vue de cessions ou de scissions d’activités porteuses qui pourraient entrées en Bourse, et permettre ainsi une revalorisation de l’ensemble du groupe», anticipe Guillaume Martinez.
Si dans le passé, «les conseils d’administration ont souvent réagi avec virulence, ils ont toujours porté un grand intérêt aux interventions des activistes et reconnaissent y avoir trouvé des éléments intéressants, confie Guillaume Martinez. Les fonds activistes se veulent des interlocuteurs et des acteurs constructifs de la transformation des entreprises qu’ils ciblent. Ils viennent pousser le management à passer des paroles aux actes !»
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