
L’adoption de la directive «restructuration» lance le débat sur le traitement des créanciers

Le Conseil de l’Union européenne (UE) a définitivement adopté le 6 juin la directive «restructuration et insolvabilité» - votée au Parlement le 28 mars, qui doit contribuer à l’harmonisation des législations nationales. Le gouvernement français a fortement soutenu ce texte qui promeut au niveau européen notre modèle de procédures préventives, comme les procédures amiables françaises de mandat ad hoc et de conciliation mais également la procédure de sauvegarde, ici considérée comme préventive au motif qu’elle implique de ne pas être en cessation des paiements. «Ce critère français de cessation de paiement ne devrait pas être le critère distinctif plus que l’insolvabilité bilancielle, estime l’avocat spécialisé Guilhem Brémond (Brémond & Associés). Il faut surtout distinguer les procédures amiables et les procédures collectives», que les pays devront donc adapter au nouveau cadre.
Pour la France, la directive introduit essentiellement trois nouveautés. Premièrement, un délai maximum raccourci à 4 mois (extensibles jusqu’à 12) au lieu de 6 mois (extensibles jusqu’à 18) pour la suspension des poursuites, c’est-à-dire de l’exercice des sûretés par les créanciers dans le cadre de la procédure de sauvegarde ; un délai encore jugé trop long par les banques au regard de leurs contraintes réglementaires. Deuxièmement, le texte permettra de revoir les trois comités de créanciers existants en France (fournisseurs, banques, obligataires), qui ne tenaient pas compte des différents niveaux de subordination et de garantie (exemple CGG) : à l’avenir, les classes seront constituées en fonction de la qualité des créances détenues, «sur avis du tribunal ou de l’administrateur judiciaire et non pas automatiquement car les différentes classes obligataires évoluent avec les innovations financières», poursuit Guilhem Brémond.
Troisièmement, et c’est le plus grand changement pour le système français, les Etats devront trouver un moyen de pouvoir appliquer, si besoin, un vote forcé sur le plan de restructuration proposé, afin de passer outre le refus d’une ou plusieurs classes (cross-class cram down), dont celle des actionnaires qui avaient jusqu’alors une sorte de droit de veto dans la sauvegarde française (hors procédures «accélérées» ou «financières»), même lorsque la valeur financière du capital était considérée comme nulle. Les Etats pourront opter pour la méthode américaine (inspirée du Chapter 11), qui permet à une seule classe de valider un plan contre toutes les autres dès lors qu’elle est encore dans la valeur – «on peut imaginer que c’est la classe ‘pivot’, juste au-dessous de la valeur, qui aura son mot à dire au dépens des classes éloignées de la valeur et en partant du principe que les classes ‘dans la valeur’ recouvreront naturellement leurs avoirs», nuance Guilhem Brémond. Ou ils pourront choisir la méthode allemande, qui exige une validation à la majorité (en France des deux tiers) des classes à condition de respecter le principe selon lequel aucun créancier ne peut être moins bien traité qu’en cas de liquidation judiciaire (no creditor worse off).
La loi Pacte promulguée le 22 mai autorise désormais le gouvernement à transposer cette directive par voie d’ordonnance dans le délai normal de 24 mois à compter de sa publication (prochaine) au JO de l’UE. «La consultation publique ouverte aux personnes intéressés risque cependant de générer d’importants débats autour du calcul de la valeur et des modalités de vote», conclut Guilhem Brémond.
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Guerre en Ukraine : la Pologne dénonce une « agression » après des violations de son espace aérien par la Russie
Varsovie - La Pologne a dénoncé mercredi un «acte d’agression» et annoncé avoir abattu des «objets hostiles» dans son son espace aérien au cours d’une attaque russe contre l’Ukraine, une première pour ce pays membre de l’Otan depuis le début du conflit. Après des «violations à plusieurs reprises» de l’espace aérien polonais au cours d’une attaque russe contre l’ouest de l’Ukraine voisine mercredi, l’armée du pays a annoncé le déploiement d’appareils polonais et alliés. «Les avions ont utilisé leurs armes contre les objets hostiles», a indiqué le ministre de la Défense polonais Wladyslaw Kosiniak-Kamysz dans un message sur X, précisant être «en contact permanent avec le commandement de l’Otan». «A la suite de l’attaque d’aujourd’hui par la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien, une violation sans précédent de l’espace aérien polonais par des objets de type drone a eu lieu», a indiqué le centre de commandement de l’armée polonaise dans un message sur X. «C’est un acte d’agression qui a créé une menace réelle pour la sécurité de nos citoyens», a-t-il ajouté Les forces polonaises et alliées ont surveillé avec des radars «plus de dix objets, et pour ceux pouvant représenter une menace, le commandant opérationnel des forces armées a pris la décision de les neutraliser». «Certains drones qui ont pénétré dans notre espace aérien ont été abattus», a-t-il détaillé. Les objets abattus étaient en cours de localisation, a indiqué cette source, sans préciser leur nombre. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a indiqué avoir «informé le Secrétaire général de l’Otan (Mark Rutte NDLR) de la situation actuelle» et des actions entreprises, sur ce réseau social. Espace aérien fermé Le principal aéroport de Varsovie, Chopin, n'était pas opérationnel mercredi matin. «En raison des actions des services de l'État et de l’armée pour assurer la sécurité, l’espace aérien au-dessus d’une partie du pays, y compris au-dessus de l’aéroport Chopin, a été temporairement fermé. L’aéroport reste ouvert, mais aucune opération de vol n’a lieu actuellement», a annoncé l’aéroport dans un communiqué. Ces incidents interviennent au lendemain d’un avertissement du président polonais Karol Nawrocki qui, lors d’une visite en Finlande mardi, avait estimé que le présient russe Vladimir Poutine était prêt à envahir d’autres pays après l’Ukraine. En août, Varsovie avait adressé à Moscou une note de protestation après la chute et l’explosion d’un drone dans l’est du pays, qualifiant cet incident de «provocation délibérée». En 2023 un missile russe avait traversé l’espace aérien polonais en survolant sa frontière avec l’Ukraine. En novembre 2022, un missile de la défense antiaérienne ukrainienne était tombé sur le village polonais de Przewodow, près de la frontière, causant la mort de deux civils. L’Ukraine est la cible d’attaques intenses ces derniers jours. Tôt mercredi, une alerte aérienne a été déclenchée sur l’ensemble du pays. Les autorités militaires de Kiev ont mis en garde la population contre une «menace d’attaque de missiles» tandis que des bombes guidées et des objets à grande vitesse ont été signalés par les forces aériennes vers Kharkiv et Soumy, dans l’est du pays. «La Russie a lancé de nombreux missiles, et les attaques de drones (...) ce qui représente une menace qui ne pèse pas seulement sur notre peuple», a souligné le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak sur X. Mardi, un bombardement russe a tué au moins 24 personnes venues percevoir leurs allocations de retraite dans un village proche du front de la région de Donetsk, dans l’est du pays, selon les autorités. La Russie avait lancé dimanche la plus grande vague de drones et missiles sur l’Ukraine depuis le début de la guerre qui a fait plusieurs morts et blessés à travers le pays et frappant pour la première fois le siège du gouvernement. © Agence France-Presse -
Von der Leyen attendue au tournant au Parlement européen après son accord commercial avec Trump
Strasbourg - Les eurodéputés attendent des explications de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen mercredi à Strasbourg sur l’accord commercial avec Donald Trump qui laisse nombre d’entre eux amers. La cheffe de l’exécutif européen aura fort à faire pour rassurer les parlementaires lors de ce traditionnel «discours sur l'état de l’Union» durant lequel elle doit présenter ses grandes orientations politiques. «C’est une rentrée difficile. L’Europe est perçue comme assez faible», convient une source au sein de la Commission. Mais «sur Trump, le juge de paix, ce n’est pas l’accord, c’est l’après. S’il ne respecte pas l’accord, il faudra être très dur», insiste ce responsable, sous couvert d’anonymat. La fébrilité reste de mise à Strasbourg comme à Bruxelles plus d’un mois après la poignée de main entre Donald Trump et Ursula von der Leyen. D’autant que le milliardaire américain multiplie les menaces contre la législation européenne sur le numérique, dont l’amende géante infligée par la Commission européenne à Google vendredi, qu’il a fustigée. Mercredi, Ursula von der Leyen aura «probablement un ton plus offensif» pour «essayer de faire passer la pilule, de vendre son accord» aux eurodéputés, grince Marina Mesure, membre du groupe de la gauche radicale. «Humiliation» Le Parlement européen a très mal accueilli ce «deal» avec Donald Trump scellé fin juillet: 15% de taxes américaines avec des exceptions pour des produits de l’UE comme l’aéronautique, assorties de promesses de l’Europe d’acheter massivement de l'énergie américaine et de réduire des taxes sur une série de produits made in USA. «Tout le monde s’accorde sur le fait que c’est un mauvais deal» qui «traduit la faiblesse de l’Europe», tranche la cheffe du groupe centriste Valérie Hayer. Mais Ursula von der Leyen avait un «mandat» d’Etats membres comme l’Allemagne et l’Italie, et les industriels voulaient de la prévisibilité pour les mois qui viennent, reconnaît-elle. Plus de la moitié des Européens (52%) ont ressenti de «l’humiliation» avec cet accord, selon un sondage publié dans le média Le Grand Continent et réalisé par l’institut Cluster17 dans cinq pays. Les eurodéputés devront se prononcer dans les semaines qui viennent sur l’un des volets de l’accord, la baisse des taxes européennes. Les centristes entretiennent le suspense et les sociaux-démocrates menacent de voter contre. L’argument «selon lequel un mauvais accord vaut mieux que rien du tout est totalement inacceptable», a tonné mardi la cheffe du groupe social-démocrate, Iratxe Garcia Pérez. La droite, dont est issue Ursula von der Leyen, assume quant à elle un vote en faveur de cet accord, même à contrecœur. Les droits de douane, «ça ne nous fait pas plaisir», mais il faut de la stabilité et s’adapter à la «réalité» voulue par le président américain, a défendu le chef du Parti populaire européen (PPE), Manfred Weber. Même position chez les eurodéputés italiens du parti de Giorgia Meloni, qui siègent dans l’un des trois groupes d’extrême droite du Parlement. En matière diplomatique, Ursula von der Leyen sera également très attendue sur la guerre à Gaza, au lendemain de raids israéliens au Qatar visant des responsables du Hamas, mouvement islamiste palestinien. Depuis des mois, l’Union européenne semble paralysée diplomatiquement tant ses divisions sont nombreuses. Les dissonances se manifestent jusqu’au sein de la Commission, où la socialiste espagnole Teresa Ribera a qualifié la situation à Gaza de «génocide», déplorant l’inaction des 27 Etats membres. «Débattre des mots divise l’Europe. Ca ne nous aide pas, ça ne nous apporte pas plus de crédibilité», lui a rétorqué Manfred Weber. Sur le dossier ukrainien, Ursula von der Leyen ne manquera pas à l’inverse de souligner la mobilisation des Européens. Une série de pays dont la France et l’Allemagne ont promis des garanties de sécurité à Kiev si le conflit avec la Russie s’arrête: un soutien militaire au sol, en mer ou dans les airs afin de dissuader Moscou d’attaquer à nouveau. En attendant, l’UE prépare un 19e paquet de sanctions, qui pourrait cibler certains pays achetant des hydrocarbures russes, selon des diplomates à Bruxelles. Adrien DE CALAN © Agence France-Presse -
La flottille pour Gaza affirme qu'un autre de ses bateaux a été touché près de Tunis
Sidi Bou Said - La flottille pour Gaza a affirmé qu’un autre de ses bateaux avait été touché dans la nuit de mardi à mercredi près de Tunis et dit soupçonner un drone, 24 heures après un incident similaire. «Un autre bateau a été touché dans une attaque présumée de drone», a affirmé la «Global Sumud Flotilla» dans un communiqué. Cette annonce intervient à la veille du départ prévu de la flottille en direction du territoire palestinien assiégé par Israël. L’"Alma», qui bat pavillon britannique, a été frappé selon la flottille dans les eaux tunisiennes, au large de Sidi Bou Saïd dans la banlieue nord de Tunis. Dans une vidéo publiée par la rapporteure des Nations unies pour les territoires palestiniens, Francesca Albanese, on peut voir une boule de feu s’abattre sur le pont d’un bateau. «Des preuves vidéo suggèrent qu’un drone – sans lumière, afin de ne pas être vu – a largué un engin qui a mis le feu au pont du bateau Alma», a-t-elle écrit. «Des experts suggèrent qu’il s’agissait d’une grenade incendiaire enveloppée dans des matériaux plastiques imbibés de carburant, qui aurait pu être enflammée avant d’atterrir sur le navire», a-t-elle ajouté. Le bateau «a subi des dommages causés par un incendie sur son pont supérieur. Le feu a depuis été éteint, et tous les passagers ainsi que l'équipage sont sains et saufs», a dit la flottille dans son communiqué. Sollicitée par l’AFP, la Garde nationale tunisienne n'était pas joignable. Des journalistes de l’AFP sur place ont pu voir un bateau au loin entouré d’embarcations avec des gyrophares des forces de l’ordre tunisiennes. Des sirènes étaient audibles et des dizaines de militants ont brièvement manifesté sur la plage de Sidi Bou Saïd pour protester contre l’attaque présumée. «Détermination» «Deuxième nuit, deuxième attaque de drone», a dit à l’AFP Melanie Schweizer, l’une des coordinatrices de la flottille. «Ces attaques répétées interviennent dans un contexte d’agression israélienne intensifiée contre les Palestiniens à Gaza, et constituent une tentative orchestrée pour distraire et faire dérailler notre mission», a dénoncé la flottille dans son communiqué. L’AFP avait sollicité l’armée israélienne pour un commentaire après la première annonce dans la nuit de lundi à mardi, sans réponse dans l’immédiat. Des militants ont dit qu’ils ne se laisseraient pas intimider. «Absolument aucun changement dans notre détermination. Nous partirons quand même demain», a dit le Palestinien Saif Abukeshek. La veille, c’est le «Family» qui avait été touché, avaient annoncé les organisateurs, vidéos à l’appui. La Garde nationale tunisienne, l'équivalent de la gendarmerie, avait démenti toute frappe de drone, assurant que selon ses premières constatations, «aucun» engin n’avait été détecté. La bande de Gaza est le théâtre d’une guerre dévastatrice, déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023. Les Nations unies ont déclaré en août l'état de famine à Gaza, avertissant que 500.000 personnes se trouvent en situation «catastrophique». Des navires de la Global Sumud Flotilla («sumud» signifie «résilience» en arabe) sont arrivés ces derniers jours en Tunisie d’où ils doivent partir cette semaine pour Gaza. Ils avaient initialement prévu d’atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre afin d’y acheminer de l’aide humanitaire et «briser le blocus israélien», après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet. Lisa DEFOSSEZ © Agence France-Presse