
Le prometteur patron d’Air France-KLM devra s’attaquer au plus dur en 2019

Joon aura à peine eu le temps de souffler sa première bougie. Air France-KLM a annoncé jeudi dernier son projet d’arrêt de cette compagnie, lancée en décembre 2017. Par cette nouvelle décision forte, le nouveau directeur général, Ben Smith, marque un peu plus son empreinte. Mais les travaux les plus difficiles restent à accomplir pour le dirigeant, qui sera attendu au tournant sur ses grandes orientations stratégiques cette année.
Les quatre premiers mois du nouveau pilote d’Air France-KLM s’avèrent encourageants. L’accord intercatégoriel sur les hausses de salaires noué chez Air France en octobre a constitué une première étape franchie rapidement et «avec brio» par Ben Smith, juge Oddo BHF. La mort annoncée de Joon, qui sera absorbée par Air France d’ici à juin ou juillet après consultation des représentants des salariés, lui permet de cocher une autre bonne case. «La marque a dès le début été difficilement comprise par les clients, par les salariés, par les marchés, par les investisseurs», a reconnu Air France en annonçant la fin de Joon. «Le transfert des activités de Joon vers les activités d’Air France me paraît, au premier abord, une bonne chose», juge Laura Parisot, analyste du bureau d'études indépendant AlphaValue, mettant en avant la «cohérence de marque».
Cap vers le premium
Ben Smith n’en est toutefois qu’aux prémices. «C’est une transformation de fond et tous les dossiers sont imbriqués. Tout est encore à faire et le chemin va être très long», souligne Grégoire Laverne, directeur général adjoint de Roche Brune Asset Management, qui ne détient pas d’actions du groupe aérien.
Pour l’heure «Ti Ben» - le surnom du dirigeant canadien - n’a pas donné d’indications sur une quelconque date pour présenter sa stratégie. HSBC table sur l'été prochain, mais Ben Smith semble plutôt procéder par petites touches.
Le dirigeant a évoqué la semaine dernière ses projets pour Air France, dans un courriel envoyé aux employés de la compagnie et que l’Agefi-Dow Jones a pu consulter. Le directeur général a expliqué vouloir dès l'été 2019 mieux positionner l’offre sur le voyage «haute contribution». «Les clients Premium sont les plus convoités par l’ensemble des compagnies (...) nous choisissons de nous recentrer sur ce segment de clientèle», développait-il.
Des annonces sont aussi attendues sur Transavia. Les analystes de Bernstein soulignent que la compagnie low cost d’Air France-KLM jouit d’une compétitivité enviable en matière de coûts unitaires mais souhaiteraient que «l’articulation entre Transavia France, Transavia Pays-Bas et le groupe» soit clarifiée. Laura Parisot, d’AlphaValue, anticipe un renforcement des activités de la compagnie à bas coûts via une augmentation de ses capacités, alors que Transavia doit déjà porter sa flotte à 40 avions d’ici à 2020 contre 34 à l’heure actuelle. Sollicité pour savoir si de telles mesures étaient à l’ordre du jour, Air France-KLM n’a pas fait de commentaire.
L’ambiance se détend au SNPL
La question de la base de coûts d’Air France-KLM reviendra probablement aussi sur la table. Selon Mainfirst, les coûts unitaires hors carburants sont environ 10% à 20% plus élevés chez Air France-KLM que chez Lufthansa et environ 30% plus élevés que chez IAG en base comparable. En prenant à bras le corps ce sujet épineux, Ben Smith risque de buter sur la même impasse sociale que ses prédécesseurs. Mais le directeur général a pour atout d’avoir su relancer le dialogue social. Après l’accord intercatégoriel d’octobre, le directeur général en a paraphé deux autres avec les Personnels navigants commerciaux (PNC) et le personnel au sol d’Air France. Le prochain, avec les pilotes, est en cours de négociation et avance bien, selon nos informations.
Par ailleurs, les interlocuteurs de Ben Smith ont changé au sein du SNPL, le puissant syndicat de pilotes, depuis début décembre. Philippe Evain, réputé défendre une ligne dure, a été désavoué lors d'élections internes, remplacé par Guillaume Gestas. Or, le nouveau président du SNPL a battu campagne sur «une autre manière de faire du syndicalisme» que son prédécesseur, rappelle Guillaume Pollard, président du syndicat Alter. De bon augure, alors que Bernstein juge que donner au marché «l’assurance qu’Air France-KLM est capable de réduire ses coûts sur une période prolongée contribuerait à améliorer le sentiment des investisseurs de long terme sur l’action».
Des liens à renforcer avec KLM
Un autre défi majeur pour Ben Smith sera de resserrer les liens et l’organisation entre Air France et KLM où des progrès peuvent encore être accomplis. «Les résultats sont encore aujourd’hui très largement poussés par KLM, qui a contribué à hauteur de 74% au résultat opérationnel du groupe sur les 9 premiers mois de 2018. Le fossé s’est évidemment creusé durant l’année 2018, où Air France a connu de nombreuses perturbations, mais celui-ci est bien réel», explique Laura Parisot d’AlphaValue. «Il serait donc important d’aborder le problème de synergies entre les deux compagnies», poursuit l’analyste.
Dans les prochains mois, le cours de Bourse d’Air France-KLM devrait évoluer au gré des annonces et de «Ti Ben». Comme souvent avec le groupe aérien, le pari reste risqué pour les investisseurs. Mais en envoyant de bon signaux, Ben Smith pourrait bien faire décoller une valeur qui a perdu 30% en un an. «Il y a une reprise à jouer», considère Grégoire Laverne de Roche Brune Asset Management. Les premiers pas de «Ti Ben» plaident en tout cas pour que les investisseurs lui accordent leur confiance.
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Oslo - Fort d’un score historique aux législatives en Norvège, la droite populiste doit largement son succès à la jeunesse, en particulier chez les hommes, séduite par son discours anti-fiscal, anti-élites et anti-immigration martelé sur des réseaux sociaux devenus source essentielle d’information. Si la gauche l’a emporté, permettant au Premier ministre travailliste Jonas Gahr Støre de rester au pouvoir quatre ans de plus, le parti du Progrès (FrP) a réalisé lundi la meilleure performance depuis sa création en 1973, en recueillant près d’un quart des voix (23,9%) et en devenant pour la première fois la principale force d’opposition. «Ce soir, nous allons célébrer le meilleur résultat de tous les temps, et mon objectif, c’est que ce ne soit que le début», s’est exclamée sa cheffe, Sylvi Listhaug, devant ses partisans en liesse. Parmi eux, énormément de jeunes. Selon une enquête de la chaîne NRK, le FrP est désormais le premier parti chez les hommes de moins de 30 ans, une tendance observée dans un nombre croissant de pays en Europe. Professeur de sciences politiques à l’université de Tromsø, Jonas Stein y voit «une combinaison de facteurs». «Il y a l'économie --ce sont des personnes qui veulent garder une part plus élevée de ce qu’ils gagnent et pouvoir s’enrichir-- et une forme de contestation contre l'égalitarisme et une partie des forces progressistes», dit-il à l’AFP. Dans un pays où la fiscalité est l’une des plus élevées d’Europe, le FrP veut sortir la tronçonneuse. Le parti réclame notamment l’abolition de l’impôt sur la fortune qui a poussé plusieurs dizaines d’ultra-riches à s’exiler ces dernières années. «Nous devons baisser nos impôts parce que nous voyons que certains Norvégiens qui créent beaucoup d’emplois, des entrepreneurs prospères, s’installent en Suisse ou en Suède, et cela n’est pas durable pour la Norvège», a expliqué Mme Listhaug à l’AFP. Parallèlement, le parti préconise de réduire les coûts liés à la bureaucratie, l’aide au développement, l’immigration, et les subventions aux énergies renouvelables. Tenant à conserver l’anonymat, l’un de ces primo-votants à avoir voté FrP dit avoir fait ce choix car «chacun devrait pouvoir davantage garder son propre argent afin de choisir soi-même les prestations sociales qui lui conviennent». «Pour moi, c’est essentiellement une question d'économie et d’impôts, mais la criminalité occupe aussi mon esprit, le fait que le FrP veuille donner plus d’argent à la police, qu’il souhaite une politique d’immigration plus sévère (...) car j’ai le sentiment que l’intégration ne fonctionne pas très bien actuellement», explique le jeune homme qui, à 19 ans, gère sa propre société d’investissements. «Davantage de polarisation» Branche Jeunes du FrP, le FpU et son leader, Simen Velle, ont été extrêmement actifs sur les réseaux sociaux de prédilection des jeunes pendant la campagne. Sur TikTok, le mot d’ordre «Votez FrP!» s’est répandu comme une traînée de poudre. Résultat: le parti du Progrès a largement remporté le «skolevalg», des élections simulées dans les lycées pour sensibiliser les jeunes à la démocratie, avec 26% des voix. Le FrP reste cependant difficile à classer. Politologue, Johannes Bergh le définit comme un «parti populiste de droite» anti-immigration et anti-élites. «Mais si on le compare à d’autres partis de cette catégorie en Europe comme les Démocrates de Suède ou (le Rassemblement national de) Marine Le Pen, le parti du Progrès est plus modéré et fait beaucoup plus partie de l’establishment» qui «ne franchit pas la limite du racisme», précise-t-il. Il a d’ailleurs déjà exercé le pouvoir en Norvège aux côtés des conservateurs entre 2013 et 2020. Alors titulaire de plusieurs ministères, Mme Listhaug avait fait des vagues pendant la crise migratoire en 2015, en dénonçant «la tyrannie de la bonté» et en estimant que les étrangers «ne (pouvaient) être accueillis en grande pompe». Rejetant tout lien de parenté avec d’autres partis européens, la responsable de 47 ans décrit elle-même aujourd’hui le FrP comme «un parti libéral qui veut plus de liberté (de choix), moins de taxes, moins de gouvernement et (...) une politique d’immigration stricte». Dans un paysage politique norvégien où règne une culture du compromis, le nouveau poids du FrP pourrait déboucher sur «davantage de polarisation», souligne Jonas Stein. «Jamais les deux principaux partis norvégiens n’ont été aussi éloignés l’un de l’autre». Pierre-Henry DESHAYES © Agence France-Presse -
10 septembre : des perturbations sur le RER et le transilien attendues en Ile-de-France
Paris - Le trafic sera perturbé sur de nombreuses lignes ferroviaires en Ile-de-France mercredi, jour du mouvement pour «tout bloquer», le ministre des Transports promettant un important dispositif de sécurité à Paris à la Gare du Nord qui pourrait être ciblée par des manifestants. La SNCF ne prévoit aucune circulation sur une partie du RER D, seulement un train sur trois sur les lignes Transilien H, vers le nord-ouest de la région parisienne, et Transilien R (sud-est) ainsi qu’un train sur deux sur le RER B dans sa partie nord, desservant notamment l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Dans la partie sud du RER B, gérée par la RATP, deux trains sur trois circuleront, a précisé mardi ce dernier transporteur. Le RER A, ligne ferroviaire la plus fréquentée d’Europe, ne sera a priori pas affectée par le mouvement, selon la RATP et la SNCF. Cette dernière prévoit aussi un trafic «normal» sur la ligne V du Transilien (Versailles-Massy) et les deux tramways qu’elle exploite, les lignes 12 et 13. Le RER C et les lignes K (nord), N (ouest) et U (ouest) du Transilien verront circuler un train sur deux. Cette proportion montera à deux trains sur trois sur les lignes J et L (ouest) et le RER E. La ligne P, vers l’est, sera également touchée, mais verra circuler au minimum deux trains sur trois. A la RATP, le trafic sera «quasi normal» dans le métro avec «plus de neuf trains sur dix» sur les lignes 5, 8, 9 et 13, les autres n'étant pas affectées. En moyenne, «neuf bus sur dix circuleront sur l’ensemble du réseau», tandis que les tramways fonctionneront à 100%. La SNCF avait déjà prévenu lundi que le trafic ferroviaire serait affecté dans l’Hexagone par le mouvement social de mercredi, en particulier celui des TER et des Intercités, mais pas le réseau à grande vitesse. «A la RATP, il y a assez peu d’annulations puisqu’il y a, je crois, 1.400 collaborateurs grévistes sur près de 46.000" salariés, a affirmé le ministre démissionnaire des Transports, Philippe Tabarot, après avoir réuni mardi après-midi les principaux acteurs du transport. «Particulièrement vigilants» M. Tabarot a évoqué, côté SNCF en Ile-de-France, «quelques perturbations sur les RER et sur les Transilien, mais qui, majoritairement, vont circuler, environ aux alentours de 60%». Selon le ministre, dans le reste de la France, environ «70% des TER» devraient circuler, «avec quelques régions où il n’y aurait pratiquement pas de perturbations, et d’autres où il y en aurait un petit peu plus», notamment les Hauts-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et l’Occitanie. A la RATP, le syndicat La Base, majoritaire chez les conducteurs de RER, a appelé à faire grève mercredi. Mais les quatre principaux syndicats de la RATP - CGT, FO, Unsa Mobilité et CFE-CGC - ont quant à eux appelé à la grève le 18 septembre, autre jour de mobilisation. Côté SNCF, la CGT-Cheminots, premier syndicat du groupe, a appelé à «participer massivement» à la grève de mercredi ainsi qu'à celle du 18 septembre. SUD-Rail, troisième syndicat de cheminots, a également appelé à faire grève mercredi, mais ne s’est pas joint à l’appel lancé par les trois autres grands syndicats de la SNCF (CGT, Unsa, CFDT) pour le 18 septembre. M. Tabarot a estimé que la mobilisation «pourrait être plus forte le 18 que le 10", mais il a prévenu que «la radicalité des actions menées risque d'être au rendez-vous» mercredi. En particulier, «il semblerait que la Gare du Nord soit ciblée par un certain nombre de manifestations», a-t-il révélé, en promettant un dispositif de sécurité «très important sur cette gare comme pratiquement sur l’ensemble des plus grandes gares [du] pays». «On sera particulièrement vigilants là-dessus, que ce soit sur les voies ferrées, que ce soit sur nos routes ou nos autoroutes pour éviter un certain nombre de blocages», a promis le ministre. © Agence France-Presse