Les actionnaires attendent toujours des avancées sur les AG hybrides

La F2iC et Proxinvest souhaitent leur mise en place. L’Af2i rappelle que les mutuelles en disposent déjà. Les agences extra-financières pourraient l’intégrer à leur notation.
Bruno de Roulhac

La saison automnale des assemblées générales reprend cette semaine, notamment avec Pernod Ricard le 10 novembre et Sodexo le 19 décembre, pour les plus grandes sociétés. L’assemblée générale, acmé de la vie d’une société, moment où l’actionnaire donne son avis « sur les décisions clés pour l’entreprise » est aussi « un lieu d'échanges et un moment de dialogue privilégié avec ses dirigeants », selon l’AMF. Pourtant, tous les actionnaires ont-ils la possibilité de s’exprimer ?

« Au nom de l’égalité de traitement, tous les actionnaires doivent pouvoir assister à l’AG, physiquement ou à distance, débattre et voter en direct, demande Charles-Henri d’Auvigny, président de la Fédération des Investisseurs Individuels et des Clubs d’investissement (F2iC). Techniquement, tout fonctionne ». Alors que l’AMF s’est plusieurs fois félicitée de la nette progression des investisseurs individuels actifs, dont l’âge moyen a reculé de huit ans, et est maintenant égal à 54 ans, « ces actifs veulent participer aux assemblées générales derrière leur écran », ajoute Charles-Henri d’Auvigny. En assemblée générale, « il est important que les actionnaires puissent exprimer tous leurs droits – poser des questions, voter, nommer ou révoquer des administrateurs – de la même façon, qu’ils soient présents ou à distance », souligne Charles Pinel, directeur général de Proxinvest.

Permettre une réelle interaction

« Nous privilégions les assemblées physiques, où nous pouvons réagir directement sans intermédiaire, confie Hubert Rodarie, président l’Association française des investisseurs institutionnels (Af2i). Pour autant, nous ne devons pas nous priver d’assemblée hybride, si elles permettent réellement d’interagir en posant des questions et en votant en ligne en direct. Les mutuelles du livre II ont déjà cette possibilité d’AG en visioconférence et de votes en ligne ».

Même si les actionnaires ont pour habitude de voter par correspondance en amont de l’assemblée, depuis la loi NRE de 2001 le vote à distance est possible. « Nous sommes favorables à la mise en œuvre des AG hybrides, ajoute Loïc Dessaint, responsable de la gouvernance chez Proxinvest. En bonne pratique, l’AG devrait être un lieu d’échange, où l’entreprise expose sa politique, échange en direct avec les actionnaires, sur un mode contradictoire comme en justice. Seulement ensuite les actionnaires peuvent prendre leur décision et voter ». En fonction de leur situation, « nos membres n’ont pas toujours les mêmes attentes, poursuit Hubert Rodarie. Certains préfèrent voter par correspondance, d’autres assister aux AG. Dans tous les cas, la démocratie actionnariale ne doit pas être dévaluée et doit jouer son rôle, surtout en cas de difficultés ».

Donner le temps de l’analyse aux actionnaires

L’AG hybride favorise cet objectif en permettant au plus grand nombre d’actionnaires de participer au débat. Mais cet idéal fait face à une réalité plus complexe. Les émetteurs doivent diffuser les informations au plus tard à J-21 et les actionnaires étrangers doivent transmettre leur vote une à deux semaines avant l’AG, ce qui laisse peu de temps aux agences de vote pour émettre leur opinion et à l’actionnaire institutionnel pour voter. « Avec un vote en direct et à distance, on multiplie par trois le temps d’analyse et de dialogue des actionnaires en amont de l’assemblée », poursuit Loïc Dessaint.

Alors que les émetteurs sont très réticents à proposer une AG hybride, les plus avancés se contentant de permettre des questions en direct, quand elles ne sont pas filtrées, l’aiguillon pourrait venir des agences de notation extra-financières. A ce jour, l’existence d’une assemblée générale hybride, permettant le vote en direct et à distance « n’est pas un critère d’appréciation dans notre note Gaïa, explique Xavier Leroy, responsable des activités conseil chez EthiFinance, spécialiste européen de la notation financière et extra-financière. Néanmoins, comme chaque année, nous réviserons début 2023 nos critères et l’AG hybride fait partie des sujets que nous pourrions intégrer dans notre référentiel ». Toutefois, EthiFinance soulève deux limites. D’une part, le groupe note en extra-financier 2.300 valeurs européennes et ne peut fixer un critère, si la réglementation locale ne permet pas son application. D’autre part, Gaïa couvre essentiellement des ETI et PME. Cependant, « cela fait partie d’une bonne pratique de faciliter d’accès l’assemblée générale à tous les actionnaires », ajoute Xavier Leroy.

Une invitation à la prudence sur les résolutions

De leur côté, les émetteurs veulent connaître leur vote en avance. Parfois sans bien anticiper. Ainsi au printemps dernier Stéphane Richard a renoncé deux jours avant l’AG à sa rémunération exceptionnelle de 475.000 euros face à « l’incompréhension de certains actionnaires », expliquait alors Orange. « Une incertitude sur le résultat du vote poussera l’émetteur à améliorer le dialogue avant l’AG et à faire preuve de plus de prudence », espère Loïc Dessaint. Et le développement de l’engagement actionnarial « pourrait pousser les investisseurs à s’exprimer davantage en AG, au lieu de le faire en amont », anticipe Charles Pinel.

Au-delà du vote, « la vie actionnariale mérite toujours d’être améliorée pour faciliter le dialogue entre actionnaires, et entre actionnaires et dirigeants. Les enjeux des votes sont importants, les procédures de dépôt et d’acceptation des projets de résolutions, devraient être clarifiés quant aux possibilités d’inscription et de décision du conseil d’administration, notamment en matière de seuils, de motifs de refus d’inscription à l’ordre du jour », conclut Hubert Rodarie. Encore des sujets de réflexion pour l’Afep et le Medef.

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