Les actionnaires institutionnels deviennent plus sévères sur le «say-on-climate»

Les investisseurs institutionnels sont de moins en moins enclins à soutenir les résolutions déposées par les entreprises, constate SquareWell.
Bruno de Roulhac
écologie vert green climat environnement
Un quart des résolutions climatiques d’actionnaires ont été approuvées en 2021 mais seulement 15% en 2022.  -  Crédit Fotolia.

Le climat devrait continuer à agiter la prochaine saison des assemblées générales. La forte progression de résolutions déposées tant par les entreprises que par les actionnaires pourrait se confirmer cette année. Le nombre de say-on-climate déposés par les entreprises a plus que doublé entre 2021 et 2022 à 46 résolutions, selon une étude SquareWell. Pour plus des trois quarts des entreprises, c’était une première ! Notamment en France, essentiellement dans le secteur des foncières, et au Royaume-Uni, principalement parmi les financières. « Ce mouvement chez les midcaps immobilières françaises (Carmila, Icade, Mercialys et Nexity) s’explique sans doute par un effet d’entraînement et sous l’incitation des investisseurs. Il reste toutefois unique dans le monde », précise Louis Barbier, associé SquareWell. Les sociétés adeptes des résolutions climat sont surtout des utilities, des financières, des industriels et des énergéticiens. L’an dernier, le Royaume-Uni était le plus actif, avec 15 résolutions présentées (contre 8 en 2021), devant la France et ses 12 résolutions (3 en 2021), et … aucune en Allemagne par exemple.

La publication d’un rapport climatique est nécessaire

Avec la modification du code Afep-Medef en décembre dernier pour intégrer plus d’exigences en matière de RSE et de stratégie climatique, « nous pourrions avoir davantage de say-on-climate cette année, poursuit Louis Barbier. Toutefois, les attentes ne sont pas homogènes et la priorité devrait être donnée à la publication de rapports climatiques et au renforcement des engagements, sans forcément le formaliser par un vote. De plus, d’autres préoccupations géopolitiques et économiques pourraient l’emporter ». Plus que le dépôt d’une résolution, « l’inscription d’un point à l’ordre du jour sur le plan de transition énergétique, comme l’a fait la Société Générale l’an dernier peut être un bon compromis, souligne Louis Barbier. Si la présentation d’un plan climatique est nécessaire – avec un cadre qui se met en place progressivement – le vote ne l’est pas. Les investisseurs mécontents peuvent toujours voter contre les administrateurs, voire céder leurs actions ! »

Une résolution climatique sur deux péchait par manque de précisions essentielles : absence d’objectifs à court terme (2025), absence de validation des objectifs par l’initiative Science Based Targets (SBTi), ou encore absence d’alignement sur l’accord de Paris.

Néanmoins, toutes ces résolutions ont été approuvées, en moyenne à 86%, dont quatre à moins de 70%. Un recul par rapport au plébiscite de 93% de 2021. Signe de la plus grande réticence des actionnaires. Les sociétés inscrites sur la «Focus List» de Climate Action 100+ ont été moins bien soutenues par leurs actionnaires. En effet, les investisseurs institutionnels sont plus sévères, jugeant souvent les plans climatiques peu ambitieux. Le soutien des 25 plus grandes gestions a baissé de 15%, certains, comme Amundi (avec un soutien de 40% des résolutions en 2022 contre 95% en 2021), BNP PAM (passé de 72% de soutien en 201 à 22% en 2022), Legal & General (passé de 82% à 40%) et Franklin Templeton (passé de 89% à 48%) étant plus exigeants. « Ces résultats pourraient inciter les émetteurs à faire preuve de prudence et à mesurer la prise de risque avant de présenter un say-on-climate », suggère Louis Barbier.

Les actionnaires déposent davantage de résolutions

Parallèlement, entre janvier 2018 et août 2022, des actionnaires ont déposé 291 résolutions à caractère environnemental, concernant 153 entreprises. Là encore, 2022 a été l’année la plus active avec 79 résolutions déposées contre 69 en 2021. Toutefois, les tentatives sont rarement concluantes. Seules 17 résolutions ont été adoptées en 2021, et seulement 12 en 2022.

Le champ d’action des investisseurs s’élargit. Si plus d’une entreprise sur deux ciblée est américaine, viennent ensuite les sociétés australiennes, canadiennes, japonaises et britanniques, et pour la première fois un acteur suisse (Credit Suisse) l’an dernier. Leurs cibles sont avant tout des financières (40%) et des énergéticiens (20%). « Les actionnaires s’en prennent en priorité au cœur du financement de l’économie en s’attaquant aux financières, espérant un effet de ruissellement sur les autres secteurs, constate Louis Barbier. Ils commencent aussi à déposer des résolutions sociales ».

Des points de vue d’investisseurs opposés

Deux fois plus souvent qu’en 2021, les investisseurs ont demandé l’an dernier aux entreprises d’adopter et de divulguer des objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de publier un rapport sur le financement de leur transition climatique. « Ces résolutions sont de plus en plus prescriptives et ne se contentent plus de demander la publication d’un simple rapport climatique, relève Louis Barbier. Aussi, les grands fonds passifs soutiennent de moins en moins ces résolutions, jugeant qu’elles relèvent du management de l’entreprise ». Le dernier rapport de ShareAction montre que les quatre premiers gestionnaires d’actifs mondiaux (BlackRock, Vanguard, Fidelity et State Street) ont soutenu seulement 20% des résolutions environnementales en 2022 contre 32% en 2021.

Ainsi, l’année 2021 record avec un quart des résolutions climatiques d’actionnaires approuvées, ne s’est pas reproduite, le taux d’approbation tombant à 15% en 2022. Une baisse particulièrement forte dans le secteur énergétique. Ces résolutions ne bénéficient pas toujours du soutien des agences de conseil en vote. ISS et Glass Lewis ont ainsi recommandé de voter contre les «say-on-climate» d’actionnaires même si elles ont plus souvent soutenu les résolutions demandant la publication d’objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

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