
La semaine de quatre jours, levier d’engagement... et de productivité ?

Claude Leblois est formel. «Avec le télétravail, déployé en janvier 2019, la productivité a augmenté de 20 %», souligne le directeur général des Mutuelles du Soleil (250 salariés). Pour améliorer davantage la qualité de vie au travail (QVT), le groupe embraye sur la semaine de quatre jours. Une modalité mise en place en janvier dernier à titre expérimental, après un audit de faisabilité et un sondage interne ayant recueilli 80 % d’avis favorables.
Conçue de manière collaborative, la formule, à salaire constant, permet au personnel administratif (180 personnes à Marseille et Nice) de travailler quatre jours sur la base de 35 heures hebdomadaires, dont deux jours en télétravail. Les commerciaux et conseillers clientèle des 23 agences du groupe, pour lesquels le télétravail n'était pas adapté, passent, eux, de 37 heures avec dix jours de RTT, à 32 heures sans RTT, les horaires étant gérés directement en local.
«À l’exception du mardi où tout le monde se retrouve sur site pour préserver le lien social, le jour non travaillé est choisi pour un an avec l’approbation du responsable d'équipe. Mais l’option sur cinq jours est toujours ouverte à ceux qui la trouvent plus pratique», précise le directeur général.
Un premier bilan sera dressé début avril. Mais Claude Leblois, qui s’est donné un an pour avoir suffisamment de recul, n’a pas de doute sur le succès de la démarche : «Nous n’avons à ce jour pris aucun retard et, pour les clients, tout est transparent : nous insistons sur le fait que ce sont nos collaborateurs qui sont à quatre jours, pas l’entreprise.»
Six DRH français sur dix ouverts
En France, la démarche est encore balbutiante. Selon une enquête de l’Association nationale des DRH menée auprès de plus de 500 adhérents et publiée le 13 mars, seules 3 % des entreprises sondées l’ont adoptée. Mais 29 % font face à des demandes de salariés. Et si près de huit DRH sur dix ne l’envisagent pas pour le moment, 61 % y seraient tout de même ouverts sous certaines conditions.
Comment intégrer cette modalité d’organisation dans le mouvement d’hybridation du travail post Covid ? C’est ce que tente de savoir la Fédération de l’assurance CFE-CGC. Après une première enquête globale réalisée auprès de 2.000 salariés du secteur – qui, pour les trois quarts, se disent tentés par la semaine de quatre jours –, la centrale syndicale s’apprête à lancer une deuxième vague de sondages pour en étudier la faisabilité par métier. «Il s’agit avant tout de savoir comment travailler mieux pour vivre mieux», souligne Francky Vincent, le président fédéral. «Les dirigeants s’interrogent évidemment sur le maintien de la productivité. Mais répondre aux aspirations des salariés, c’est aussi créer les conditions de la performance», estime-t-il, pointant le problème actuel d’attractivité des secteurs de l’assurance comme de la banque.
Des employeurs déjà séduits outre-Manche
Plusieurs options peuvent être mises sur la table, dont une réduction du temps de travail, qui nécessite, de fait, une réflexion sur la productivité. «Mais si la ‘véritable semaine de quatre jours’ – avec maintien des 35 heures hebdomadaires (soit une durée journalière de 8 h 45) – ne pose pas de difficultés, cette organisation du temps de travail est à notre avis incompatible avec un forfait jours sauf à remettre en cause l’autonomie qui doit présider à ce forfait», pointe Séverine Martel, avocate associée en charge du département droit social au bureau de Paris de Reed Smith.
Outre-Manche, les résultats d’une expérimentation de six mois menée auprès de 61 entreprises de divers tailles et secteurs d’activité (représentant quelque 2.900 salariés) sont tombés en février dernier. Et 56 de ces employeurs, qui étaient libres d’adopter l’organisation de leur choix (de la journée non travaillée jusqu'à des dispositifs d’annualisation) sans baisse de salaire, ont décidé de poursuivre dans cette voie ;18 d’entre eux ayant définitivement entériné le changement. Nette amélioration du bien-être des salariés, baisse de 57 % des démissions, réductions des arrêts maladie et légère augmentation du chiffre d’affaires (1,4 % en moyenne) sont autant de bénéfices constatés.
Essai transformé également pour la néobanque britannique Atom bank, qui, a, pour sa part, mis en place une semaine de 34 heures dès novembre 2021. Expérience dont elle a dressé un bilan très positif un an plus tard : hausse de l’engagement, du nombre de candidatures, des indicateurs clientèles, recherche accrue d’efficacité de la part des collaborateurs, etc.
Semaine flexible chez Accenture
Depuis juin 2022, Accenture déploie, de son côté, la «semaine flexible», après un test de sept mois mené auprès de trois équipes business et de celle des ressources humaines (soit 300 personnes au total), qui s’est achevé en octobre 2021. Une réponse aux attentes de personnalisation et de flexibilité des salariés, selon Jacqueline Haver Droeze, DRH France et Benelux du cabinet de conseil.
Toute nouvelle équipe désirant sauter le pas bénéficie d’un accompagnement. Il s’agit d’expliquer aux collaborateurs qu’ils peuvent désormais prendre (ou pas) une journée «off» ou, pour les salariés en forfait jours, deux demi-journées au maximum par semaine, à salaire et charge de travail inchangés. Un «véritable changement culturel». Qui s’opère sans avenant au contrat de travail, mais «dans le respect de la législation sur le temps de travail», précise la DRH d’Accenture, en insistant sur la nécessaire formation des managers à la détection des risques psychosociaux.
Les équipes mettent en place leurs propres indicateurs de productivité et de qualité de service, définis en collaboration avec les clients. «Nous sommes très prudents lorsque l’un d’eux se montre réfractaire ou qu’un projet en cours très complexe requiert une présence cinq jours sur cinq. Tout se met en place lentement, mais sûrement», explique la responsable.
À ce jour, plus de 1.000 collaborateurs (sur 10.000 dans l’Hexagone) sont devenus «flexeurs». «La confiance est le socle de la productivité et cette possibilité offerte aux salariés joue un vrai rôle dans leur engagement», considère Jacqueline Haver Droeze. Une bénédiction, aussi, pour le service recrutement d’Accenture. Ainsi que pour les Mutuelles du Soleil, qui ont réussi à attirer, en quelques mois, des candidats en poste sur des emplois proposés depuis deux ans.
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