Le rapport Woerth invite l’AMF à plus de réactivité contre les activistes

La mission de l’Assemblée nationale sur l’activisme actionnarial préconise la création d’un référé devant l’AMF et un meilleur encadrement des prêts-emprunts de titres.
Bruno de Roulhac
Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Woerth
Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Woerth.  -  Capture écran Assemblée nationale.

Le rapport Woerth donne le coup d’envoi des recommandations pour réguler l’activisme actionnarial en France. Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Woerth (LR) a présenté hier en commission les conclusions et les recommandations de la mission d’information sur l’activisme actionnarial, dont il est le rapporteur avec le député LREM Benjamin Dirx.

«Les activistes sont utiles, mais leur comportement peut être excessif et nuisible», rappelle Eric Woerth. Il distingue trois types de campagnes activistes. Celles déclenchées par un événement particulier (à l’instar de CIAM chez Scor), celles motivées par la création de valeur pour une société jugée sous-valorisée (comme Elliottchez Pernod Ricard), ou celles utilisant les ventes à découvert pour les sociétés jugées surcotées (Muddy Waters chez Casino). Des attaques qui peuvent avoir un impact important sur le cours de Bourse, entraîner une modification de la stratégie, de la gouvernance, et surtout qui mobilisent très fortement le management. Le meilleur moyen de se prémunir de telles attaques est de faire de la prévention, préconise Eric Woerth.

Sanction pécuniaire en cas de franchissement de seuil non déclaré

Si le rapport estime que le corpus réglementaire est largement adapté à la régulation des activistes, il émet néanmoins 13 recommandations fondées sur quatre principes : ne pas nuire à l’attractivité de la Place financière de Paris, favoriser la transparence et la fluidité des marchés, cibler les comportements les plus dommageables des activistes et privilégier le droit souple.

Concrètement, le rapport propose d’abaisser le seuil du premier franchissement du capital ou des droits de vote de 5% à 3%, et de s’aligner ainsi sur le régime londonien. Une mesure qui pourrait être limitée aux plus grandes capitalisations. Pour assurer une vraie transparence, le non-respect de déclaration des franchissements de seuils, à la hausse comme à la baisse, légaux et statutaires, pourrait être assorti d’une sanction pécuniaire dissuasive, liée par exemple à un pourcentage du chiffre d’affaires. Ces déclarations devraient se faire y compris lors des opérations de prêt-emprunt de titres. En outre, le rapport soutient toute initiative qui permet à une société de mieux connaître son capital, en commençant par réduire ou supprimer les frais élevés facturés pour la procédure de titres au porteur identifiable (TPI). Les banques apprécieront…

Pour réduire l’asymétrie entre fonds activistes et sociétés cotées, le rapport demande que toute la communication adressée par les activistes aux actionnaires le soit aussi au management, au nom de l’égalité d’information. Et que les sociétés ciblées puissent se défendre en communicant, même en quiet periods. Plus largement, le rapport invite la Place à initier un guide du dialogue actionnarial, préconisant les bonnes pratiques en mettant le principe du contradictoire en exergue.

Encadrer les ventes à découvert

Sans les interdire, le rapport reconnaît la nécessité d’encadrer plus étroitement les ventes à découvert. Il propose d’introduire une présomption de fonctionnement anormal du marché si certains seuils sont dépassés (volume, pourcentage du flottant…). Si le président de l’AMF a reconnu l’an dernier que des questions se posaient pour Casino, il n’a pas pour autant interdit provisoirement les ventes à découvert, alors que le régulateur allemand, la Bafin, l’a fait cette année pour Wirecard. Le rapport préconise aussi d’intégrer dans le calcul des seuils pour les positions courtes tous les instruments financiers, notamment les CDS. Enfin, la mission invite les pouvoirs publics à créer une place de marché centralisée de prêts-emprunts de titres et à organiser ce marché, encore très opaque. En revanche, elle n’est pas favorable à une publicité obligatoire des opérations de prêt-emprunt de titres, en raison des difficultés de mise en œuvre. Le rapport préconise de dissocier le droit de vote de la propriété des titres prêtés, à l’instar de ce que fait BlackRock de manière contractuelle.

Enfin, le rapport incite l’AMF à agir plus vite et plus efficacement et pour cela lui octroie des moyens supplémentaires. La mission préconise la création d’une procédure de référé devant l’AMF, qui pourrait prendre des mesures conservatoires – suspension de cote, gel de certaines opérations de marché par exemple – avant le jugement sur le fond. L’AMF verrait ses moyens financiers renforcés, Eric Woerth proposant de supprimer le plafond de ressources de l’AMF, qui toucherait ainsi l’ensemble des recettes de taxes qui lui sont affectées, soit 120 millions d’euros en 2018, contre un budget 2019 de 96,5 millions. Une demande de longue date du régulateur qui serait enfin satisfaite !

Ces recommandations seront à compléter avec les propositions des autres groupes de Place. Pour l’heure, Paris Europlace n’a pas dévoilé les conclusions de son rapport, tandis que le Club des Juristes n’a pas encore planifié la publication de son rapport. En attendant, «il est absurde que la France adopte une approche complètement protectionniste en la matière, en soutien des capitaines d’industries et – qu’en même temps – elle aspire à devenir la place financière de premier plan en Europe, ouverte aux capitaux étrangers, a déclaré hier soir Muddy Waters en réactions à ces recommandations. Certaines propositions sont en réalité régressives, en ce qu’elles nuisent à la transparence des marchés. Au demeurant, elles ne traitent pas du problème de la responsabilité des dirigeants».

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